Renforcé depuis un an, le quadrillage militaire sans précédent mis en place dans la région n'a pas réussi à endiguer la menace terroriste. Les opérations de ratissage engagées cycliquement dans les maquis de la Kabylie aboutissent au même bilan, consistant en la destruction de casemates et la récupération de matériels. La mise hors d'état de nuire de groupes armés à l'issue d'opérations antiterroristes d'envergure relève plus de conjectures d'organes de presse que de bilans réels établis par les services de sécurité. Il est arrivé que des groupes annoncés comme étant « encerclés » se volatilisent dans la nature après la levée du dispositif militaire, à l'instar de la spectaculaire opération ayant eu lieu à Yakouren l'été dernier. Le scénario des ratissages « à blanc » fatigue la population locale, d'autant que des attentats continuent d'être perpétrés par des groupes qui semblent mouvoir et frapper dans l'impunité totale. Ce qui s'est passé il y a une dizaine de jours à Ouacifs est d'une extrême gravité. Le propriétaire d'un débit de boissons et son fils ont été exécutés par un groupe armé dans la soirée du 29 mai. Le groupe armé n'avait pas récupéré la rançon qu'il avait fixée au propriétaire du commerce et le fils a résisté à une tentative d'enlèvement. Cet événement sanglant qui a endeuillé une famille et traumatisé la population locale montre qu'un système de racket a été mis en place dans la région et auquel sont soumis les commerçants, notamment ceux exerçant dans des localités retirées. Ce double assassinat sonnait comme un avertissement à tous ceux qui rechignent à payer « l'impôt » terroriste. Une implacable machine à ramasser de l'argent au profit du GSPC, sous peine d'assassinat à bout portant, est mise en branle depuis au moins deux ans, coïncidant avec l'apparition des kidnappings. Les enlèvements ne sont en fait que la forme extrême d'un système de racket imposé par le « maquis », le but étant le même : l'extorsion de fonds. Les entrepreneurs vivent dans la solitude une détresse qui va en s'aggravant. Les chantiers sont abandonnés et les délocalisations d'entreprises se multiplient. Les chefs d'entreprise n'ont trouvé auprès des autorités compétentes ni écoute ni assurances relatives à la sécurisation des zones d'activité. Les autorités elles-mêmes sont sur la défensive et donnent l'impression de subir une situation que plus personne ne contrôle. Les visites d'inspection et de travail ont été réduites à leur portion congrue depuis l'attentat auquel a échappé le wali de Tizi Ouzou le 5 juillet 2007, à Aït Yahia, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou. L'attentat à la bombe avait fait un blessé parmi les services de sécurité accompagnant le cortège. Depuis, les visites de travail se sont limitées aux proches localités du chef-lieu de wilaya, comme Oued Aïssi et Draâ Ben Khedda. La restriction des visites officielles apparaît justifiée vu l'impératif de la sécurité des personnels et de la population, mais dénote un recul patent de l'autorité de l'Etat. Les citoyens voient s'éloigner les représentants de l'autorité civile et s'ériger des barricades autour des administrations les plus anodines comme les sièges de daïra. Les plans de circulation sont bouleversés dans les agglomérations où les sens interdits pour motif de sécurité sont devenus légion. Un décor d'état d'urgence aggravé accable la population qui ne voit plus le bout du tunnel. Elle n'est plus rassurée par le bruit des pilonnages dans les maquis, certaine que « cela ne donnera rien ». Les groupes armés se manifestent sitôt les convois militaires repartis. Il y a dix ans, au temps de la « résistance » citoyenne, les déploiements militaires étaient moindres et la lutte antiterroriste plus concluante. La « réconciliation nationale » est passée par là. Elle a désarmé les résistants et donné le goût de l'argent aux terroristes.