Des faits d'une extrême gravité se superposent et créent un climat extrêmement lourd, plongeant la population locale dans une terreur permanente et enrayant toute perspective de développement économique. L'accalmie temporaire sur le front des kidnappings est loin de rassurer les entrepreneurs dont beaucoup ont donné un coup d'arrêt à leurs investissements. Les gangs du kidnapping n'ont pas abandonné leur activité florissante et continuent à écumer de nombreuses localités livrées à l'insécurité la plus totale. Lorsque les bandes des ravisseurs n'agissent pas, elles sont tout simplement en train de recueillir des renseignements sur de nouvelles cibles. Les groupes terroristes chargés de « lever des fonds » pour la branche Al Qaîda ont pratiquement les coudées franches dans ce no man's land sécuritaire. A présent, ce ne sont plus les maquis qui font peur, mais aussi les routes, et plus récemment, les champs près des villages. La menace des bombes posées dans les champs d'oliviers ou les pâturages est apparue dans la région il y a un an et demi. Un jeune homme de 22 ans avait péri en novembre 2008 dans l'explosion d'un engin artisanal en pleine cueillette des olives. Plusieurs autres villageois ont été mutilés dans les mêmes circonstances, dans plusieurs localités de la wilaya. En octobre 2009, un jeune du village Aït Bouhouni, dans la commune d'Azazga, a été grièvement blessé lors d'une déflagration qui a eu lieu près d'une source d'eau, dite Amizab, dans un champ exclusivement consacré au pâturage depuis des générations. Mardi dernier, une mère de famille, que rien ne destinait à subir les affres du terrorisme, a perdu une jambe en marchant sur une bombe alors qu'elle ne s'était éloignée que de 200 mètres de la maison, au village Boumansour, dans la commune de Yakouren. C'est la population rurale –tirant sa subsistance de l'agriculture vivrière et du petit élevage – qui est ainsi frappée d'interdiction de s'aventurer dans les environs immédiats des villages. Les groupes terroristes qui multiplient ce genre d'attentats essaient d'imposer ainsi un couvre-feu permanent et mortel aux populations villageoises. C'est le sommet de l'insécurité. Ce type d'attentats, d'une particulière lâcheté, ne fait pas l'objet de mise en ligne sur Internet, une technique de propagande terroriste qui est pourtant bien maîtrisée par les « seriate » de l'ex-GSPC. Si la menace plane sur la vie quotidienne des simples citoyens, elle plombe pareillement les lendemains et les perspectives de développement de toute la région. Lorsque l'on sait que les trois quarts de la population vivent dans des localités rurales, on mesure les effets dévastateurs de la menace terroriste sur les programmes de développement attendus depuis des décennies, et qui ne sont pas près, vraisemblablement, d'être mis en place ou relancés à court terme. Dans la commune de Yakouren, qui vient d'être secouée par le drame qui a touché une simple ménagère, un projet de délimitation d'une zone d'expansion touristique (ZET) vient d'être exhumé. La zone concerne un périmètre forestier d'une haute valeur touristique, appelé « Bois sacré », et devrait recevoir des projets d'aménagement de nature à donner une vie économique à cette localité dotée d'atouts naturels majeurs mais qui continue à se morfondre dans le dénuement le plus total. La délimitation du périmètre a été effectuée, ces derniers jours, en présence des responsables forestiers et de l'environnement, selon le P/APC de Yakouren, joint hier par téléphone. Il faut noter que ce projet de ZET forestière date du début des années 1990, lorsque la première APW pluraliste avait mis en place l'Office de gestion des zones d'expansion touristique (OGZET), disparu très rapidement. Vingt ans plus tard, les plans d'aménagement sont remis à l'ordre du jour, mais à l'ombre d'un terrorisme qui ne laisse aucun répit à la population locale et aux opérateurs économiques.