Ce n'est pas tant le Niger ou la menace terroriste au Sahel qui intéressent les Emirats arabes unis. Mohamed Ben Zayed lorgne plutôt en direction de Tripoli. Prendre pied au nord du Niger, à un jet de pierre de la Libye, c'est pour les Emiratis être en mesure de soutenir massivement et plus facilement le maréchal Khalifa Haftar. Après s'être offert des bases navales au Somaliland et en Erythrée, dans la Corne de l'Afrique, Abu Dhabi cherche maintenant à avoir un pied à terre au Sahel. Les Emirats arabes unis auraient jeté leur dévolu sur le Niger, pays présentant l'avantage d'offrir des fenêtres autant sur le Maghreb que sur l'Afrique subsaharienne. Et Niamey aurait d'ores et déjà accepté de satisfaire les caprices de la pétromonarchie. Selon la presse française, qui a rapporté vendredi dernier l'information, les négociations entre les deux parties «sont entrées dans leur phase finale». Les Emirats arabes unis ont négocié l'installation d'une base militaire à la frontière nord du Niger qui jouxte l'Algérie et la Libye. D'après le site Mondafrique, qui a relayé l'information, «le président nigérien Mahamadou Issoufou avait, au départ, marqué sa réticence à un accord avec les Emirats, arguant que son pays venait de refuser l'installation d'une base militaire à l'Italie». Rome, ajoute la même source, voulait justement installer une base militaire dans le nord du Niger, surtout pour combattre l'immigration clandestine vers l'Europe. Alors pourquoi donner à Abu Dhabi ce qu'il a refusé à Rome ? «S'ils sont entrés dans la quête de l'installation d'une base militaire longtemps après l'Italie, les Emiratis semblent avoir trouvé des arguments plus décisifs : le carnet de chèques et les pressions diplomatiques, notamment l'aide de leurs alliés saoudiens très influents au Niger», révèle Mondafrique. A quoi Abu Dhabi prédestine cette base militaire ? La presse française estime que ce n'est pas tant le Niger ou la menace terroriste dans le Sahel qui intéressent les Emiratis. Pour Mondafrique, «l'obsession de ce petit Etat (…), c'est la Libye ». «Prendre pied au nord du Niger, à un jet de pierre de la Libye, c'est pour les Emiratis être en mesure de soutenir massivement et plus facilement le maréchal Khalifa Haftar, leur allié dans le conflit qui oppose le chef de l'Armée nationale libyenne au gouvernement d'union nationale de Fayez Al Sarraj», soutient-on. Des sources ont confié à El Watan que les Emirats arabes unis – que certains surnomment la Sparte du Moyen-Orient pour son armée ultra équipée et bien formée -– cherchent également à étendre leur influence dans la région. On rappelle que depuis l'arrivée au pouvoir de Mohamed Ben Zayed, prince héritier d'Abu Dhabi, ce pays mène en effet «une diplomatie des ports et de la canonnière» qui en fait une puissance maritime, à tel point que de nombreux analystes évoquent «un nouvel impérialisme émirati». A titre d'exemple, les Emirats, qui soutiennent Aden, utilisent leur base en Erythrée où des avions de combat ont été déployés. Selon des experts du Moyen-Orient, Abu Dhabi s'est fixé en outre pour objectif de se doter d'une profondeur stratégique et de contrarier l'expansion de la Turquie et du Qatar, deux pays rivaux qui placent aussi leurs pions en Afrique. Aussi, l'opinion nigérienne voit-elle d'un très mauvais œil l'arrivée de militaires émiratis dans le pays, qui abrite déjà des bases allemande, américaine et française. A ce propos, la presse locale se dit persuadée que l'installation d'une base militaire émiratie sur le sol nigérien suppose un parti pris nigérien dans le conflit libyen. Pour nos confrères, le Niger risque de devenir à la longue le théâtre de guerres par procuration. – Vers l'envoi de forces spéciales européennes au Mali La ministre française des Armées, Florence Parly, a lancé jeudi un appel aux forces spéciales des autres pays européens pour épauler les 4500 hommes de la force Barkhane déployée au Sahel pour lutter contre les groupes terroristes. «Oui, nous avons besoin de partenaires, affirme-t-elle. Nous travaillons à un projet qui n'est pas encore complètement opérationnel et qui est un projet qui consiste aussi à fédérer les forces spéciales de différents pays afin de soutenir l'effort que nos forces spéciales réalisent par exemple au Sahel.» Des forces spéciales pour quoi faire ? En priorité, pour lutter contre le terrorisme et accompagner au combat les armées locales. Des missions qui pourraient s'intégrer dans le modèle élaboré par la France pour tenter de trouver une solution au Mali. «Nous avons développé une option intermédiaire, détaille Florence Parly. Elle combine d'une part, l'action de haute intensité, l'accompagnement au combat des armées sahéliennes et, d'autre part, un mélange d'actions politiques et d'actions civiles.» Selon la presse française, des sources proches du dossier évoquent le retour des OMLT (Operational Mentoring Liaison Team) des équipes de liaisons opérationnelles comparables à celles qui avaient été mises en place en Afghanistan. A. Z.