La commission nationale électorale a donné les résultats des élections présidentielles hier. Ceux des législatives et régionales qui, de l'avis des analystes ont été minées par le boycott de l'opposition, les accusations de fraudes et les critiques acerbes des observateurs européens et américains seront communiqués aujourd'hui. Le chef de l'Etat sortant, Omar el-Béchir dont la « victoire est devenue certaine», dixit El-Hadi Mohamed Ahmed, le président de la commission, depuis le retrait de ses deux principaux adversaires, Yasser Arman du Mouvement populaire de libération du Soudan,-un des signataires en 2005 du traité de paix (CPA) qui avait mis fin à 22 ans de guerre civile entre le Nord et le Sud-,et Sadek al-Mahdi, chef du parti Umma, a été reconduit pour un autre quinquennat. Il a recueilli selon Abil Alier, le président de la commission électorale, 68,24% des voix. Fait notoire, les Sud-Soudanais ont voté majoritairement pour Arman. « Le parti du président Béchir a reçu un message clair de la part du peuple du Sud-Soudan, des peuples des Montagnes Nuba, du Sud et du Nil bleu», affirme M. Arman. «Cette élection prouve que les allégations contre le raïs sont fausses et que la population refuse les positions de la Cour pénale, notamment les Darfouris qui ont choisi les candidats du Parti du Congrès national, le parti présidentiel, pour les trois postes clés de gouverneurs du Darfour, ouest, nord et sud », lui rétorque Nafie Ali Nafie, son conseiller. Première sortie d'El Béchir : il annonce qu'il organisera prévu le référendum d'indépendance du Sud-Soudan. « Je confirme que nous allons mettre en œuvre le référendum au Sud-Soudan à la date précise et on va continuer à œuvrer pour la paix au Darfour», dit-il avant d'afficher sa disponibilité à «établir un dialogue, une consultation et un partenariat national» pour face aux défis du pays. Outre l'élection du président de la République, les Sud-Soudanais ont élu le président de leur gouvernement. Sans surprise, Salva Kiir qui n'a pas eu à affronter des opposants de poids dans sa région, a été reconduit avec 92,9% des voix. A la différence de son premier mandat, il aura cette fois la responsabilité de diriger le 9 janvier 2011 le Sud-Soudan lors d'un référendum : les citoyens auront à choisir entre l'indépendance ou le maintien dans le « géant» africain de cette région gorgée de pétrole et où tout reste à faire quatre ans après la fin de la guerre pour les 8,5 millions d'habitants. CAP SUR LE RÉFÉRENDUM DU SUD Abdel Rahman al-Khidir, le nouveau gouverneur de Khartoum, menace de réprimer. «Tout le monde peut manifester en respectant la loi mais si une personne abuse nous allons réagir. Nous ne permettrons pas que Khartoum devienne un autre Téhéran ou Nairobi», dit-il en référence aux violences postélectorales l'été dernier en Iran et début 2008 au Kenya, voisin du Soudan. L'opposition a déjà rejeté les résultats de ce scrutin qu'elle estime truqués par le parti présidentiel. Nous allons porter plainte devant la justice, et si le juge ne nous donne pas raison, nous allons peut-être emprunter d'autres alternatives que les urnes», prévient Hassan al-Tourabi. Au raïs qui a ouvert la porte à une participation de l'opposition dans le prochain gouvernement, le leader du Parti du Congrès Populaire oppose une fin de non-recevoir. Pis, il refuse même de siéger au parlement. «Même si nous avons des candidats qui sont élus», précise-t-il. Raï al-Chaâb, un journal proche de l'ex-mentor d'El Béchir, demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître ces élections aux « résultats frauduleux». Une coalition se faisant appeler l'Alliance Juba a promis d'organiser de manifester jusqu'au départ du prochain gouvernement. Selon Khartoum, l'opposition pourrait appeler la population à descendre dans la rue. Pas pour demander la révision de l'issue de la présidentielle qui ne fait aucun doute, mais pour peser sur la situation au Darfour qui a repris avec son lot de «violences tribales» et le référendum de janvier prochain au Sud. Les ex-rebelles sudistes accusent déjà les nordistes de renforcer leur présence militaire dans l'Etat du Nil Bleu, une région située à la lisière du Nord et du Sud et près de la frontière avec l'Ethiopie. Idriss Déby Itno, le président tchadien qui prépare ses propres échéances électorales-législatives à la fin de 2010, présidentielle en mai 2011-suit avec appréhension ce qui se dit sur le référendum prévu en 2011 chez son voisin. «Ce serait une catastrophe pour l'Afrique», dit-il, «si la sécession de ce territoire a lieu». Comme plusieurs analystes, il redoute un «effet domino » sur les pays du continent.