On n'en parle pas beaucoup, mais le dopage en Algérie, en particulier dans l'athlétisme, est un phénomène qui prend de l'ampleur et qui inquiète de plus en plus. Il y a six mois, l'ex-champion algérien des longues distances Azzedine Sakhri nous a déclaré que le «dopage en Algérie fait des ravages». Malheureusement, la déclaration de l'ancien entraîneur nationale du marathon a été ignorée. Entre-temps les scandales des athlètes algériens contrôlés positifs ne cessent de s'accumuler, prenant des proportions alarmantes. Aucune enquête ou investigation n'ont été menées jusqu'ici pour anéantir ou, du moins, réduire le phénomène de dopage en Algérie. Il n'y a eu que des effets d'annonce concernant la lutte contre le dopage, sans plus, alors que nos frontières sont devenues des passoires pour la «mafia des produits dopants», d'après un entraîneur. Ce dernier a décidé, sous le couvert de l'anonymat, de tout déballer. «Il y a bel et bien un réseau ou une filière de dopage algéro-tunisienne. C'est une véritable organisation pour l'acheminement et la commercialisation des produits dopants en Algérie par l'intermédiaire d'anciens athlètes algériens. De grandes quantités, des cartons entiers, de ces produits prohibés en provenance de la Tunisie débarquent sur le territoire algérien par voie terrestre, et ce, le plus normalement du monde», affirme l'entraîneur algérien, qui précise que «la Tunisie est devenue une nouvelle destination privilégiée pour le ‘‘business'' du dopage. Auparavant les produits dopants venaient de France et de Russie, toujours par l'intermédiaire des anciens athlètes algérien». Notre source bien au fait de l'existence de cette «mafia du dopage» enchaîne en révélant que les produits s'écoulent en Algérie «entre 15 000 et 20 000 DA la boîte. Parmi la liste des substances interdites et destinées aux athlètes, en retrouve l'EPO, qui est la plus utilisé par certains athlètes algériens». Notre orateur s'indigne que les autorités algériennes ne s'impliquent guère pour démanteler ce réseau et mettre fin à ce trafic. «Dans d'autres pays, on investit pour combattre le phénomène du dopage. Chez nous, il n'y a pas de réelle volonté de s'attaquer à ce fléau. La Commission nationale antidopage (CNAD), qui se replie sur elle-même, ne communique. Les cas de dopage, qui ont touché les athlètes algériens, n'ont pas tous été rendus publics. Les Fédérations sportives algériennes, notamment celle de l'athlétisme, qui est la plus concernée, au vu du nombre de cas recensés, se murent dans le silence. A l'inverse, la Fédération algérienne de football fait relativement mieux en procédant à ses propres contrôles antidopage des footballeurs, dont les échantillons sont expédiés à un laboratoire en Suisse», affirme cet ancien entraîneur national. Et d'accuser : «Je doute fort de la crédibilité des contrôles effectués par la CNAD. Il n'y a aucune transparence. C'est le cas de le dire, car beaucoup d'athlètes se plaignent des deux poids deux mesures lors des quelques cas de contrôles antidopage. A tel point, qu'il se dit que ce n'est pas tous les échantillons des athlètes contrôlés qui sont acheminés vers le laboratoire de Lausanne. Je vous invite à contacter les athlètes qui vous diront tout. Je pèse bien mes mots : il y a une certaine complicité entre les athlètes et les contrôleurs de la CNAD. C'est-à-dire que la procédure n'est pas appliquée pour tous les athlètes. Il est temps d'opérer des changements au sein de la Commission nationale antidopage. Je lance un appel au nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, Raouf Bernaoui, pour remettre de l'ordre car il y va de la crédibilité du sport algérien.» Contacté par nos soins, un ancien coureur de l'élite nationale junior de cross-country (actuellement senior) confirme l'existence de la filière tunisienne. «J'ai les preuves qu'on m'a proposé d'acheter de l'EPO à 12 000 DA, mais j'ai refusé. J'estime qu'on peut réussir une carrière propre sans dopage. En dehors de l'EPO, il y a d'autres produits interdits qui proviennent de Tunisie par la même filière. Malheureusement, il y a des athlètes filles et garçons qui se dopent juste pour s'imposer aux différents championnats nationaux d'athlétisme ou pour réussir les minima. J'avoue que la CNAD ne cible pas tous les athlètes lors des contrôles antidopage», témoigne cet ex-coureur junior, qui avait pris part aux Mondiaux de cross, confirmant ainsi l'existence d'un réseau national de dopage contrôlé par cette fameuse filiale tunisienne.