Quelque 16 millions de Soudanais ont été appelés à voter pour ces premières élections - législatives, régionales et présidentielles - multipartites depuis 1986. Le lent décompte des voix a débuté hier au Soudan, le plus grand pays d'Afrique, à l'issue des premières élections multipartites en 24 ans qui devraient reconduire au pouvoir le président Omar El Bechir, accusé par une partie de l'opposition d'avoir bourré les urnes. «Al-khitim (tampon), Omar Hassan Ahmed El Bechir», dit d'une voix monocorde un employé de la commission électorale nationale, Mukhtar, montrant le verso d'un bulletin de vote tamponné par la commission, puis le recto signé d'un crochet dans la case du président sortant. Dans une salle de classe d'une école à Khartoum convertie en bureau de vote, il montre chaque bulletin à une dizaine de personnes -des représentants des partis politiques et observateurs locaux- avant d'additionner les voix dans des piles distinctes. Un membre d'un parti conteste le décompte d'un vote, prétextant que le crochet n'est pas conforme à la loi électorale. Tout le monde se plonge dans sa bible électorale, lit les consignes, le vote est finalement annulé. Le président sortant domine le décompte, devançant de loin Hatim al-Sirr, candidat du Parti unioniste démocrate, devenu son principal rival après le retrait des deux principaux opposants Yasser Arman et Sadek al Mahdi, qui accusent le parti au pouvoir de M.Bechir d'avoir truqué le scrutin. «Yasser Arman», lance Mukhtar présentant un rare bulletin coché de l'ex-candidat et critique acerbe de M.Béchir. Les représentants des partis sont interloqués: le retrait des candidatures de MM.Arman et Mahdi a été annoncé après l'impression des bulletins, et des électeurs ont donc pu voter pour ces ex-candidats. Il est 09h30 (06h30 GMT). Les scrutateurs commencent le dépouillement des votes à la présidentielle. Suivront les décomptes des bulletins pour le gouverneur de l'Etat de Khartoum, des députés pour l'Assemblée nationale, des élus de l'assemblée d'Etat... Quelque 16 millions de Soudanais ont été appelés à voter pour ces premières élections législatives, régionales et présidentielles- multipartites depuis 1986. Les résultats sont attendus en principe mardi. Le scrutin était initialement prévu du 11 au 13 avril. Mais il a été prolongé de deux jours, jusqu'à jeudi, en raison d'importants problèmes techniques -noms de candidats absents de bulletin de vote, bureaux ayant reçu les mauvais bulletins etc...- qui ont aussi forcé la commission électorale à reporter le vote dans 6% des circonscriptions. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a salué l'organisation des élections et appelé les parties à conclure le processus électoral sans violence. «Malgré le fait que des irrégularités ont été signalées et le boycott de l'opposition, (les élections) se sont déroulées sans incident violent majeur», a-t-il dit. «Les réclamations électorales devraient être formulées via les voies légales et examinées de manière transparente et juste». Si les élections en tant que telles n'ont pas été marquées par d'importants problèmes d'insécurité, l'annonce des résultats pourrait l'être, notamment dans des régions sensibles du Sud-Soudan, où des candidats indépendants ont contesté la domination locale des ex-rebelles sudistes. Le scrutin devrait reconduire au pouvoir M.Bechir, en quête de légitimité par les urnes après le mandat d'arrêt à son encontre de la Cour pénale internationale qui l'accuse de crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, une région de l'ouest soudanais en guerre civile. D'où l'importance des rapports à venir des observateurs internationaux, qui devront déterminer la crédibilité du scrutin.