Ahmed Tessa est un pédagogue praticien et un ancien normalien. Il a exercé dans tous les cycles du système scolaire algérien. Auteur de nombreuses contributions dans la presse algérienne, il a été consultant dans les radios nationales. Il a publié de nombreux ouvrages. Le dernier en date : L'enseignement du français en Algérie ou l'impossible éradication – chez Barzakh et l'Harmattan. Il est l'auréat du prix La renaissance française, édition 2018. Constat : les résultats du 2e trimestre sont généralement catastrophiques. Pourquoi, selon vous ? Même si de légers progrès ont été enregistrés depuis la mise en application des recommandations de la Conférence nationale d'évaluation de la réforme, qui s'est tenue en juillet 2015, il n'en demeure pas moins que les archaïsmes pédagogiques restent vivaces. La preuve nous est donnée, depuis des décennies, par le taux effarant de redoublement parmi les lauréats aux examens nationaux (de 20 à 30% en 1ère AM et en 1ère AS et jusqu'à 60% en 1ère année universitaire). Seule une révolution des mentalités pourra garantir un changement radical dans notre système éducatif (pas seulement scolaire). Les étudiants sont très impliqués dans le hirak mais pas que ! Beaucoup d'élèves, notamment les futurs bacheliers, le sont également. Selon vous, est-il possible, pour les candidats au bac notamment, de concilier les deux, les révisions et l'implication dans le hirak ? Personnellement je ne suis pas d'avis à intégrer les enfants dans les enjeux politiques, même si ces derniers sont légitimes. Comme pour les structures de la santé publique, celles relevant du ministère de l'Education doivent fonctionner normalement. Evidemment que le contexte révolutionnaire que vit notre pays ne permet pas aux élèves de se concentrer comme il se doit. Là, le rôle des enseignants et des personnels administratifs est déterminant. Pour dire qu'il faut annuler l'édition de juin et la reporter à septembre, il faudrait un audit affiné de la situation. Il y a des situations différentes d'établissement à établissement et de wilaya à wilaya. Les établissements scolaires de statut privé n'ont jamais souffert des arrêts de travail par exemple. C'est injuste que les élèves du public payent la note. Certains jugent qu'il est préférable d'annuler le bac cette année. Quelles seraient les conséquences d'une telle décision ? Cela fait belle lurette que notre bac est démonétisé au même titre que le dinar. Cela date de trois décennies environ, et la chute progressive a débuté au début des années 1980. Quand on traîne des archaïsmes pédagogiques sur fond d'idéologie (la coupure linguistique entre l'école et l'université notamment – et pas seulement !), forcément que la qualité des diplômes s'en ressente. Excepté des cas individuels de réussite, la force d'un système scolaire se lit, non pas à travers la production d'une élite ultra-minoritaire, mais à sa capacité à propulser la majorité des élèves/étudiants vers la réussite. C'est tout le défi du pédagogue et des autorités scolaires et… du pouvoir politique. Cela est possible : la pédagogie de la réussite existe bel et bien : on lui a malheureusement tourné le dos. Selon vous, comment peut-on améliorer le rendement de notre système éducatif ? Je préfère parler de la meilleure méthode pour améliorer le rendement du système éducatif dans son ensemble et, partant, rendre l'élève algérien heureux d'étudier pour réussir sa vie d'adulte. Là s'impose l'incontournable slogan du hirak : «Yet'nahaw ga3 !» Comprendre : supprimer les éléments constitutifs d'un système éducatif hérité de la France coloniale de la fin du XIXe et début du XXe siècle. Les plus décisifs de ces éléments constitutifs sont : la méthode d'enseignement/apprentissage (bachotage chez l'enseignant et parcœurisme des élèves) – le système des examens/guillotine ou examen/tribunal – la minorisation de l'EPS et de l'éducation artistique – la dévalorisation de la formation et de l'enseignement technologique – la manipulation/trucage de l'écriture et de l'enseignement de l'histoire… Nous pouvons réaliser cette révolution à moindre frais et pour plus de résultats concrets. Une révolution qui effacera toute trace du commerce maffieux des cours payants, véritable symbole d'un système global (politique et éducatif) vermoulu en ses fondations. Que cette révolution du sourire soit le tremplin d'un véritable changement dans les mœurs scolaires (organisation, fonctionnement et pédagogie). Quelle méthode de révision conseillez-vous pour les candidats au bac ? La meilleure méthode de révision est celle en groupe de 4 ou 5 élèves. L'interaction et l'échange leur permettent de se transmettre des émotions positives, dont l'empathie et cela motive énormément. Ils peuvent se concentrer sur leur travail sans se fatiguer ou se distraire, ayant un même objectif : réussir tel ou tel problème. Et dans un groupe, il y aura toujours un élève qui est fort dans une discipline donnée. Il sert de locomotive et tire ses camarades vers le haut.