Ils sont près de 13 millions d'internautes dans le monde arabe sur un peu plus de 300 millions d'habitants, si l'on se fie aux chiffres du bureau arabe de l'Union internationale des télécommunications. Ces internautes n'ont pas en commun une langue de navigation sur Internet ou une dénomination standard des sites web, comme pourrait le suggérer leur appartenance à la même aire géographique, culturelle et historique. Ils partagent un accès à un Internet contrôlé où il est risqué de dire son avis sur un forum de discussion, un weblog ou tout simplement sur un site personnel sans recevoir les visiteurs nocturnes où se retrouver au commissariat, dans le meilleur des cas. Les censeurs dans le monde arabe agissent de deux manières. La première, en amont, consiste en le filtrage de l'accès à Internet et le blocage de sites web. L'internaute voulant accéder à certains sites est toujours en face orienté vers une page lui suggérant l'impossibilité de trouver le serveur recherché. Dans ce cas, ce sont des listes noires que dressent les autorités en coordination avec les fournisseurs d'accès à Internet. Reporters sans frontières, dans son rapport 2004, sur la liberté sur Internet dans le monde avait épinglé plusieurs pays arabes sur le filtrage de l'accès (Arabie Saoudite, Tunisie, Emirats arabes unis, entre autres). Pour le cas de l'Algérie où la plupart des fournisseurs d'accès à Internet disposent de l'URL blocking, un outil permettant de bloquer certaines adresses web, depuis l'ouverture de l'Internet au privé en 1998, aucun cas de blocage n'a été signalé et ce même en pleine période de lutte antiterroriste. La seconde méthode consiste à surveiller les accès, pister les internautes les plus actifs et collaborer avec les fournisseurs d'accès pour remonter vers les « coupables » de discussions non autorisées. Au Bahreïn, selon RSF, « le modérateur de Bahrainonline.org, Ali Abdulemam, et ses assistants Mohammed Almosawi et Hussain Yousif ont été libérés, le 14 mars 2005, après deux semaines de détention. Leur cas est cependant toujours en investigation et il leur est interdit de quitter leur domicile jusqu'à la clôture de l'affaire ». Paradoxalement, la Tunisie, qui va accueillir la deuxième phase du Sommet mondial de la société de l'information (SMSI) qu'organisera l'UIT en novembre prochain, est le pays où la répression des cyberdissidents est la plus brutale. Au moment où la Tunisie avait été choisie en 2002 pour organiser ce sommet, les défenseurs de la liberté d'expression sur Internet, surpris par un tel choix, n'avaient pas trouvé mieux que de dire : « Le ridicule ne tue pas ! » RSF reconnaissait que « la Tunisie est passée maître dans l'art d'Internet. Mais pas dans le bon sens du terme. Elle s'est, en effet, dotée d'une des plus impitoyables cyberpolices du monde ». Les Publinets (les cybercafés) qui doivent répondre à des cahiers des charges bien précis permettent le relevé régulier des accès des internautes. Ils ne peuvent accéder à Internet qu'à travers des fournisseurs appartenant aux proches du président tunisien. La mort du cyberdissident tunisien Zouhair Yahyaoui, le 13 mars dernier d'une crise cardiaque à l'âge de 36 ans, résume toute la situation de l'internet au pays de Zinelabidine Benali. Le fondateur du journal satirique en ligne TuneZine (www.tunezine.com), connu sous le pseudonyme d'Ettounsi, avait été poursuivi pour « propagation de fausses nouvelles » et condamné en juillet 2002 à une peine de deux ans de prison. La raison ? Il avait publié une lettre dénonçant le fonctionnement de la justice dans son pays, adressée au président Zinelabidine Benali, par son oncle Mokhtar Yahyaoui. Il avait été remis en liberté conditionnelle en novembre 2003, après avoir entamé plusieurs grèves de la faim et une vague de solidarité dans le monde. En 2003, il s'était vu décerner à Paris le prix Cyberliberté qui récompense tout « internaute qui, par son activité professionnelle ou ses prises de position, a su témoigner de son attachement à la liberté de circulation de l'information sur le Réseau ».