Dix-sept ans après son ignoble assassinat, Tahar Djaout est toujours présent. Non seulement à travers ses écrits journalistiques, ses romans ou ses recueils de poésie, mais aussi par ses valeurs. Même si sa famille, celle qui avance, est parfois frappée d'amnésie, quand carrément elle ne prête pas le flanc aux coups de boutoir des forces anti-progressistes, laissant libre champ aux arrière-gardistes. L'on ne semble pas mesurer encore l'ampleur du vide qu'il a laissé, ni juger de la nécessité de perpétuer ses valeurs, continuer ses combats, l'ériger comme repère. Des commémorations ont quand même lieu pour célébrer sa pensée, saluer son courage et louer son talent. Mais les espaces qui portent son nom sont limités à la maison de la presse d'Alger. Pourtant, son décès le 2 juin 1993, après une semaine dans le coma, a été durement vécu par les journalistes, mais aussi par les intellectuels et le mouvement associatif. L'onde de choc était telle qu'un comité de vérité sur l'assassinat de Tahar Djaout, dont le fondateur était le psychiatre Mahfoud Boucebci, assassiné lui aussi le 15 juin de la même année, a été mis sur pied. D'autres initiatives ont vu le jour et dans le même élan, la Fondation Tahar Djaout est née, mais dont les activités ont été rapidement gelées en raison de mésententes entre les membres fondateurs. L'Algérie, qui a enterré Djaout en 1993, souffre toujours des mêmes problèmes qu'il combattait : régime autoritaire et prévaricateur et islamisme politique inquisiteur. Dans l'ambiance amorphe qui caractérise le pays, demeurent des volontés, à l'image de l'association Tussna (savoir) qui, contre vents et marées, organise des activités culturelles, comme celle de la semaine écoulée à Tizi Ouzou, en hommage à Tahar Djaout. Que reste-il encore de lui ? Un immense patrimoine à préserver et à défricher. Une œuvre à valoriser et un engagement à suivre. Il y a aussi cette hantise de la récupération de sa mémoire à chaque intervention écrite ou orale. Tahar Djaout fait parler de lui, a fortiori, quand les intentions sont empreintes de suspicion. Cette rencontre a eu un grand mérite : le libre débat. Et, c'est ainsi qu'est relancée l'idée de remettre sur pied la fondation et la création d'un prix Djaout du journalisme.