Alger a abrité hier la réunion des chefs des armées du Mali, du Niger, de la Mauritanie, de la Libye, du Tchad, du Burkina Faso et de l'Algérie, consacrée à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée dans la bande sahélo-saharienne. C'est à la salle de conférences de l'hôtel des officiers de Beni Messous que les travaux ont eu lieu ; seuls les journalistes de la télévision, de la radio, de l'APS ainsi que ceux de la revue El Djeich avaient droit d'y accéder. L'exclusion d'une large partie de la presse nationale ne reflète pas l'esprit de transparence dont se targuent souvent les autorités militaires. Lors de son allocution d'ouverture, diffusée par l'APS, le chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, a présenté la réunion comme « un espace de concertation pour débattre des questions de défense et de sécurité collective et lever les éventuelles incompréhensions au profit de la définition et de la mise en œuvre d'une stratégie concertée et coordonnée de lutte contre les menaces migrantes ». Une stratégie, a t-il précisé, qui permettra aux autorités politiques « de se consacrer aux tâches de développement économique et social au bénéfice des peuples ». Le chef de l'armée algérienne a par ailleurs exprimé sa conviction de « pouvoir assumer la pleine responsabilité de cette ambition légitime pour peu que nous puissions cerner les problèmes de sécurité qui agitent notre région et identifier les voies et moyens de les résoudre par la définition et la matérialisation d'un modèle de coopération militaire approprié ». Selon M. Gaid Salah, une telle réunion, avec des niveaux de représentation aussi élevés « exprime un démenti clair aux velléités d'intervention ». Le chef de l'armée algérienne a plaidé pour la conjugaison des efforts, en précisant : « Forts que nous sommes par l'engagement résolu de nos pays et de nos armées dans une véritable œuvre de mise en synergie de nos volontés, de nos expériences respectives et de nos capacités militaires, permettez-moi de dire que le constat est que chacun de nous continue à faire face à ce mal avec ses méthodes et ses moyens propres, faute de vision commune de lutte, alors que nous serions, à l'évidence, plus forts si nous le faisons ensemble, sur la base d'une étroite coopération militaire active, servant la cause de la paix et de la stabilité, gages de bien-être et de prospérité pour nos peuples, unis par les liens de l'histoire et de la géographie. » Il a conclu en rappelant la « bataille » menée par l'Algérie contre le terrorisme « fortement réduit grâce à l'application déterminée d'une stratégie multidimensionnelle conjuguant une lutte sans merci de l'ANP et des services de sécurité, avec l'appui actif et résolu de notre peuple et, au plus haut niveau politique, par des dispositions favorisant la réconciliation nationale ». Le Mali, seul pays où les terroristes ne sont pas inquiétés A ce titre, il s'est déclaré « persuadé » que la réunion d'Alger « va renforcer la coopération et consolider les liens indéfectibles de fraternité, de solidarité et de bon voisinage pour inspirer, avec discernement, des impulsions actives autour de notre objectif principal de pourchasser et de détruire le terrorisme là où il se trouve ». En fait, les travaux de cette réunion ont duré toute la journée et se sont terminés par la signature d'un procès-verbal au lieu d'une déclaration finale tel que prévu. Ce qui voudrait dire qu'il n'y pas eu de consensus autour des décisions retenues. Selon des sources sécuritaires, à part l'engagement de deux pays – Algérie et Libye – à fournir l'aide matérielle nécessaire aux pays dépourvus de moyens pour concrétiser la stratégie commune de lutte contre le terrorisme, les nombreuses autres mesures prises lors de cette rencontre restent soumises à l'appréciation des chefs d'Etat. C'est ce qui aurait justifié le recours au procès-verbal, en attendant la prochaine réunion prévue entre les chefs des services de lutte contre le terrorisme des sept pays à Alger. Selon nos interlocuteurs, « l'Algérie a exprimé sa volonté de fournir des équipements et d'assurer la formation des militaires en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, au profit des pays qui partagent sa frontière, notamment le Mali et le Niger, mais également d'autres comme le Tchad, ou la Mauritanie, qui auraient déjà exprimé des besoins. Il n'est pas question de lancer une quelconque opération à l'échelle régionale, mais plutôt de faire en sorte que chacune des armées puisse concrétiser, sur son terrain, sa volonté de pourchasser les terroristes la où ils sont ». Mais « l'enjeu de cette réunion est ailleurs » nous indiquent d'autres sources au fait de ce dossier. Il s'agit d'« arracher » le Mali de l'emprise du président français, Nicolas Sarkozy, et de le pousser à pourchasser les terroristes hébergés au nord de son territoire. « Le Mali reste le seul pays de la région où les terroristes d'Al Qaîda ne sont pas inquiétés et où des canaux de communication avec les plus hautes autorités et les notables sont facilement ouverts après chaque prise d'otage pour rançonner les Etats. L'interconnexion entre les barons de la cocaïne latino-américains, les terroristes islamistes, les trafiquants d'armes et les contrebandiers met toute la région en état de vulnérabilité et attise toutes les velléités d'intervention, bien exprimée d'ailleurs par la France à travers le cas de son implication dans l'enlèvement de Pierre Camatte. Ce dernier a été libéré (par Al Qaîda) en contrepartie de l'élargissement par le régime de Bamako, sous la pression de Nicolas Sarkozy, de quatre terroristes, dont deux réclamés par l'Algérie et un par la Mauritanie. » Ce qui, rappelons-le, avait irrité Nouakchott et Alger, dont les ambassadeurs à Bamako ont été rappelés. Le Président malien avait pourtant exprimé publiquement son niet quant à la libération des terroristes. La contrepartie, personne ne la connaît. Ce qui est certain, c'est qu'il s'est mis à dos trois de ses importants voisins directs, l'Algérie, la Mauritanie et le Niger, juste pour rendre service à la France lointaine. Pour certains spécialistes, il est peu probable que le Mali puisse respecter ses engagements et sa participation à la réunion d'Alger n'a d'autre objectif que d'arracher le maximum à ses voisins, notamment l'Algérie, accusée de soutenir les Touareg dans leurs revendications légitimes pour une vie meilleure. En abandonnant le nord au terroristes, aux cartels de la cocaïne et à la misère, le Mali met en danger toute la sous-région, dont la situation est devenue source d'inquiétude pour les plus grandes puissances, notamment celles intéressées par ses ressources naturelles.