Le gouverneur de Khartoum a averti hier qu'aucun débordement comme à « Téhéran ou Nairobi » ne serait toléré en cas de manifestations après la diffusion des résultats finaux des premières élections multipartites soudanaises en 24 ans, attendus en « début de semaine » prochaine. « Tout le monde peut manifester en respectant la loi mais si une personne abuse, nous allons réagir », a déclaré lors d'une conférence de presse Abdel Rahman Al Khidir, gouverneur élu de la capitale soudanaise et membre du Parti du congrès national (NCP) du président Omar El Béchir. « Nous ne permettrons pas que Khartoum devienne un autre Téhéran ou Nairobi », a-t-il ajouté en référence aux violences post-électorales de l'été dernier en Iran et début 2008 au Kenya, voisin du Soudan. La répression des troubles par les autorités iraniennes a entraîné des dizaines de morts et des milliers d'arrestations. Au Kenya, les violences, qui avaient suivi la réélection controversée du président Mwai Kibaki, avaient fait 1500 morts. M. Khidir a été élu mardi soir à la tête de la wilaya de Khartoum, région la plus peuplée du Soudan, qui comprend la capitale et la banlieue élargie, lors des premières élections – législatives, régionales et présidentielle – multipartites depuis 1986 au Soudan. Le gouverneur a aussi appelé les supporters d'Omar El Béchir à célébrer avec modération la victoire attendue du président, au pouvoir depuis 1989, à la faveur d'un coup d'Etat militaire soutenu par les islamistes. Victoire par anticipation… La Commission électorale soudanaise (NEC) dévoile au compte-gouttes les résultats de ces élections qui devraient reconduire M. Béchir, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale qui l'accuse de crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour (ouest). Les résultats définitifs, qui devaient être publiés mardi, seront annoncés « au début de la semaine prochaine », a affirmé hier à la presse Al Hadi Mohammed Ahmed, haut responsable de la NEC. « Les urnes ne sont pas toutes arrivées » dans les 25 capitales régionales du plus vaste pays d'Afrique où les bulletins doivent être dépouillés, a expliqué un responsable suivant de près le processus électoral. L'opposition, dont une partie a boycotté ce scrutin, a déjà rejeté les résultats qu'elle estime truqués par le NCP. De hauts responsables gouvernementaux ont dit s'attendre à des manifestations de l'opposition, mais celle-ci n'a pas jusqu'ici appelé la population à descendre dans la rue. Les autorités soudanaises avaient arrêté brièvement en décembre des dirigeants de l'opposition et des ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) lors d'une manifestation à Omdurman, ville jumelle de Khartoum. Ces arrestations avaient été critiquées par plusieurs pays étrangers. Si l'issue de la présidentielle ne fait aucun doute, des luttes serrées sont à prévoir pour des postes de députés et de gouverneurs des Etats sensibles situés à la lisière du nord et du sud-Soudan, comme le Nil bleu côté nord ou Unité côté sud. Les ex-rebelles sudistes du SPLM ont accusé cette semaine le NCP de s'apprêter à truquer les résultats au Nil bleu et de déployer des troupes supplémentaires dans cet Etat.