La décision de l'Union nationale des barreaux d'Algérie (UNBA) de désigner deux membres dans la commission des élections n'a pas été acceptée par tous ses adhérents. Les barreaux des wilayas de Blida, Boumerdès, Annaba, Bouira, Béjaïa, Tizi Ouzou, précisent des avocats. Dans une déclaration rendue publique, le bâtonnier de Tizi Ouzou, Salah Brahimi, annonce son «rejet en la forme et au fond l'invitation faite à l'union pour désigner deux membres qui feront partie de la commission de surveillance des élections» afin de ne pas «servir, précise-t-il, d'alibi pour le système qui veut se régénérer». «Même si je dois en tant que bâtonnier enfreindre les règles de déontologie envers l'Union, ma conscience m'interpelle pour que nul n'oublie que le barreau de Tizi Ouzou reste fidèle à son engagement avec le peuple algérien dans sa révolution du Sourire (…) Nous refusons aussi toute tentative qui vise à nous faire oublier nos engagements pour la révolution du peuple, surtout celle qui vise à nous faire occuper pour participer à quelques amendements qui ne sont pas justifiés dans le contexte actuel», tranche le bâtonnier. En juillet dernier, le conseil de l'UNBA avait convoqué assemblée générale extraordinaire de tous les barreaux pour réagir aux «atteintes répétées aux droits et libertés d'expression, de manifester pacifiquement et de circuler», a précisé son président, Me Ahmed Saï, dans un entretien à El Watan. «Le nombre des détenus d'opinion et de manifestants en prison ne fait qu'augmenter. Cela constitue une dérive qui nous interpelle en tant qu'avocats. Le conseil de l'UNBA a estimé qu'il était important de réunir tous les barreaux, de faire entendre notre voix et d'agir. L'assemblée générale a dénoncé toutes les atteintes aux droits constatées ces derniers jours. En signe de protestation, nous avons pris la décision de boycotter (…) les juridictions judiciaires à travers tout le pays. Durant la même journée, des marches de protestation sont organisées au niveau régional, à Alger, Oran et Constantine», a détaillé Saï (El Watan du 9 juillet 2019). «Organisme autonome et apolitique» ? Des avocats refusent de s'«éloigner» de cette ligne de défense des revendications du mouvement populaire. Engagé dans les collectifs de défense des détenus, Me Aïssa Rahmoune considère que la «rupture est consommée avec l'Union nationale des barreaux d'Algérie entre déontologie et engagement avec le peuple et sa révolution, le choix est vite fait». Son collègue Halit Saïd signale qu'en tant qu'avocat inscrit au barreau de Tizi Ouzou, il s'est «démarqué, au début de la révolution, des agissements politiques émanant de l'UNBA, car cette dernière est un organisme autonome et apolitique et ses responsables n'ont pas le droit de s'immiscer dans les affaires politiques au nom des avocats…». Réuni le 14 septembre à Tizi Ouzou, le Collectif des avocats pour le changement et la dignité a mis l'UNBA devant ses responsabilités «éthique, juridique, et historique quant à l'implication de notre profession dans les calculs électoraux et politiques du système rejeté par le peuple algérien dans sa globalité, notre réelle place est parmi et aux côtés du peuple». Le collectif a aussi dénoncé «l'entêtement des tenants du pouvoir à conduire le pays dans une aventure électorale qui risque d'emporter l'Etat et la nation». «La supercherie qui s'invite en calendrier électoral n'intéresse que les recyclés agonisants d'un système qui ne peut enthousiasmer le peuple algérien, résolu à construire une Algérie nouvelle», soulignent les rédacteurs, affirmant être «solidaires avec toutes les victimes d'un système qui insulte l'avenir en faisant de la justice un mécanisme, un outil de chantage, de répressions, de provocations, et de règlements de comptes». Dans une déclaration rendue publique en début de soirée de dimanche, le Collectif de défense des détenus d'opinion présentés devant le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed s'indigne que les autorités «utilisent les moyens répressifs et les institutions, y compris la justice», dont la mission est pourtant la protection des droits et des libertés. Le collectif affirme avoir constaté «une orientation répressive» dans la gestion du dossier des détenus d'opinion. Il signale aussi «des dépassements, des atteintes et des pratiques arbitraires» dans les affaires traitées.