Une élection présidentielle crédible peut-elle techniquement et politiquement avoir lieu le 4 juillet prochain dans ce contexte de crise institutionnelle et de situation d'impasse ? Dès son annonce en avril dernier par le chef d'Etat par intérim, Abdelakder Bensalah, de larges segments de la société ont exprimé ouvertement leur rejet de cette proposition émanant des symboles de l'ancien régime. Les Algériens qui battent le pavé depuis le 22 février pour un changement radical du système politique en place exigent, avant d'aller vers une élection présidentielle, le départ, sans aucune exception, des personnages-clés de Bouteflika et réclament des institutions légitimes pour construire une Algérie nouvelle et le changement des règles de jeu. Apparemment, le pouvoir est autiste, puisque dans leurs derniers discours, Bensalah et Gaïid Salah ont appelé à un dialogue qui devrait porter sur l'élection présidentielle, seule solution permettant une sortie de crise dans le cadre constitutionnel. Si le pouvoir s'entête dans cette logique et refuse de revoir sa copie, les Algériens, qui depuis 12 semaines expriment des revendications politiques non satisfaites, boycotteront ces joutes et ce sera un échec cuisant. D'autres courants politiques, notamment ceux qui plaident pour une Assemblée constituante et une période de transition avec des garanties qui sera gérée par des compétences neutres et connues pour leur probité, ne voteront pas. Pour tout ce monde, il est impossible de tenir une élection présidentielle le 4 juillet dans les conditions qui marquent aujourd'hui le pays. Une situation entachée de désordre et d'incertitude. Sur le plan politique, selon ces observateurs, il est impossible de mener à terme cette opération dans les temps prévus, de même sur le plan technique Pourquoi ? A une semaine de l'expiration du délai de dépôt des candidatures au Conseil constitutionnel, le 19 mai, aucun candidat sérieux ni connu de la scène politique – à l'exception d'un chef de parti, Belkacem Sahli de l'ARN – ne s'est affiché et personne n'a annoncé la collecte du nombre de signatures exigées. Ces candidats «déclarés» seront dans l'incapacité de collecter en une semaine les 60 000 parrainages exigés par la loi électorale. Le FLN, qui était la béquille sur lequel s'appuie d'habitude le pouvoir, risque de ne pas jouer le jeu en raison de la crise qui le secoue et la contestation du nouveau secrétaire général. Autre élément qui entrave la tenue de cette élection : le refus de beaucoup d'élus et de magistrats d'organiser ou de superviser le scrutin. Dans de nombreuses communes, la révision des listes électorales n'a pas été effectuée sur décision des présidents d'APC. Des juges regroupés dans le Club des magistrats, nouvellement créé, ont décidé de ne pas superviser cette élection, alors que la loi électorale oblige la présence de magistrats pour valider le scrutin. Et l'instance de surveillance des élections, prévue par la Loi fondamentale, n'a pas été installée ; ce qui a été proposé comme structure est rejeté par la rue. Pour ces hommes de loi, l'élection présidentielle du 4 juillet 2019 est reportée de fait, et ce, pour des raisons juridiques ou politiques. Une élection, rappellent-ils, ne se limite pas au jour du vote , il s'agit de toute une logistique et d'une préparation qui débute par la confection des listes électorales et s'achève par la proclamation des résultats ; or, jusqu'à ce jour, les mécanismes et les conditions pour garantir la transparence de l'élection présidentielle sont inexistants. Par ailleurs, des constitutionnalistes estiment que le report d'une élection présidentielle pour la seconde fois en l'espace de quatre mois sera compliqué et c'est ce qui gêne le pouvoir. Pour d'autres, il est possible de sortir du cadre légal parce qu'une bonne partie du peuple veut une période de transition, pas l'élection.