Le 33e vendredi de la mobilisation citoyenne a drainé, hier, des milliers d'Oranais dans les rues, qui ont signifié aux hautes sphères du pouvoir, notamment le chef d'état- major Gaïd Salah, par le truchement de slogans virulents, tout le mal qu'ils pensaient de cette élection présidentielle qu'ils qualifient de «carnavalesque». Joignant leurs poignets en les brandissant bien haut, les manifestants ont crié, tout le long de la rue Larbi Ben M'hidi : «Diroulna les menottes, makach el vote !» (Mettez-nous les menottes, il n'y aura pas de vote). Un peu avant, au boulevard Emir Abdelkader, une halte a été observée devant le siège du FLN, où les manifestants ont scandé : «Klitou lebled ya serakine !» (Vous avez ruiné le pays, bande de voleurs !) Si les manifestants rejettent l'échéance du 12 décembre, ils précisent néanmoins qu'ils ne sont pas rétifs au principe de la tenue d'une élection présidentielle, loin s'en faut. En témoigne un slogan scandé à plusieurs reprises dans lequel ils expliquent que c'est la façon dont ces élections sont organisées qui pose problème : «Wallah man voti bhad ettarika, jibou BRI, jibou sahika !» (Je jure que je ne voterai pas dans ces conditions, apportez les BRI apportez sahika). Un autre refrain avait également fait sensation hier : «Hé ho Blad bladna w'ndirou rayna, w makach el vote !» (Ce pays est le nôtre dans lequel on fait ce qu'il nous plaît, et il n'y aura pas de vote). Sur les pancartes, nous pouvions lire : «Libérez les détenus d'opinion», «Halte à la dictature», «Ni marche arrière ni abdication jusqu'à ce que dégage ce pouvoir». L'air ironique, une des manifestantes avait mis sur sa pancarte : «Vous êtes les rois de l'importation, avec l'argent qui reste, importez un autre peuple pour les élections», alors qu'une autre avait expliqué, sur son écriteau, que les candidats actuels que sont Benflis, Tebboune, Belkhadem et Mihoubi, ne sont là que pour concrétiser un 5e mandat sans Bouteflika. «Quel que soit le vainqueur, ça sera toujours le recyclage du même système», argue-t-elle. Un jeune hirakiste portait, pour sa part, un panneau de signalisation où il était écrit : «Interdit de faire demi-tour : la liberté tout droit !» Un peu plus loin, sous le pont de la wilaya, – rebaptisé pour l'occasion «le pont de la révolution» –, nous tombons sur une manifestante qui tenait à commémorer les événements d'Octobre 1988 qui avaient alors ébranlé l'Algérie. «Octobre 1988 : les jeunes meurent pour les libertés ; octobre 2019, les jeunes leur jurent fidélité.»