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Un pas en avant pour certains, un coup d'état pour d'autres
L'opposition partagée sur l'application de l'article 102 de la constitution
Publié dans Liberté le 27 - 03 - 2019

Les avis des partis de l'opposition sont partagés sur la proposition faite, hier, par le vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, quant à l'application de l'article 102 de la Constitution pour faire partir le président Bouteflika. Si certains d'entre eux qualifient cela d'avancée tout en réclamant des mesures complémentaires, d'autres crient carrément au coup d'état.
RCD : "Un coup d'Etat contre le peuple"
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie a qualifié hier de "coup d'Etat" la suggestion du chef d'état-major des forces armées, Ahmed Gaïd Salah, d'appliquer l'article 102 de la Constitution pour dénouer la crise profonde qui secoue le pays. Pour cette formation, l'appel de Gaïd Salah, qui a jugé "nécessaire, voire impératif d'adopter une solution (…) stipulée dans la Constitution dans son article 102", prend les relents d'un coup d'Etat. "Gaïd Salah tente un coup d'Etat contre la volonté populaire. Cet homme est partie prenante de nos malheurs, il ne peut aucunement être la solution", souligne Yacine Aissiouane dans une déclaration publiée sur sa page facebook. Selon lui, le recours à l'article 102 vise à "sauver le régiment". "Il ne s'agit plus pour eux de sauver le soldat Bouteflika, mais d'organiser le sauvetage du régiment." "Ceux qui se sont rendus complices, par leur trahison légendaire, auront à répondre de leurs actes ignobles devant le tribunal de l'histoire. Ils veulent une passation de consignes à l'intérieur du même système", soutient-il encore, avant de rappeler l'exigence du parti qui fait écho aux aspirations du peuple algérien qui manifeste en masse depuis le 22 février dernier. "Nous exigeons une transition démocratique qui pose les fondations de l'Algérie nouvelle", rappelle-t-il. À noter que le président du parti, Mohcine Belabbas, organise, aujourd'hui mercredi, une conférence de presse au siège du parti à El-Biar.
K. K.

Soufiane Djilali, président de Jil Jadid : "C'est un acquis, mais ce n'est pas la fin du parcours"
Réagissant à la proposition du chef d'état-major, vice-ministre de la Défense nationale, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, a estimé qu'avec l'appel à l'application de l'article 102 de la Constitution, "nous sommes dans une nouvelle phase de la crise que nous vivons". Il a rappelé que "les revendications du peuple étaient non au 5e mandat, pour le départ du système, mais aussi pour une Algérie libre et démocratique, soit une 2e République qui reconnaîtra la souveraineté du peuple". "Le 5e mandat a été abandonné, le gouvernement d'Ouyahia est tombé, et de ce fait, les cercles du système sont tombés dans une crise. Aujourd'hui, c'est l'isolement du Président. C'est un pas, mais ce n'est pas la fin du parcours", a encore dit M. Djilali, ajoutant que "les Algériens commencent à arracher des acquis" parce qu'ils "sont unis". "La pression exercée sur le pouvoir commence à porter ses fruits", a-t-il encore soutenu, indiquant qu'aujourd'hui, "nous sommes dans une nouvelle phase". "Si la Constitution est appliquée à travers son article 102, c'est le président du Sénat qui prendra les rênes, avec le maintien du gouvernement et les institutions actuelles, et ils vont tenir des élections présidentielles sous leur houlette", a dénoncé M. Djilali, estimant que ni le peuple et, encore moins, l'opposition n'accepteront cet état de fait. "Nous avançons pas à pas et nous devons maintenir la mobilisation et la pression sur le système", appelle-t-il, soutenant que "vendredi sera un autre jour de mobilisation, donc soyons au rendez-vous pour assurer d'autres victoires".
Mohamed Mouloudj

Hakim Belahcel, Premier secrétaire du FFS : "Un coup de force contre la volonté populaire"
Le tout nouveau premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), le Dr Hakim Belahcel, a qualifié l'appel lancé par le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, à l'application de l'article 102 de la Constitution contre le président Bouteflika, de "grave atteinte à la dignité du citoyen" et de "coup de force contre la volonté populaire". "C'est encore un coup de force contre la volonté populaire, sur la légitimité des revendications du peuple, à savoir le départ du système et de ses hommes, et pas seulement du chef de l'Etat", dénonce le Dr Belahcel dans un communiqué. Et d'enchaîner : "L'option de l'application de l'article 102 de la Constitution n'est pas la solution demandée par le peuple algérien, l'armée vise à étouffer le mouvement populaire et à permettre au système de se pérenniser. L'article 102 ne répond plus aux revendications du peuple algérien, le peuple veut contrôler son destin, prendre en charge son avenir, un avenir de libertés, de justice sociale, de dignité." Pour le premier secrétaire du FFS, la décision de Gaïd Salah est la preuve que "l'institution militaire ne s'est pas retirée du politique" et "s'ingère, encore une fois, dans le processus constitutionnel, et ne répond pas aux revendications du peuple algérien qui demande le changement du système, et non un changement dans le système". Un changement qui, de l'avis du Dr Belahcel, "ne peut se faire en maintenant les instruments et les hommes qui incarnent le système".
A. CHIH
Ali Benflis, président de Talaie el-Houriat : "Pour la satisfaction de toutes les revendications légitimes du peuple"
Premièrement, je saisis cette occasion pour saluer le peuple algérien dont la révolution pacifique a permis que souffle sur le pays le vent de la liberté et que l'Algérie prenne le chemin de l'édification d'une République démocratique et moderne et d'un Etat de droit respectueux de la souveraineté populaire, de la citoyenneté, des droits et des libertés. Deuxièmement, je retiens l'intention de l'ANP d'assumer son devoir patriotique en apportant sa contribution à une sortie de la crise actuelle, devenue d'une urgence extrême et de nature à épargner au pays une instabilité croissante porteuse de tous les dangers. Troisièmement, je prends note de l'engagement de l'ANP — selon sa propre déclaration — à apporter son soutien à un règlement "qui garantisse la satisfaction de toutes les revendications légitimes" du peuple algérien et "acceptable" pour tous. Quatrièmement, compte tenu de la situation exceptionnelle que vit notre pays, la mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution n'est pas susceptible de constituer à elle seule une base — toute la base — pour le règlement de la crise. De ce point de vue, l'application de l'article 102 devra impérativement être adaptée de manière que soient respectées les conditions de transparence, de régularité et d'intégrité que le peuple réclame, afin de pouvoir exprimer son choix librement et sans contrainte et sans tutelle. Cinquièmement, je forme, de toutes mes forces, le vœu que le règlement de la crise actuelle fournira des bases saines et solides à la refondation future de notre système politique que notre peuple demande.
R. N.

Mouvement de la société pour la paix : "D'autres mesures doivent intervenir"
à l'issue de la réunion de son bureau exécutif, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) a estimé que l'application de l'article 102 de la Constitution est une "proposition de solution", mais celle-ci ne garantit pas "la réalisation des réformes, la transition politique et l'organisation d'un scrutin présidentiel honnête". Pour la formation d'Abderrezak Makri, le rôle de l'Armée nationale doit être circonscrit à celui "d'accompagnateur, afin d'arriver à une solution politique et à un consensus national et de préserver le caractère civil de l'Etat". Le MSP est d'avis que l'appel du chef de l'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah, doit immédiatement être suivi de mesures qui répondraient aux autres revendications du peuple en prenant aussi en compte les propositions de sortie de crise de l'opposition, et ce, avant la confirmation de l'état d'empêchement par le Conseil constitutionnel. Le MSP cite la nomination d'un chef de gouvernement consensuel, la mise en place d'une commission indépendante d'organisations des élections, la révision de la loi électorale et l'élaboration et la promulgation de décrets garantissant l'indépendance de la justice, la protection des richesses nationales et l'ouverture du champ médiatique. En guise de pression pour atteindre ces objectifs, ce parti appelle à la poursuite de la contestation populaire, tout en préservant son caractère pacifique.
Nissa H.

Lakhdar Benkhellaf, député du FJD-El-Adala : "L'application du seul article 102 de la Constitution n'a pas de sens"
Le parti d'Abdallah Djaballah, le Front de la justice et du développement (FJD)-El-Adala, n'est pas satisfait de l'annonce faite hier par le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, appelant à l'application de l'article 102 de la Constitution visant à écarter le président Bouteflika du pouvoir. "C'est un non-sens. Nous ne sommes pas satisfaits car nous ne voulons pas qu'une personne, qui a géré et participé à l'exercice du pouvoir, puisse gérer la période de transition", lance le député d'El-Adala, Lakhdar Benkhellaf. Pour lui, l'actuel président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, ne peut assurer l'intérim présidentiel pour deux raisons : la première est d'ordre juridique. "Le président de la 2e Chambre du Parlement n'a pu obtenir sa nationalité algérienne qu'en 1965." La deuxième raison tient au fait que "le peuple refuse que les gens qui nous ont menés à l'impasse dans laquelle se trouve le pays aujourd'hui puissent gérer la période de transition". La solution ? "Il faut appliquer les articles 102 et 07 de la Constitution qui donneront de larges prérogatives au peuple algérien pour choisir librement ses dirigeants", propose M. Benkhellaf, qui a mis sur la table une autre proposition : la mise en place d'une instance constituée de personnalités propres pour gérer la période de transition.
A. C.


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