Invitation : papier cartonné, 3 cm sur 25, enroulé dans une boîte à pellicule. Dessus : « Viens prendre un thé », au salon de thé Chez Anfel, résidence Chaâbani, Val d'Hydra. Petite précision : exposition hors cadre. De prime abord, la surprise. Ensuite, la curiosité. Tarik Mesli nous a habitués à un travail particulier : des installations où le spectateur est invité à évoluer. D'où son choix d'exposer dans ce lieu plutôt que dans une galerie d'art. Le lieu : tables basses et coussins moelleux, rideaux de voile et d'organza, luminaires en peaux et en vitrail, photophores et bougies chauffe-plats dans des niches et des rebords... Un décor maghrébo-oriental qui invite à la paresse et à la douceur de vivre. Et c'est dans cette ambiance que Tarik Mesli, fidèle à ses habitudes, a installé ses toiles dans deux espaces délimités. A l'extérieur, dans un couloir, couvert de grandes toiles, chargées de couleurs vives, sont accrochées dans des voûtes arquées. Sur leurs rebords, des bougies dans des photophores, posés sur des morceaux d'organza froissé. A l'intérieur, des toiles de petit format, environ 20 cm sur 15, de couleurs plus sombres, sont accrochées dans des niches et le long d'un mur. Là encore, les photophores et les bougies chauffe-plats illuminent les œuvres en leur donnant un aspect plus intime. Comme si l'on pénétrait dans un lieu secret et interdit, qui force l'admiration autant que le recueillement. La notion d'installation est réussie. Et les spectateurs, invités à évoluer entre les deux espaces, deviennent acteurs de l'intervention. En bougeant et en prenant le thé ! Nous pas bouger, El harba, Trab , SNP , Mel houma, Je ne suis pas un monstre... sont les titres de quelques-unes des toiles exposées, dont les techniques diffèrent. On en cite une particulière et surprenante : l'usage de pigment de henné. Dans cet univers visuel et sonore - des musiciens prennent possession de l'espace sonore -, la condition humaine est représentée - sur toile et dans la réalité -dans une surface à la fois ouverte et close. Et la distinction à faire entre les deux groupes d'œuvre est temporelle : les œuvres exposées à l'extérieur datent de l'époque où l'artiste vivait à Alger, jusqu'à 1995. Celles qui sont accrochées à l'intérieur sont plus récentes. Elles ont été réalisées durant les dix dernières années, en France. Plus qu'une rétrospective, cette exposition est une confrontation de deux époques délimitées par l'assassinat, en 1995, d'Ahmed et Rabah Asselah, directeur de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger et son fils. A sa façon, Tarik Mesli fait donc le point sur lui-même et sur tout.