Censés être convoqués par le parquet d'Alger, le ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, ainsi que l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ne se sont pas présentés, hier, au tribunal de Sidi M'hamed, où des centaines de citoyens en colère les attendaient. Douze ministres, dont certains en fonction, et une cinquantaine d'hommes d'affaires devraient être entendus par la justice sur des affaires liées à la corruption, aux transferts illicites de devises et à la dilapidation de deniers publics. Les alentours du tribunal de Sidi M'hamed à Alger ont été assaillis, hier dès la matinée, par une foule nombreuse et des journalistes. Tous ont attendu, des heures durant, l'arrivée du ministre des Finances, Mohamed Loukal, et de l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, convoqués, selon la chaîne de Télévision publique, par le parquet pour «des affaires de dilapidation de deniers publics et de privilèges indus». Des centaines de personnes ont afflué vers la rue Abane Ramdane, en scandant : «Klitou leblad ya serrakine» (Vous avez dilapidé le pays, voleurs), et en exigeant des magistrats d'agir sévèrement en appliquant «al quissas» (la loi du Talion), avant qu'un renfort de policiers ne soit dépêché pour boucler le quartier. Au même moment, Mohamed Loukal, ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, était à la cérémonie officielle d'installation du nouveau directeur général des Douanes, alors qu'Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre, prenait part à une réunion marathonienne au siège de son parti (RND). Jusqu'en fin de journée, ni les concernés ni le parquet d'Alger n'ont confirmé ou infirmé cette convocation, alors que des rumeurs colportées par certains sites électroniques faisaient état d'une «manipulation» de la chaîne de Télévision publique. Cependant, des sources bien informées expliquent que «la justice a ouvert une information judiciaire sur plusieurs dossiers liés à la dilapidation des deniers et la corruption. Il s'agit notamment des affaires de transfert illicite de devises vers l'étranger, par des hommes d'affaires et des proches de la nomenklatura, sur dérogation de la Banque d'Algérie, durant les sept dernières années, des crédits octroyés dans des conditions suspicieuses et d'autres dossiers comme la GCA (Générale des concessions agricoles), l'autoroute Est-Ouest, Sonatrach, etc., dont les enquêtes ont été parasitées par des injonctions venues d'en haut, qui ont fait que le résultat n'était pas à la hauteur de la gravité des faits». Selon nos sources, «douze ministres, certains en fonction et d'autres non, ainsi qu'une cinquantaine d'hommes d'affaires connus pour leur proximité avec le régime sont déjà sur la liste des personnalités à auditionner par la justice». A en croire nos interlocuteurs, le parquet de Sidi M'hamed, qui a une compétence nationale, «aura le plus grand nombre d'affaires à instruire et la convocation de l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie et de l'ex-Premier ministre est liée aux dérogations de transfert de devises et à la responsabilité de cette banque des banques dans le contrôle des mouvements de capitaux. Durant des années, des montants colossaux ont été exportés vers l'étranger grâce à la surfacturation, ou à des dérogations express de la Banque d'Algérie, sur instruction du premier responsable de l'Exécutif». Nos sources, précisent que les deux responsables devraient être «entendus dans un premier temps en tant que témoins, et pourraient être, dans le cas où leur responsabilité est engagée, déférés devant les magistrats de la Cour suprême. Pour l'instant, ce ne sont que des soupçons sur de présumés faits liés à la corruption et à la dilapidation de deniers publics». En tout état de cause, l'annonce par la Télévision nationale de cette convocation a suscité un mouvement de foule devant le tribunal de Sidi M'hamed. Pour les juristes, de telles conditions ne favorisent pas la sérénité dont ont besoin les magistrats pour enquêter sur des dossiers aussi importants. Des dossiers qui auraient dû être pris en charge par les organismes, comme l'Office central de lutte contre la corruption ou encore la Cellule de traitement du renseignement financier. – Cour d'appel militaire : Mandat de dépôt contre Saïd Bey et mandat d'arrêt contre Habib Chentouf Un mandat de dépôt a été délivré à l'encontre de l'ancien commandant de la 2e Région militaire (RM), Bey Saïd, et un mandat d'arrêt a été émis à l'encontre de l'ancien commandant de la 1re RM, Chentouf Habib, pour «dissipation et recel d'armes et de munitions de guerre et infraction aux consignes de l'armée», a indiqué hier la cour d'appel militaire de Blida dans un communiqué. «Conformément aux dispositions de l'article 11 alinéa 3 du code de procédure pénale, et dans le strict respect de ses dispositions, le procureur général militaire près la cour d'appel militaire de Blida porte à la connaissance de l'opinion publique que des poursuites judiciaires ont été engagées pour les chefs de ‘‘dissipation et recel d'armes et de munitions de guerre au profit de personnes non habilitées à les détenir'' et ‘‘infraction aux consignes de l'armée'', faits prévus et réprimés par les articles 295 et 324 du code de justice militaire, à l'encontre des dénommés : Bey Saïd, Chentouf Habib et de toute autre personne que l'instruction viendrait à établir», a précisé la même source. Pour «la nécessité des enquêtes, le juge d'instruction, sur réquisition du procureur militaire de la République de Blida, a ordonné, à titre conservatoire, la saisie des armes et des munitions et a décerné un mandat de dépôt à l'encontre du dénommé Bey Saïd et un mandat d'arrêt à l'encontre du dénommé Chentouf Habib, pour ‘‘violation des obligations du contrôle judiciaire auxquelles il est déjà soumis''». APS