Agissant dans l'anonymat de ce qu'il est loisible d'appeler la fachosphère à la sauce locale, les mouches électroniques – traduction littérale de l'arabe «doubab» – agissent en toute impunité malgré les multiples dérapages. Leurs cibles : les activistes et leaders du hirak ainsi que les millions de citoyens anonymes qui prennent part au mouvement populaire. Les mouches électroniques ont une nouvelle mission : elles font campagne pour l'arrestation des leaders du mouvement populaire. En effet, des personnes citées dans des posts incendiaires sur certains profils Facebook et dans des groupes du même acabit finissent par être arrêtées sous divers chefs d'inculpation liés principalement à l'«atteinte à l'unité et la sécurité de la nation», «incitation à la désobéissance». Dernier exemple : l'arrestation du militant Samir Benlarbi, annoncée dans plusieurs pages avant que le concerné ne soit effectivement «kidnappé» et mis sous mandat de dépôt par décision du juge. Le 12 septembre, le concerné a répondu à ces appels par un post sur son mur : «Des dizaines de publications, dans plusieurs pages, parlent de mon arrestation. N'ayez pas peur, quand ils vont m'arrêter vous le lirez chez moi (sur ma page)». Effectivement, cinq jours après ce post prémonitoire, Benlarbi a été arrêté près de son domicile à Bouzaréah et conduit vers une destination inconnue avant qu'il ne soit présenté le lendemain devant le juge du tribunal de Bir Mourad Raïs qui a ordonné sa mise sous mandat de dépôt. Son accompagnateur, Mohamed Bachouche, présentateur d'une émission sur Echourouk TV, a rendu publique l'information de l'arrestation de Belarbi sur sa page Facebook. Le journaliste ne publiera le post qu'après18h, comme le lui a demandé Benlarbi. Comme attendu, les trolls haineux se sont réjouis de l'arrestation et ont salué avec force commentaires laudateurs la décision «historique» de la justice de «l'envoyer pourrir à la prison d'El Harrach» pour «avoir osé attaquer l'armée». D'aucuns verront dans ces actions une «accointance» entre les «doubab», agents de la contre-révolution et le pouvoir et ses divers démembrements. Le constat s'est vérifié avec les arrestations de ces derniers mois : d'abord après l'arrestation de l'ancien commandant de la wilaya IV historique, Lakhdar Bouregaâ, objet d'une campagne de dénigrement honteuse sur les réseaux sociaux et sur les chaînes de télévision publiques et privées. Aux manettes : des facebookers encagoulés. Autre victime de ces attaques : le coordinateur de l'UDS, Karim Tabbou, arrêté après une campagne acharnée menée, là aussi, contre l'homme qualifié d'«ennemi de l'armée algérienne», de «zouave» et de «serviteur zélé de la France»… Dans tous ces exemples, les «doubab» ont utilisé tous les moyens (images, commentaires fielleux, caricatures…) pour porter atteinte à l'honneur de ces personnes qui n'ont pas caché leur adhésion aux revendications populaires. Le journaliste indépendant et spécialisé en défense et sécurité, Akram Kharief, estime qu'il n'y a pas de «relation directe» entre les forces de l'ordre et celle des «doubab». «Par contre, précise-t-il, ils savent qui sont les gens potentiellement ciblés. Ils font campagne pour leur arrestation afin de s'attribuer un pouvoir qu'ils n'ont pas du tout. Il y a plusieurs catégories de ‘‘doubab'' : les faux comptes et les robots qui sont dirigés par des sociétés spécialisées. Il y a le ‘‘doubab'' gonflé par les pages qui ont été récupérées par les autorités. Et il y a aussi des volontaires qui agissent par haine ou ignorance», précise l'animateur du site d'information menadefense.net. Agissant dans l'anonymat de ce qu'il est loisible d'appeler la fachosphère à la sauce locale, les mouches électroniques, traduction littérale de l'arabe «doubab», agissent en toute impunité malgré les multiples dérapages. Leurs cibles : les activistes et leaders du hirak et les millions de citoyens anonymes qui prennent part au mouvement populaire. Les trolls défendent les options du régime (élection) et l'homme fort du moment : Ahmed Gaïd Salah, qu'ils parent de toutes les vertus. L'opération qui consiste à investir les réseaux sociaux, principalement Facebook, a été lancée avant le 22 février. Avec parfois le consentement des autorités. «Les ‘‘doubab'' existent depuis bien avant le 22 février, avant même 2019. De nombreuses pages ont fleuri à partir de 2015, faisant l'apologie de l'armée et de son patron. Elles sont venues en réponse au succès des pages de Zitout et Amir DZ, pour contrebalancer leur propagande par de la propagande», précise Kharief. Mais les actions menées par les «doubab», soutenus par des membres des partis de l'Alliance, organisations de la société civile ou même journalistes parfois connus, n'ont pas réussi à porter atteinte à l'image du hirak. Car à l'armada de «doubab» parfois payés par des officines répond l'adhésion populaire aux mots d'ordre défendant les revendications constantes du mouvement populaire : changement du régime et départ de ses symboles et… ses «doubab». Pour de bon.