Les meneurs de la contestation et l'armée au pouvoir au Soudan se sont mis d'accord samedi sur une autorité conjointe comportant civils et militaires. Un lumignon d'espoir pour dénouer la crise qui secoue le pays après la destitution, le 11 avril, du président Omar El Béchir. Cet accord répond aux revendications des manifestants qui campent, depuis le 6 avril, devant le quartier général de l'armée à Khartoum, pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils. Ils attendent l'instauration effective du Conseil conjoint annoncé samedi soir, avant de décider du sort de leur sit-in. Ce sit-in s'inscrit dans le prolongement d'un mouvement déclenché le 19 décembre pour dénoncer initialement le triplement du prix du pain sur injonction du Fonds monétaire international. Le mouvement de colère se transforme en contestation contre le président El Béchir, au pouvoir depuis 1989. Les manifestants ont maintenu la pression pour obtenir du Conseil militaire de transition, qui a pris les commandes du pays, de céder le pouvoir aux civils et le jugement du Président déchu ainsi que des principaux responsables de son régime. «Nous sommes parvenus à un accord sur un conseil conjoint entre les civils et l'armée», a déclaré, samedi soir, au nom du mouvement de la contestation, Ahmed Al Rabia, qui a participé à la première réunion d'un comité conjoint regroupant des représentants des deux camps. «Nous menons actuellement des consultations pour décider du pourcentage de civils et de militaires dans le conseil conjoint», a-t-il dit. Selon des militants, le conseil sera formé de 15 membres, 8 civils et 7 généraux. Un pas vers l'issue Ce conseil, qui remplacera le Conseil militaire, constituera l'autorité suprême du pays et sera chargé de former un nouveau gouvernement civil de transition pour gérer les affaires courantes et ouvrir la voie aux premières élections post-El Béchir. Hier, les chefs de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui réunit les partis politiques et groupes de la société civile à la tête de la contestation, se sont réunis pour examiner les résultats des négociations avec les militaires. Les militaires avaient refusé jusque-là de céder le pouvoir, malgré les appels locaux et internationaux. Les Occidentaux et les pays africains ont appelé au transfert du pouvoir à une autorité civile par le Conseil militaire de transition, qui devait initialement siéger pour deux ans. Après avoir jugé que la destitution du président El Béchir et son arrestation par l'armée n'est «pas un coup d'Etat», le chef du principal parti de l'opposition, Sadek Al Mahdi, a prévenu samedi que «le régime renversé pourrait encore tenter de faire un coup d'Etat». Il a en outre appelé son pays à rejoindre «immédiatement» la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis des mandats d'arrêt contre El Béchir pour «génocide» et «crimes de guerre et contre l'humanité» au Darfour. Par ailleurs, les Emirats arabes unis ont annoncé, hier, leur intention de déposer 250 millions de dollars à la Banque centrale du Soudan pour améliorer les liquidités et renforcer la position financière de ce pays. Le transfert aura lieu via l'Abu Dhabi Fund for Development (ADFD). Ce dépôt s'inscrit dans le cadre de l'aide conjointe de 3 milliards de dollars annoncée le 21 avril par les Emirats arabes unis et l'Arabie Saoudite, selon un communiqué officiel. Riyad et Abou Dhabi se sont engagés à déposer 500 millions de dollars à la Banque centrale soudanaise et l'Etat saoudien doit encore verser sa part de 250 millions. Dans cette partie de l'Afrique, Abou Dhabi et Riyad sont en concurrence avec la Turquie et le Qatar.