Il est clair que même s'ils arrivent à récolter les 50 000 signatures nécessaires, les candidats annoncés pour l'élection présidentielle auront du mal à mener leurs campagnes respectives dans des conditions normales. L'élection du 12 décembre prochain sera ainsi très particulière. Deux semaines nous séparent de la fin du délai de dépôt de candidature pour la présidentielle du 12 décembre prochain. Si dans les marches du mardi et du vendredi, les manifestants rejettent toujours cette élection, le siège de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), que préside Mohamed Charfi, ne désemplit pas, puisqu'elle a enregistré, jusqu'à avant-hier, pas moins de 134 intentions de candidature. Et bien évidemment, hormis celles de cinq chefs de parti et d'anciens ministres, ce rendez-vous a été, cette fois-ci encore, marqué par la présence de personnages farfelus sur lesquels se ruent les chaînes de télévision pour beaucoup plus capter des déclarations ubuesques. Des extraits de vidéos sont largement partagés sur les réseaux sociaux qui n'aident pas à crédibiliser une élection déjà contestée par une partie de la population. Pourtant, après l'«expérience» du rendez-vous raté du 18 avril, où ces «candidatures» étaient apparues pour la première fois, le «législateur» a tenté d'y remédier en ajoutant, dans l'amendement de la loi organique relative au régime électoral, parmi les conditions d'éligibilité pour le poste de président de la République, la nécessité de posséder un diplôme universitaire. En vain. Mais au-delà de ces intentions de candidature globalement éphémères et sans aucun lendemain, c'est le déroulement de l'opération elle-même qui soulève toujours des questionnements relatifs à la transparence du scrutin. Si l'ANIE a été mise sur pied pour offrir des garanties aux Algériens quant à la transparence d'une présidentielle, étant censée superviser l'élection de bout en bout, le fait que, par exemple, la révision des listes électorales (du 22 septembre au 6 octobre) s'est déroulée, alors que les délégations communales n'ont pas encore été installées, pose un sérieux problème. Parce que cela veut tout simplement dire que c'est l'administration, celle-là même qui est mise à l'index pour ce qui est des fraudes électorales passées qui s'est chargée de cette opération. Les installations des délégations de wilaya n'ont commencé qu'aux derniers jours de la révision. Celles des communes devront suivre. Avant-hier, dans un communiqué de la présidence de la République, il a été signalé que le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, «a instruit le gouvernement d'accélérer le parachèvement du transfert des prérogatives de l'organisation et de la surveillance du scrutin à l'ANIE, conformément aux deux textes de loi adoptés lors du dernier Conseil des ministres, tenu le 9 septembre 2019». Ce qui confirme donc que cela ne s'est pas fait (totalement) jusque-là. Or, l'Autorité indépendante a la charge, d'après l'article 7 de sa loi organique, «de préparer les élections, les organiser, les gérer et les superviser, et ce, dès le début de l'opération d'inscription sur les listes électorales et leurs révisions, ainsi que les opérations de préparation de l'opération électorale, des opérations de vote, de dépouillement et se prononce sur le contentieux électoral, conformément à la législation en vigueur, jusqu'à l'annonce des résultats provisoires». Ceci, alors qu'il y a une véritable problématique par rapport au fichier électoral. Ajoutons à cela le fait que la révision ne s'est pas déroulée dans 5% des communes. Mais ce qui pose plus problème, c'est l'atmosphère dans laquelle va se dérouler cette élection. A cet effet, à deux mois de l'élection présidentielle, énormément d'Algériens investissent toujours la rue pour rejeter cette élection. La classe politique de l'opposition, quant à elle, les partis regroupés au sein de l'Alternative démocratique, tout comme les principales formations du courant islamiste ont décidé de ne pas prendre part à ce rendez-vous. Si les premiers cités ont dès le départ pris fait et cause pour l'option d'un processus constituant, les autres estiment justement que le climat ne s'y prête pas pour l'organisation d'une présidentielle, notamment avec la multiplication des arrestations des activistes, militants et manifestants du hirak populaire. Un climat tendu qui s'est accentué, mardi dernier, avec la répression de la 33e marche des étudiants. En somme, il est clair que même s'ils arriveront à récolter les 50 000 signatures nécessaires, les candidats annoncés pour cette élection, notamment Ali Benflis, Abdelmadjid Tebboune, Azzedine Mihoubi, Abdelaziz Belaïd ou encore Abdelkader Bengrina, auront du mal à mener leurs campagnes respectives dans des conditions normales. L'élection du 12 décembre prochain sera ainsi très particulière.