On l'a vu, à plusieurs reprises, investir le terrain des luttes et prendre la défense des citoyens, notamment quand la police tente d'interpeller des manifestants. Il s'appelle Djamel Baloul, il est député FFS de la wilaya de Bouira. Rencontré à Alger, il raconte la révolution du sourire, esquisse la nouvelle république et parle de l'Algérie démocratique et sociale à laquelle il aspire. «Ce qui se passe depuis le début du mouvement populaire pacifique est une renaissance de l'espoir démocratique. C'est un éveil et un réveil citoyen pour la concrétisation des revendications démocratiques et sociales, tant attendues par le peuple algérien», déclare le député FFS de Bouira, Djamel Baloul, au milieu de la manifestation du 24 février à Alger-Centre, action à laquelle a appelé le collectif Mouwatana deux jours après le premier vendredi et quelques jours seulement après la démonstration spectaculaire des citoyens de Kherrata, dans la wilaya de Béjaïa, le 16 février, contre le 5e mandat de Bouteflika. Djamel Baloul venait juste d'être gazé par les policiers. Il a du mal à respirer, des manifestants l'écartent de la foule et l'adossent à un mur pour qu'il reprenne son souffle et récupère ses forces. Djamel Baloul en a pris, ce jour-là, plus que les autres lorsqu'il a tenté d'empêcher les policiers d'embarquer des manifestants pacifiques. Puis il se lève et reprend la défense de citoyens, jusqu'à en arriver aux mains avec des policiers virulents et très violents. Rare Il s'appelle Djamel Baloul. Il est né en 1971 à Chorfa, Daïra d'Imchedallen, dans la wilaya de Bouira. Et il est député FFS de la même wilaya, son premier mandat depuis les dernières élections législatives de 2017. Ce qui retient l'attention de ceux qui observent de près les manifestations de la révolution pacifique du peuple depuis ses débuts, notamment dans la capitale, est l'implication de ce député. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'on le voit dans une telle posture. Au contraire. Il était présent avec les étudiants, les avocats, les syndicalistes. On l'a vu aussi à maintes reprises sur l'autoroute Est-Ouest lorsque les véhicules de centaines de manifestants étaient empêchés, dès la veille du vendredi, de gagner la capitale. Il est présent dans tous les combats et au côté des gens qui luttent, mais pas que. Quand des militants ou des manifestants sont interpellés, Djamel Baloul est de ceux qui se mobilisent et partent instinctivement à leur recherche. Beaucoup lui reconnaissent cette qualité, rare de nos jours. C'était le cas quand des militants et des militantes de l'association RAJ et du parti de gauche, le MDS, ont été interpellés dans l'après-midi du 13 avril, lors du rassemblement des libertés organisé chaque jour devant la Grande-Poste. C'est ce jour-là que des militantes ont été obligées, par une policière, de se déshabiller par une policière à l'intérieur du commissariat de Baraki. Djamel Baloul était parmi les premiers à identifier le commissariat où elles ont été conduites et il a même mobilisé un transport afin de les aider à rentrer chez elles après leur tardive libération, vers 1h. Djamel Baloul est de la trempe des guerriers surtout quand on sait qu'il fait cela, comme il nous l'a confié, contre les consignes même de l'ancienne direction de son parti qui, avoue-t-il, «avait donné des instructions pour ne pas s'impliquer dans le mouvement populaire». Elu Hocine Aït Ahmed est son modèle et c›est de lui qu›il a tout appris, nous confie-t-il. Etudiant à l›université de Tizi Ouzou dans les année 1990, Djamel a obtenu une licence de droit, puis un magistère en droit international et droits de l'homme ; il prépare actuellement un doctorat en droit politique. Sa vie estudiantine était intense en matière de lutte. Il était membre actif du comité autonome des étudiants et animateur du Mouvement culturel berbère (MCB) et du mouvement de boycott scolaire de 1994, connu aujourd'hui sous le nom de «grève du cartable en Kabylie». Il était aussi l'un des animateurs du mouvement citoyen à Bouira et dans sa localité, avant de se retirer quelques mois plus tard. Djamel Baloul est l'un des fondateurs du bureau de Béjaïa de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), en 2004. Mais avant, notamment après la disparition du MCB, l'assassinat de Lounès Matoub en 1998 et la participation de feu Hocine Aït Ahmed à l'élection présidentielle de 1999, Djamel avait décidé de rejoindre officiellement son parti de cœur, le FFS, où il milite à ce jour. Polyvalent Au sein de la plus ancienne formation politique, Djamel Baloul a occupé plusieurs postes de responsabilité, notamment dans le secrétariat national. Il était chargé de la jeunesse dans ses débuts, puis des affaires maghrébines, des droits de l'homme et des libertés, de l'animation politique, des relations à l'international, pour revenir à l'animation politique depuis quelques années. Il obtient un premier mandat en tant d'élu à l'Assemblée populaire de la wilaya de Bouira entre 2002 et 2007, alors qu'il était professeur de droit et de sciences politiques à l'université de Béjaïa et syndicaliste du CNES dans la même université, puis élu député du FFS pour la première fois il y a deux ans. «Nous avons gelé toutes nos activité parlementaires depuis septembre 2018. C'est presque un mandat blanc pour dénoncer le 5e mandat de Bouteflika et la crise qui perdure au sein de notre APN après l'éviction non constitutionnelle de Bouhadja et la désignation illégitime et par la force de Bouchareb. L'APN est illégitime, ce qui nous a poussé à boycotter et geler nos activités», explique-t-il. Constituante «Personne ne peut voler la révolution pacifique du peuple algérien ni freiner le processus du changement du système», dénonce-t-il, s'adressant au chef d'état-major de l'ANP, Gaïd Salah. Djamel se bat pour une Etat de droit, pour une justice sociale, pour l'égalité, pour un Etat progressiste et ouvert sur le monde. Il reste optimiste pour la suite du mouvement, malgré son constat pessimiste sur «la volonté de l'institution militaire et du chef d'état-major à voler la révolution des mains du peuple». «C'est une auto-organisation du peuple qui a réussi à révoquer Bouteflika. Les Algériens aspirent à une vraie démocratie et à une deuxième république qui répondront à leur espoir d'une vie meilleure sur tout les plans, notamment politique. Mais voilà que le vrai pouvoir des militaires apparaît après tout ce que nous avons réalisé jusque-là. Il faut comprendre que ce que nous vivons est une crise éminemment politique et non constitutionnelle. L'armée dit vouloir accompagner la transition, mais elle ne doit aucunement la gérer. Gaïd Salah ne doit pas empêcher la concrétisation des revendications du peuple. Nous ne voulons ni Bensalah, ni Gaïd Salah, ni Bedoui, ni élection, ni 4 juillet, ni Constitution, ni application de l'article 102 ! Nous voulons une transition démocratique et une Constituante», tranche-t-il. Djamel Baloul plaide pour un processus constituant, pour la dissolution des deux Chambres du Parlement et la constitution d'une présidence consensuelle dont les membres doivent faire consensus parmi le peuple. «Ce sont eux qui doivent gérer la transition et non Gaïd Salah ou Bensalah. Nous devons installer un gouvernement de compétences nationales et aller vers une conférence nationale afin d'élaborer un nouveau pacte social qui tracera la philosophie de notre Algérie nouvelle», clame-t-il. Djamel Baloul appelle le peuple à rester déterminé et à résister face à «ceux qui veulent entraver sa révolution». Il leur recommande aussi d'être plus vigilants et de continuer la mobilisation sous son caractère pacifique. Sur la crise qui frappe de plein fouet le FFS depuis quelques mois, Djamel Baloul appelle les militants comme les cadres de son parti à «laisser de côté leur ego, s'asseoir à la même table et trouver des solutions et des compromis afin régler définitivement cette crise qui a trop duré, et permettre au parti de participer pleinement à la révolution du peuple». «Qu'importe le temps que cela nous prendra, le changement du système viendra avec le maintien de notre mobilisation et de nos revendications. Le peuple vaincra», conclut-il.