A Béjaïa, une trentaine de présidents d'APC, sur 52 édiles, n'encadreront pas les élections programmées pour le 12 décembre prochain. Leur décision est tranchée et ils l'ont signifiée à l'issue d'une réunion qui a regroupé, vendredi, une vingtaine d'élus locaux après la marche hebdomadaire. Leur réaction coïncide avec le courrier de la commission nationale des élections, que préside Mohamed Charfi, qui avait instruit, la veille, les secrétaires généraux des 1541 communes du pays de lui faire parvenir une liste de 10 électeurs par commune. La tâche est laborieuse dans une région acquise quasi totalement au rejet des élections. Elle est d'autant plus laborieuse que les maires tiennent un rôle important dans la préparation matérielle de toute élection, et notamment dans la supervision des listes électorales. La révision des listes électorales au niveau des 1541 communes du pays débute aujourd'hui. Elle s'annonce des plus ardues en Kabylie, d'où s'élèvent les voix des maires qui font leur «hirak». A Béjaïa, une trentaine de présidents d'APC, sur 52 édiles, n'encadreront pas l'élection programmée pour le 12 décembre prochain. Leur décision est tranchée et ils l'ont signifiée à l'issue d'une réunion qui a regroupé, vendredi, une vingtaine de maires après la marche hebdomadaire. En le proclamant, ils ne font que réaffirmer une position qu'ils ont rendue publique et assumée depuis l'annonce de la première élection présidentielle pour le 17 avril. Et ils l'ont maintenue concernant la deuxième tentative, vaine, des autorités de tenir la même élection le 4 juillet. Cette fois-ci encore, ils réitèrent leur «rejet de mettre en place les modalités techniques pour l'organisation de l'élection présidentielle du 12 décembre 2019 en Algérie». «Et de ce fait, (nous) déclarons officiellement notre refus catégorique à prendre part à cette mascarade électorale», ont écrit les vingt P/APC, premiers signataires d'une déclaration publique. Hormis Tamridjt, qui est située à l'est de la wilaya, les autres communes représentées se trouvent toutes du côté de la vallée de la Soummam (Fénaïa, Feraoun, Bouhamza, Amalou, B. Maouche, Awzelaguen, Mcisna, Chemini, Sidi Aïch, El Flaye, Akfadou, Tinebdar, Beni Djellil, Aït Rzine, Tazmalt, Smaoun, Chellata, Seddouk et Beni Melikeche). L'un d'eux, à savoir le maire de Seddouk, Djamel Tigrine, a un fils qui a été arrêté en marge de la marche du vendredi 13 septembre à Alger. Déterminé et engagé dans le mouvement populaire, ce groupe de maires déclare, sans ambages, que son «niet est indiscutable». Le rejet des élections est un mot d'ordre qui retentit chaque vendredi et mardi dans la rue par des centaines de milliers de manifestants dans la wilaya et ailleurs dans le pays. Les maires disent placer «la volonté populaire au-dessus de toute considération», rappelant que «la seule voix légitime est celle du peuple». Leur réaction coïncide avec le courrier de la commission nationale des élections que préside Mohamed Charfi, qui a instruit, la veille, les secrétaires généraux des 1541 communes du pays pour qu'ils lui fassent parvenir une liste de 10 électeurs par commune. La commission nationale attend de pouvoir prendre trois noms de cette liste pour qu'ils siègent dans la commission communale de la révision des listes électorales. Il est demandé aussi aux secrétaires généraux de proposer le nom d'un «fonctionnaire communal jouissant de l'expérience, la compétence, d'une bonne réputation et de la neutralité (…) pour le charger de la gestion du secrétariat permanent de la commission communale de la révision des listes électorales». La correspondance n°10/2019 de la commission de Charfi est frappée du caractère d'urgence, puisque l'on a donné aux secrétaires généraux le délai de 24 heures pour faire parvenir les noms demandés. La tâche est laborieuse dans une région acquise quasi totalement au rejet des élections. Elle est d'autant plus laborieuse que les maires tiennent un rôle important dans la préparation matérielle de toute élection, et notamment dans la supervision des listes électorales. Mais selon notre source, certaines rares communes se seraient exécutées, bien que difficilement. Dans ce climat de mobilisation antisystème, les secrétaires généraux sont pris entre deux feux, de la rue et de leur hiérarchie. Ils subissent présentement la même pression que celle qu'ils ont vécue la veille des précédentes échéances électorales annulées. «Nous nous élevons également contre les multiples viles pressions exercées par le pouvoir illégitime en place sur les secrétaires généraux des communes afin de les obliger à s'impliquer dans ce processus électoral avorté et leur rappelons que les maires sont, au vu de la loi, les seuls représentants de l'Etat au niveau de nos territoires respectifs», écrivent les vingt édiles communaux. «Aucune autorité ne peut se substituer aux élus du peuple et attestons que nous ferons tout pour empêcher le déroulement de ces élections qui ne sont en réalité qu'une émanation du pouvoir, et qui s'inscrivent dans une logique d'alternance clanique à l'intérieur de la diaspora de la honte et usurpatrice de la volonté de tout un peuple», ajoutent-ils. Jusqu'à hier, ils sont une dizaine d'autres P/APC à avoir rejoint le groupe des 20 qui comprend une majorité d'élus RCD, et quelques maires FFS et des indépendants. La semaine dernière, le président de l'APC de Beni Maouche, Mokrane Labdouci, a exprimé publiquement son refus de prendre part à la préparation du scrutin, écrivant sur son compte Facebook qu'il accepte de prendre le risque d'être emprisonné que d'organiser «des élections contre la volonté de mes concitoyens». Certains P/APC refusent de libérer ces listes qu'ils gardent dans leurs bureaux. En avril dernier, ils ont carrément refusé d'ouvrir les guichets pour la révision des listes électorales. Ils répondaient ainsi à la correspondance qui avait émané du ministère de l'Intérieur. En avril, la protestation avait mobilisé pas moins de 43 édiles de la wilaya qui ont même crié «Ulac l'vot !» (Pas d'élection) à l'intérieur même du siège de la wilaya. Cette fois aussi, les P/APC protestataires se concerteront autour de la nécessité de réinvestir la rue, nous apprend Madjid Ouddak, maire de Chemini. «Je lance un appel à tous les maires de la wilaya pour nous rejoindre et de mettre les considérations politiques et partisanes de côté. C'est l'appel du peuple et le peuple est dans la rue», dit-il à l'adresse de ses collègues dans la wilaya dont certains gardent leur affiliation aux partis du pouvoir.