La pièce Les 20 minutes a été jouée à la faveur du Festival national du théâtre professionnel (FNTP) qui se tient au TNA et au Palais de la culture Moufdi Zakaria jusqu'au 7 juin. Les humains rêvent de boire de la fontaine de Jouvence. Cette fontaine n'existe pas, pourtant, la quête de l'éternité n'a jamais cessé parmi ceux qui possèdent le pouvoir de la peur, de l'argent ou de la séduction. Mardi soir, au Théâtre national algérien Mahieddine Bachetarzi à Alger, l'association Chourouk de Mascara a développé l'idée, quoique laborieusement, à travers une relecture de l'œuvre du Britannique Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray. L'Egyptien Houssam Kandil, qui a adapté ce roman victorien, a modifié quelque peu le contexte de l'œuvre et l'itinéraire de ce dandy irlandais. Partagé entre plusieurs amours, Dorian Gray, icône gay pour certains, symbole de beauté pour les autres, navigue entre les désirs de Sibyl Vane, la comédienne, et l'adoration intense de Basil Hallward, l'artiste peintre. « Laisse-moi rendre éternels tes beaux traits », lui dit-il. Sibyl Vane veut le mariage mais est également attirée vers Lombard, un poète qui réclame une forte amitié avec Dorian (ce personnage n'existe pas dans le roman d'Oscar Wilde). Sibyl vit le déchirement interne qui va la pousser à l'irréparable. « Moi, je suis un collectionneur de papillons », dit et répète Dorian à Sibyl. Il en oublie même le prénom. Mais Dorian, l'hédoniste, est obsédé par son portrait et par les expressions évolutives qui le marquent. Et Basil Hallward n'aime pas les incursions du diabolique Lord Henry, qui influence Dorian, le rendant de plus en plus décadent. « Cherche ce qu'il y a derrière l'obscurité. Rappelle-toi de ton premier regret, toi qui ne cesse de pécher », dit Lord Henry, qui passe et repasse sur la scène comme un mauvais esprit. Dorian est face à ses tourments, à ses contorsions, à cette crainte de visages qui le poursuivent... Jouée en arabe classique, la pièce Les 20 minutes, sélectionnée lors du Festival national du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès en mars dernier, est interprétée sous forme de tableaux qui se figent ou qui se superposent pour souligner la succession d'événements. La lumière, qui manque de précision parfois, a réussi à marquer la trame dramatique. Les effets sonores, portés par une musique funeste, ont complété la lumière mais en écrasant, dans certains passages, la voix des comédiens. Simple, la scénographie n'a pas été d'un grand apport dans le déroulement de la pièce. La scénographie demeure le ventre mou du théâtre algérien. Le jeune Youcef Bachir Sehairi, qui a joué le rôle de Dorian Gray, a donné le meilleur de lui-même sur scène. Sa parfaite maîtrise de la langue arabe l'a aidé à refléter les sautes d'humeur de son personnage. « Au début, c'était un peu difficile, mais j'ai beaucoup travaillé avec le groupe. Je suis allé à fond avec le personnage de Dorian Gray », nous a-t-il confié après la pièce. Originaire de Laghouat, Youcef Bachir Sehaïri, 25 ans, a été sollicité par les animateurs de l'association Chourouk, spécialement pour camper ce rôle. « J'ai commencé à faire du théâtre à l'âge de 15 ans ; j'ai travaillé avec le metteur en scène Haroun Kilani. Notre troupe Masrah Laghouat n'a pas encore eu la chance de jouer ses pièces sur les grandes scènes », a-t-il dit. Youcef Bachir Sehaïri, qui poursuit ses études en électronique, a joué dans plusieurs pièces dont Essawt el Asfar (la voix jaune) et un duo El Intikal. Les organisateurs du FNTP ont programmé Masrah Laghouat en hors compétition à la salle Hadj Omar, le 3 juin à 15 h. Pour Mohamed Frimehdi, metteur en scène de la pièce Les 20 minutes, le texte adapté par Houssam Kandil a mis en avant les conflits internes et les déchirures cachées. « Chaque jour, et pendant 20 minutes, Dorian Gray passe par une phase de troubles et de crise, période durant laquelle, il exprime toutes ses souffrances. Il nous parle de ses victimes. Dorian Gray est hautain et orgueilleux. Il n'a pas cessé de jouer des sentiments des autres sans se soucier des valeurs morales », a-t-il expliqué. A la fin de la pièce, Dorian Gray invite tout le monde à retourner à la case départ. « Oui, Dorian Gray cherche d'autres victimes pour entretenir sa beauté extérieure », a relevé Mohamed Frimehdi. Outre Youcef Bachir Sehaïri, quatre autres comédiens ont interprété cette pièce. Il s'agit de Hadj Houari Chikhaoui (Lord Henry), Fatima Belarbi (Sibyl Vane), Hakim Bali (Lombard) et Mokhtar Hocine (Basil Hallward). La composition musicale a été assurée par Aminos, un jeune de Zéralda, et la scénographie a été conçue par Halim Rahmouni.