Le ministre des Finances, Mohamed Loukal, a affirmé que «la rationalisation des importations des biens à travers leur limitation aux besoins réels de l'économie nationale sera généralisée aux services». Les réserves de change de l'Algérie s'évaporent d'année en année. Elles ont encore reculé à 72,6 milliards de dollars (mds usd) à la fin avril 2019, contre 79,88 mds usd à la fin de l'année 2018, soit une baisse de 7,28 mds usd en quatre mois, a indiqué le ministre des Finances, Mohamed Loukal, dans un entretien à l'APS. Mais cela n'inquiète guère le premier argentier du pays, puisqu'il déclare que «le niveau des réserves est relativement satisfaisant, il équivaut à deux années d'importation et il nous permet une marge de manœuvre importante en matière de redressement de la situation financière». Le rythme de la fonte des réserves de change est pourtant considérable. En 2018, les réserves de change s'étaient contractées de 17,45 mds de DA par rapport à la fin 2017 (97,33 mds usd). La loi de finances 2019 prévoit, pour la période 2019-2021, une baisse des réserves de change à 62 mds usd en 2019, puis à 47,8 mds usd en 2020 pour atteindre 33,8 milliards usd en 2021. Quelle est en fait cette marge de manœuvre dont parle Mohamed Loukal ? Comment faire face à l'érosion des réserves de change ? «Le gouvernement s'est récemment engagé dans une démarche basée sur la rationalisation des importations des biens, à travers leur limitation aux besoins réels du marché national, en attendant la généralisation de cette approche aux services», a rappelé le ministre. C'est donc par la réduction drastique des importations que le gouvernement croit pouvoir juguler une crise économique qui se complique de jour en jour par le fait de la crise politique que vit le pays. Dans l'entretien qu'il a accordé à l'APS, Mohamed Loukal peine réellement à convaincre en soutenant que «la situation de la trésorerie de l'Etat, quoique relativement tendue, est maîtrisée et permet de faire face à la dépense publique, que ce soit pour le budget de fonctionnement, y compris le remboursement de la dette publique, ou pour le budget d'équipement, ainsi que pour les opérations du Trésor». Sachant l'état dans lequel est l'économie nationale et les finances du pays, est-ce que le fait que «le Trésor public n'a enregistré aujourd'hui aucun arriéré de paiement envers les entreprises réalisatrices de projets d'investissement», est à lui seul un signe de détente ? Pas forcément. Mohamed Loukal donne une foison de chiffres qu'il veut rassurants mais qui le sont moins en réalité. Un indice que la machine économique est grippée : les retards de paiement, pouvant être éventuellement enregistrés sur le budget d'équipement. Selon lui, ils «ne peuvent être dus qu'à des questions de conformité des dossiers introduits par les ordonnateurs et par le respect des procédures en vigueur». Mohamed Loukal récuse que ces retards éventuels puissent être imputés à «des tensions de trésorerie». «En aucun cas», soutient-il en avançant quelques chiffres. Le ministre des Finances a indiqué qu'à fin mars, les décaissements effectués dans le cadre de l'exécution des dépenses budgétaires portent sur un montant global de 2448,5 milliards (mds) de dinars (DA), répartis entre le budget de fonctionnement (1556,5 mds de DA) et le budget d'équipement (891,9 mds de DA). Les interventions du Trésor, sous forme de prêts aux entreprises et autres organismes publics ont totalisé, à la même date, un montant de 395,5 mds de DA. Pour ce qui est du paiement des rémunérations et des pensions de retraite, «aucune perturbation n'est enregistrée au niveau des guichets du Trésor ou des CCP», selon Mohamed Loukal. Trésor : 2436 mds de DA de déficit attendu en 2019 Les dépenses de la CNR (Caisse nationale de retraite) ont fait l'objet d'un financement de 300 mds de DA, versés en janvier 2019, et d'un second financement, au titre du deuxième semestre 2019, par «tranches correspondant aux besoins réels de la Caisse», a-t-il précisé. Une première tranche de 80 mds de DA a été versée à la CNR début juin 2019, selon lui. Estimé annuellement à 600 mds de DA, le financement du déficit de la CNR constitue «un impact important et persistant sur les finances publiques, en attendant sa réduction dans le cadre de la refondation du système de retraite actuel», a souligné le ministre. A la fin du premier trimestre 2019, le déficit du Trésor a atteint 1352,5 mds de DA, un déficit qui devrait se creuser pour atteindre 2436 mds de DA (11,6% du PIB) à la fin de l'année en cours (la loi de finances 2019 prévoit un déficit du Trésor de 2200 mds de DA), a souligné le ministre. Pour couvrir les 2436 mds de DA de déficit, quelque 1000 mds de DA ont été déjà mobilisés, en janvier 2019, dans le cadre du financement non conventionnel. Sur les 6553,2 mds DA mobilisés dans le cadre de ce financement, environ 5500 mds de DA ont été injectés dans l'économie, ce qui donne un reliquat de 1000 mds de DA mobilisés pour financer une partie du déficit du Trésor. Pour le ministre, les principaux «challenges» en matière d'opérations du Trésor concernent notamment le financement du déficit de la CNR (600 mds de DA/an) et la dotation octroyée au Fonds national d'investissement (FNI), estimée à 500 mds de DA/an, pour assurer la continuité du financement de projets d'investissement. «Nous avons les moyens pour relever ces challenges», a-t-il assuré. Lesquels ? doit-on s'interroger vu la situation de l'économie nationale. Par le recours encore une fois au financement non conventionnel, qu'on a annoncé révolu il y a quelques jours, ou par l'endettement extérieur ?