Passionnée de football mais coupée du monde, la bande de Ghaza organise son propre « Mondial », une initiative très populaire, même si elle est symbolique. Cette initiative est symbolique dans le sens où elle a pour but de réclamer la levée du blocus israélien imposé aux Palestiniens. L'équipe dite de « France » l'a emporté et s'est vu remettre la coupe par le Premier ministre du mouvement islamiste Hamas, Ismaïl Haniyeh, devant un public enthousiaste estimé à 20 000 spectateurs. « Tu veux aller en Afrique du sud alors que les frontières sont fermées ? La Coupe du monde, ça se passe désormais à Ghaza », annoncent depuis quelques jours de grands panneaux publicitaires. Avec humour, ils ont appelé les Ghazaouis à assister à ce tournoi par procuration, le premier du genre dans l'étroite enclave contrôlée par le Hamas depuis trois ans. Seize équipes locales participent depuis le 2 mai à cette « Ghaza World Cup 2010 », organisée par la Fédération palestinienne de football en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), sur une idée de Patrick McGrann, un Américain travaillant à Ghaza. Treize clubs représentent chacun un pays qui participe à la vraie Coupe du monde. Les trois autres jouent le rôle de la Jordanie, l'Egypte et la Palestine, non qualifiées pour le Mondial. La finale a opposé au stade de Yarmouk, à Ghaza, la « France » à la « Jordanie », respectivement représentées par les équipes de Rafah et de Khan Younès. « Nous rêvons que le monde comprenne que nous sommes un peuple qui aime la liberté, et cela commence par une levée du blocus injuste », explique Achraf Hamad, chargé de fabriquer un trophée pour la compétition. « Le blocus, ça suffit ! Les Ghazaouis aiment le football, ils méritent d'être soutenus et aidés pour pouvoir vivre dans la dignité », plaide Ayman Mohieddine, un Américain d'origine égyptienne, qui participe à cette initiative. Cette semaine, des centaines de Palestiniens ont assisté au match entre les « Etats-Unis » (le camp de réfugiés de Maghazi) et la « Serbie » (l'équipe de Zaïtoun) au stade Palestine de Ghaza. « USA ! USA ! », scandaient des dizaines de supporters en agitant la bannière étoilée, une vision plutôt singulière à Ghaza. « J'ai eu le sentiment d'assister à un vrai match entre les Etats-Unis et la Serbie », assure Hicham Réda, 26 ans, habitant de Maghazi, un drapeau américain à la main. « Je n'ai aucun problème avec ce drapeau, explique-t-il. Oui, j'ai participé à des manifestations pendant lesquelles des drapeaux américains et israéliens ont été brûlés, mais là c'est différent, parce que le football se joue entre les peuples, pas entre les gouvernements. » Modelé sur le trophée qui récompensera l'équipe championne du monde le 11 juillet, celui de la « Ghaza World Cup » est fait de bouts de métal retrouvés dans des bâtiments détruits par l'armée israélienne pendant l'offensive de l'hiver 2008-2009, surmonté d'un ballon de football en ciment. La coupe a été remise samedi, jour où les Palestiniens ont commémoré la « Nakba » (catastrophe), qu'a représenté pour eux la création d'Israël, à la fin du mandat britannique (15 mai 1948), et de l'exode de plus de 760 000 Palestiniens qui s'en est suivi.