Le nouveau patron du Conseil militaire de transition, qui a annoncé la démission de Salah Gosh, le chef du Service de renseignement soudanais (NISS), restait hier sous la pression du mouvement de contestation pour passer au plus vite la main à un pouvoir civil . Durra Gambo, journaliste soudanaise et militante des droits de l'homme, explique ce que les Soudanais attendent de l'armée.
Comment les Soudanais ont-ils accueilli le départ de Omar El Béchir ? La destitution de Omar El Béchir était l'une de nos principales revendications. Mais elle n'est pas la seule. Les Soudanais la considèrent néanmoins comme un bon début. Le pouvoir doit savoir qu'il n'est plus possible de duper les Soudanais ou de les maintenir sous sa botte. Plus personne n'acceptera la tromperie, le mensonge et la supercherie. Le départ de Omar El Béchir a été célébré dans tout le pays. La rue veut maintenant que l'ancien dictateur et son régime rendent des comptes et qu'ils payent pour leurs crimes. Quelle est actuellement l'atmosphère à Khartoum et dans le reste du pays ? La population est toujours mobilisée. Les sit-in se poursuivent un peu partout dans le pays. Les Soudanais attendent des mesures concrètes. Les gens ne savent toujours pas où se trouve El Béchir. Nous ne connaissons pas le sort qui est réservé aux piliers de son régime. La population attend également avec impatience que soient jugés les responsables des Services de renseignement qui ont continué à réprimer la population jusqu'à l'annonce de la destitution de Omar El Béchir. Alors que nous célébrions le départ de Omar El Béchir à Khartoum, des tireurs nous ont tiré dessus depuis un bâtiment militaire situé en face du siège de la marine. Cela signifie que les hommes de main du régime El Béchir sont toujours dans la nature. Ils ont commis des crimes. Ils doivent en répondre. Moins de 24 heures après sa nomination à la tête du Conseil militaire de transition, le très contesté général Ibn Auf a démissionné vendredi soir. Il a été remplacé par l'ancien chef d'état-major Abdel Fattah Abdelrrahman Al Burhane, un officier moins clivant. Ce changement est-il de nature à contribuer à ramener le calme ? Ce qui ramènera le calme, c'est la prise de mesures concrètes pour que le régime El Béchir ne se régénère pas et pour que son Etat profond soit durablement neutralisé. Tout dépendra aussi de ce que proposera Abdel Fattah Al Burhane. C'est ce qui déterminera les actions futures du mouvement de protestation. Si sa réponse est en deçà des attentes, alors il y a de fortes chances qu'il connaisse le même sort que son prédécesseur. Nous n'avons plus de temps pour les manœuvres. On en a marre. La rue commence à s'impatienter. Que pensez-vous du plan de sortie de crise de l'armée ? Justement, la population attend de l'armée qu'elle propose une feuille de route. Nous voulons un accord sur le transfert du pouvoir à un gouvernement civil. L'armée doit uniquement s'assurer que le transfert de l'autorité se fasse sans heurts. Après, nous voulons qu'elle retourne dans ses casernes. Les gens ne veulent pas d'un Conseil militaire de transition. Nous voulons qu'un Conseil civil dirige la transition. Pour le reste, les revendications de la population sont claires. Elles sont énoncées dans la Déclaration pour la liberté et le changement en dix points, lancée par l'opposition soudanaise, dont la première était le départ de Omar El Béchir. Est-ce que vous êtes optimiste concernant la suite des événements ? Nous commencerons à être optimistes lorsque nous verrons que l'on s'achemine vraiment vers la mise en place d'un Etat de droit. Nous pourrons dire que nous sommes sur la bonne voie lorsque nous verrons Omar El Béchir et ses hommes rendre des comptes devant des tribunaux révolutionnaires. C'est l'application de la loi qui va nous mettre à l'aise et nous permettre de sentir qu'un vent de liberté souffle vraiment sur le Soudan. En attendant, nous restons vigilants et mobilisés.