Le procès de Saïd Bouteflika, des généraux Toufik et Tartag et de Louisa Hanoune s'ouvre aujourd'hui au tribunal militaire de Blida. En détention depuis plus de quatre mois, Saïd Bouteflika, frère du Président déchu, le général de corps d'armée à la retraite, Mohamed Mediene, ancien chef du DRS (Département de renseignement et de sécurité), le général-major à la retraite Bachir Tartag, ex-coordinateur des services secrets et Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, comparaîtront aujourd'hui devant le tribunal militaire de Blida pour «complot contre l'autorité de l'Etat et de l'armée». Après quatre mois d'enquête, le juge d'instruction est arrivé aux mêmes conclusions du parquet et de l'ordonnateur de la plainte, en l'occurrence le chef d'état-major de l'Anp et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah. Pour le juge d'instruction, les accusés ont pris part, entre les 27 et 31 mars, à des réunions secrètes pour comploter contre «l'autorité de l'Etat et de l'armée». Une conclusion qui intervient après une série d'auditions des accusés et des témoins, suivies de confrontations. Si pour certains avocats, le juge a instruit le dossier «à charge et à décharge», pour d'autres «il a laissé des zones d'ombre en refusant de convoquer certains témoins considérés comme importants pour l'éclatement de la vérité». En tout cas, une bonne partie du collectif de défense reconnaît que l'instruction «a laissé de nombreuses zones d'ombre» et espéré que celles-ci «soient éclairées lors du procès». «Peu probable», diront les plus avertis. Il est certain que le procès connaîtra le même cheminement que l'instruction en raison des nombreuses interrogations qu'elle suscite. D'abord sur le refus du juge d'entendre, en tant que témoin, l'ex-président Liamine Zeroual, qui avait parlé publiquement d'une rencontre avec le général Toufik, qui lui aurait proposé de diriger la période de transition qui devait être instaurée dès la démission du Président. Un refus que la chambre d'accusation a validé en rejetant l'appel introduit par les avocats de l'ancien patron des services secrets. Il faut dire que la déclaration de Liamine Zeroual en a surpris plus d'un et, à ce jour, aucune explication n'a été donnée sur les circonstances de son déplacement, le 30 mars, de Batna à Alger, juste pour dire non à l'offre du général Toufik qui l'avait contacté la veille. Avait-il était informé de la feuille de route de Saïd Bouteflika et du général Toufik ou n'a-t-il été avisé qu'une fois arrivé à Alger ? Cette question est restée sans réponse puisque le juge n'a pas estimé nécessaire de convoquer l'ancien chef de l'Etat pour l'entendre et le confronter aussi bien avec Saïd Bouteflika qu'avec le général Toufik qui, faut-il le préciser, risque d'être absent au procès à cause de la dégradation de son état santé. Le collectif de sa défense compte d'ailleurs réclamer le report de l'audience jusqu'à ce qu'il soit en mesure de répondre aux questions du tribunal. Autre point d'interrogation, celui lié au caractère «secret» des réunions auxquelles auraient pris part les accusés, alors qu'elles se sont déroulées dans la villa Dar El Afia, à Alger, appartenant à la Direction de la sécurité intérieure (DSI). Un service que coordonnait le général-major à la retraite et conseiller à la sécurité du Président, Bachir Tartag, lequel, à la demande de Saïd Bouteflika, a préparé les lieux avant les réunions. Il faut dire que cette villa est truffée d'équipements d'écoute et de télésurveillance, avec des militaires qui veillent à sa sécurité tout au long de l'année. Peut-elle être utilisée pour tenir une réunion secrète ? Vis-à-vis de qui ces réunions étaient-elles secrètes ? Est-ce du président Bouteflika, encore en exercice, ou du chef d'état-major de l'ANP qui, au moment des faits, n'avait pas le contrôle des services secrets, puisqu'ils dépendaient directement de la Présidence ? La question reste posée et le juge n'a pas estimé utile de savoir si Saïd Bouteflika a agi seul ou au contraire, toutes les réunions et les feuilles de route élaborées pour aller vers une période de transition et donc vers une prolongation de mandat – qui ne dit pas son nom – ont été préparées avec le consentement du chef de l'Etat encore en exercice. La réponse à une telle interrogation ne peut être donnée que par le Président déchu en personne et sa convocation en tant que témoin rendra la vérité plus visible. En effet, si Saïd Bouteflika a agi sans le consentement de son frère, cela veut dire qu'il a usurpé la fonction de ce dernier et toutes ses prérogatives. Il ne serait donc pas poursuivi uniquement pour complot, mais pour des faits encore plus graves. Mais si son frère est partie prenante dans ces réunions et ces feuilles de route, il aurait dû être aujourd'hui dans le box des accusés. Ce ne sont là que des questionnements qui restent sans réponses, malgré une instruction de plus de quatre mois, au cours de laquelle trois autres accusés se trouvant à l'étranger – à savoir l'ancien ministre de la Défense, le général-major à la retraite Khaled Nezzar, son fils Lotfi (patron de la société LSC télécommunication) et Farid Belhamdine (président de la Société algérienne de pharmacie) -– ont été inculpés et ont fait l'objet d'un mandat d'arrêt international pour les mêmes chefs d'accusation. Il serait utopique de croire que les débats, lors du procès d'aujourd'hui, pourraient faire éclater la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Certains avocats évoquent déjà un probable report de l'audience en raison de l'état de santé du général Toufik et parlent d'une menace de retrait au cas où les conditions d'un procès équitable ne sont pas réunies.