Selon des sources judiciaires, la chambre d'accusation a infirmé les mises sous contrôle judiciaire prononcées par le juge d'instruction à l'encontre de 21 personnes inculpées dans le cadre de l' affaire des transferts illicites des devises vers l'Espagne, en décidant de les placer sous mandat de dépôt. La décision, rendue en deux fois – une pour 7 prévenus et une autre pour 14 – a fait l'effet d'une bombe dans la mesure où personne ne s'attendait à un tel durcissement après que le dossier eut été transféré au pôle judiciaire spécialisé près la cour d'Alger. L'affaire avait éclaté, rappelons-le, durant l'été 2009, après que les services des douanes espagnols eurent saisi leurs homologues algériens sur un grand mouvement de fonds entre l'Algérie et l'Espagne, transférés dans des valises via surtout les aéroports et ports d'Alger et d'Oran par des commerçants, hommes d'affaires, importateurs et trabendistes qui bénéficiaient de la complicité d'agents des douanes et de la police aux frontières. En moins de deux ans, la somme a atteint les 900 millions d'euros. Les montants étaient déclaré dès l'arrivée des porteurs de valise en Espagne, avant d'être placés dans des comptes privés ou investis, notamment dans l'immobilier. Dans l'Oranie, une trentaine de personnes ont été interrogées par la police puis inculpées par le parquet avant d'être interdites de sortie du territoire national. En moins de deux ans, plus de 600 millions d'euros ont été transférés vers la péninsule ibérique. Parmi les mis en cause un opérateur de la ferraille, un importateur de viande congelée, deux grands promoteurs immobiliers et un importateur de vêtements. A Alger, sur les 51 personnes initialement portées sur la liste des autorités espagnoles, seules 17 ont retenu l'attention des autorités judiciaires. Parmi elles, 13 ont sorti des devises par l'aéroport Houari Boumediène et 4 autres par le port d'Alger. Les mis en cause sont en majorité des trabendistes, notamment des commerçants de lingerie féminine du marché Meissonnier (Alger-Centre), mais également des importateurs. Si quelques commerçants et opérateurs jurent que l'argent qu'ils ont transféré vers les banques espagnoles sert uniquement au business ou à contourner les lenteurs bancaires, bon nombre de contrevenants ont bel et bien blanchi les fonds en les investissant dans l'immobilier sur la côte ibérique. D'autres, par contre, des commerçants en général, pratiquent cette « fuite » de capitaux depuis longtemps, mais pour le compte de plusieurs autres (commerçants) qui ont des problèmes d'exercice sur le marché. Mais c'est à Oran que le scandale a fait tache d'huile. Sur la liste des noms impliqués se trouve celui du patron de Mobilart, l'architecte de l'ensemble immobilier El Bahia Center qui domine la façade maritime. Depuis que l'entreprise a été « black-listée » par la Banque d'Algérie, ses chantiers ont été bloqués. Toute la marchandise qu'elle importe est bloquée par les services des Douanes, alors qu'une mesure d'interdiction de commerce extérieur a été notifiée par la Banque d'Algérie à toutes les banques qui hébergent ses comptes, bloquant ainsi toutes les opérations d'acquisition de matériaux pour les chantiers. Ses avocats se sont offusqués du fait que la justice n'a pas distingué entre la personne morale qu'est Mobilart et la personne physique représentée par son patron. « De plus, dans le lot, il y avait des commerçants, des trabendistes et des hommes d'affaires qui ont des entreprises, mais le juge a mis tout le monde dans la même catégorie. En outre, le patron de Mobilart avait, comme le prévoit la loi, privilégié la procédure de la transaction avec les services des Douanes qui permet de surseoir aux poursuites pénales en attendant l'examen du dossier par le comité national de transaction », déclarent les avocats. Selon eux, les montants que leur client a transférés ne dépassaient pas les 600 000 euros et servaient plutôt à « faire face à la bureaucratie bancaire ». Une pratique, soulignent-ils, souvent utilisée par les opérateurs algériens confrontés aux lenteurs en matière de crédit documentaire. En tout état de cause, l'arrêt de la chambre d'accusation est exécutoire dans les heures qui suivent sa signature. Les 21 prévenus placés sous mandat de dépôt vont donc être arrêtés et mis en détention dès que les services de la police judiciaire l'auront reçu.