Les hautes autorités du pays, le commandement militaire s'entend, avaient compris, dès le début de la décennie sanglante, qu'il n'y avait pas de solution purement militaire au problème du terrorisme, d'où la nécessité de tenter d'autres issues. Quitte à faire des concessions aux groupes armés et, par conséquent, à faire taire la justice. L'urgence était d'éviter le pire à défaut de rétablir la paix dans l'immédiat. Au niveau sémantique, on avait inventé toutes sortes de concepts : clémence, pardon, réconciliation, amnistie, grâce, concorde... avant de se fixer dans une première démarche. Ce fut la loi sur la rahma (clémence). En effet, l'ancien Président, Liamine Zeroual, avait, dès son élection à la présidence de la République en novembre 1995, ouvert la voie du repentir aux terroristes avec la loi sur la rahma. Zeroual avait également élargi certains dirigeants du parti dissous incarcérés à la prison militaire de Blida à l'exception, bien entendu, de Abassi Madani et de Ali Benhadj. Néanmoins, l'ancien chef de l'Etat a été intransigeant quant au cas des terroristes qui ont les mains tachées de sang. Le sort de ces derniers, selon l'ancien Président, devait être scellé par la justice. De nombreux terroristes ont, toutefois, saisi cette aubaine pour déposer les armes et se livrer armes et bagages aux autorités bien qu'aucun chiffre officiel n'ait été communiqué par les pouvoirs publics. En arrivant à la présidence de la République, en 1999, Bouteflika avait déjà trouvé le terrain balisé par son prédécesseur, le président Zeroual. Trois mois seulement après l'investiture de Bouteflika, soit en juillet 1999, le Parlement avait adopté la loi sur la concorde civile. D'aucuns estimaient que celle-ci était l'aboutissement d'un accord confidentiel signé auparavant (en 1997) entre les services secrets et l'Armée islamique du salut (AIS). En tout état de cause, cette mesure, faut-il le souligner, était, dans une large mesure, une version remaniée de la loi dite de la rahma promulguée sous la présidence de Liamine Zeroual. Déterminé à poursuivre sa « feuille de route », le président Bouteflika a franchi une autre étape dans ce qu'il voit comme un « processus de paix » avec le décret présidentiel portant « grâce amnistiante » du 10 janvier 2000 édicté dans le cadre d'une vision globale : la réconciliation nationale. Avec sa réélection pour un second mandat, le 8 avril 2004, Bouteflika a formulé le souhait de parachever un processus politique entamé depuis la mise en vigueur de la loi sur la rahma. Présentée comme l'étape suprême de la réconciliation nationale, l'amnistie générale, un projet cher au chef de l'Etat, vise, selon initiateur, à rétablir définitivement la paix. Selon diverses sources, l'élaboration des premières esquisses de ce projet a été d'ores et déjà entamée sous la houlette du Président. Au-delà des voies et moyens qui permettront au chef de l'Etat d'aboutir à une amnistie générale, ce sont plutôt les limites juridiques de cette mesure qui constituent matière à spéculer. Selon Me Miloud Brahimi « la grâce, qui est du ressort exclusif du Président, n'efface ni l'infraction ni la condamnation. 0Elle dispense le condamné de l'exécution totale ou partielle de la peine prononcée à son encontre. Contrairement à la grâce, l'amnistie, qui ne peut être décrétée que par une loi, efface totalement l'infraction ». Pourvu qu'une telle mesure ne donne pas lieu à de nouvelles complications et qu'elle ne se fasse pas au détriment de la mémoire des victimes.