Après près de quatre mois de contestation, le «hirak» algérien ne montre pas «encore» des signes d'essoufflement. Si les records des deuxième et troisième semaines (1er et 8 mars) n'ont pu être battus, il n'en demeure pas moins que vendredi dernier, le 17e de la protestation populaire, la mobilisation était plutôt importante. Du moins plus que le vendredi d'avant, le premier depuis la fin du mois de Ramadhan, comme cela a été rapporté par les médias et relevé par les participants à ces manifestations. Le regain de ferveur qu'ont connu différentes régions du pays dont la capitale en ce 17e vendredi pourrait être lié à la série d'incarcérations de hautes personnalités de l'Etat ayant marqué l'ère Bouteflika qui ont eu lieu durant la semaine. Mais cela montre également que l'Algérien n'est pas près pour l'instant de rentrer chez lui. Tout en se félicitant de ces mises en détention provisoire, notamment celle prononcée à l'encontre de l'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, les manifestants ont tenu à rééxprimer leurs revendications habituelles s'articulant autour du «départ du système». Ces incarcérations auraient même, peut-être, galvanisé encore plus les Algériens. «Grande mobilisation, un grand peuple, déterminé, mature politiquement et conscient des enjeux», a écrit le même jour Abdelouahab Fersaoui, président de l'association RAJ. «La 17e marche de ce jour 14/06/19 fut très émouvante. Premièrement, avec des citoyens et citoyennes, une minute de silence fut observée en hommage de toutes les victimes du 14 juin 2001. Deuxièmement, la mobilisation des citoyens et citoyennes pour un changement radical du système est de plus impressionnante», a commenté de son côté Moulay Idriss Chentouf, ancien coordinateur national du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD). La mobilisation est donc toujours là, comme c'était le cas d'ailleurs durant le mois de Ramadhan où, malgré les effets du jeûne, les Algériens étaient sortis en masse chaque vendredi et mardi pour les étudiants, défiant ainsi tous les pronostics. Pourtant, le pouvoir en place aurait misé, d'après les responsables de différents partis politiques de l'opposition – et même du pouvoir puisque un responsable du RND avait prédit devant les militants de sa formation lors des premières semaines du hirak que les Algériens allaient finir par rentrer chez eux dans peu de temps – sur l'essoufflement du mouvement. Finalement, il n'en fut rien et les manifestations de ce vendredi ont démontr que ces «prévisions» se sont avérées non fondées. De plus, des manifestants de plusieurs régions du pays ont réaffirmé avant-hier et avec insistance leur attachement à l'unité nationale comme ils ont dénoncé les tentatives de division. Ces dernières, qui se sont multipliées au fil des semaines, jouant sur les différences idéologiques, régionales ou autres, ne semblent pas produire un grand effet sur le mouvement. Même là où une sorte de fracture semble s'être produite entre, par exemple, ceux qui accordent un chèque en blanc au chef d'état-major de l'ANP et ceux qui le rejettent, comme c'est le cas à Bordj Bou Arréridj où désormais il y a deux «tifos», les manifestants préfèrent se départager les «carrés» dans les manifestations, tout en maintenant, pour les deux parties, les revendications relatives au départ des symboles de l'ancien régime, en l'occurrence Bensalah et Bedoui. Ainsi, même si le mouvement populaire n'a pu faire émerger, pour l'instant, des représentants, et qu'il est sans discours unifié et consensuel par rapport à toutes les questions relatives aux affaires de l'Etat, ce qui est tout à fait normal au vu de son importance et par conséquent des différences politiques et idéologiques qui le traversent, il n'en demeure pas moins qu'il a pu, jusque-là, résister à tous les aléas et entraves qu'il a rencontrés. Et il est fort à parier, au vu de la résistance qu'il a montré durant le mois de Ramadhan et du regain de ferveur remarqué lors du dernier vendredi, qu'il en sera de même durant les semaines à venir. Le hirak n'est pas, selon toute vraisemblance, près de s'essouffler.