La période de grâce concernant le dépôt d'armes des groupes armés pourrait être prolongée. Avec un peu moins de 200 terroristes qui ont rejoint la société, quelque 40.000 dossiers reçus par la Commission nationale et presque toutes les voies de recours exploitées, la réconciliation nationale entre dans sa phase finale. Les deux mois à venir seront rentabilisés pour assécher les maquis et tenter encore de convaincre les derniers irréductibles du Gspc, du Gia et des autres groupes armés, pour faire revenir en Algérie des leaders islamistes qui ont été partie prenante du projet du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, comme Rabah Kébir, Abdelkrim Ould Adda, Abdelkrim Ghemati et Larbi Noui, ou pour assainir les dossiers des repentis au niveau de la justice. Ce qui prélude d'une nouvelle reconfiguration sécuritaire à partir du début du mois de septembre, avec toutes les implications imaginables. Le délai de grâce, accordé aux différents groupes armés, tire à sa fin, mais peut être reconduit pour une autre durée limitée si les autorités jugent que certaines voies de recours pourraient être exploitées pour inciter les terroristes à quitter les maquis. C'est dire que le bilan de six mois de réconciliation nationale, même si les autorités en font un éloge prononcés, reste en deçà des attentes suscitées et se dessine en clair-obscur. Il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, affirmait que quelque 40.000 dossiers ont été reçus par la Commission nationale chargée de la mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, alors que le 28 juin, il soulignait, à Cherchell, lors du passage du président de la République aux cérémonies annuelles des sorties des promotions, à l'Académie militaire inter-armes, que les mesures proposées, lors de la dernière rencontre gouvernement-walis, seront mises en application «à partir de la fin de l´été ou au plus tard en décembre 2006», lesquelles comportent aussi des volets relatifs à la prise en charge des victimes de la tragédie nationale. Le forcing des groupes terroristes Paradoxalement, c'est dans cette même wilaya de Tipaza que le démenti le plus radical est venu contredire l'optimisme ambiant: six personnes, dont quatre gardes communaux, sont tuées lundi soir lors d´un accrochage avec un groupe armé près de Larhat, à l'ouest de Cherchell. En fait, un des principaux objectifs de la réconciliation nationale est de mettre fin au cycle de la violence engagé depuis une quinzaine d'années, et l'offre de paix proposée par le président de la République lorgnait aussi -et surtout- du côté des maquis. Cependant, depuis le mois de mai, on assiste à une dangereuse escalade de la violence armée. Au moins, 52 personnes ont été tuées dans ces violences durant le mois de mai, selon un décompte non officiel, et plus de soixante personnes ont été tuées au mois d'avril. Cependant, c'est le mois de juin, avec 27 militaires et civils assassinés uniquement entre le 14 et le 22 juin, qui aura connu le plus de violences liées au terrorisme des groupes armés. Car, si dans le cas des deux précédents mois, les chiffres prennent en ligne de compte les morts comptabilisés dans le camp des islamistes armés et des militaires, policiers et citoyens, les vingt-sept morts du mois de juin sont en totalité des citoyens et membres des services de sécurité. C'est-à-dire qu'un forcing a été bel et bien opéré par les divers groupes armés qui ont perpétré les attaques à moins de deux mois de l'expiration du délai accordé aux maquis pour faire amende honorable et déposer les armes. D'où, parfois, les indécisions dans la démarche à adopter entre le désir politique de séduire et la volonté militaire de frapper. Mais on ne peut pas aller plus loin dans cette réconciliation, d'où la poursuite de la lutte antiterroriste, qui, cette fois-ci, sera menée à son terme, c'est-à-dire aux limites de ce qu'elle peut générer. Car il est prouvé depuis 1992 que l'option militaire ne résoudra pas, seule, la crise. Pour le moment, les attaques se situent hors des grandes villes, et surtout hors de la capitale, ce qui peut s'expliquer par le maillage quasi hermétique qui entoure les grands axes urbains. Cependant, le double attentat perpétré à Boumerdès démontre à quel point il faut encore rester vigilant et ne pas croire facilement, et naïvement, que la paix est restaurée de manière définitive. Les questions posées Que cherche le Gspc en refusant l'offre de paix? Quel message fait-il passer, alors qu'on pensait qu'il était au bord de l'éclatement? Qu'est-ce qui a réveillé le GIA dans le massif blidéen, et que tous disaient fini? Autant de questions qui se posent à longueur de lignes...Les prochaines rentrées annoncées d'hommes politiques du parti dissous, tels Rabah Kebir, Abdelkrim Ghemati et Abdelkrim Ould Adda, peuvent-elles être de quelque influence auprès des jeunes éléments armés qui semblent continuer à se battre avec désespoir, et sans perspectives politiques claires? Des chefs charismatiques de la jeunesse islamiste radicale tels Ali Benhadj et Abdelhaq Layada peuvent-ils jouer un rôle auprès des jeunes desperados? A-t-on épuisé toutes les voies de recours pour convaincre les derniers irréductibles des groupes armés à déposer les armes? De toute évidence, les dédommagements vont commencer à être versés aux victimes de la tragédie nationale à partir du mois de septembre, selon une source proche de la Commission nationale de suivi, et là, il y a à s'attendre à plus de lisibilité concernant le bilan de la réconciliation, six mois après sa mise en route, et un an après son lancement par le président de République. Les 40.000 familles concernées seront payées par mensualité ou par une seule traite, familles des disparus y compris. Celles-ci avaient longtemps refusé toute concession, exigeant d'abord que soit fait le devoir de justice et de vérité, avant de parler argent. Mais chemin faisant, il semble bien que peu de chose sera encore tenté sur ce plan-là. Récemment, Farouk Ksentini, président de la Commission nationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme, invité de la Chaîne III, a relevé que, parmi les 6146 cas de disparus recensés à son niveau, 180 d'entre eux ont «réapparu», après avoir été considérés comme morts. Certains étaient à l'étranger et vivaient «au noir» dans des terres d'accueil où ils vivaient sans nom, donc sans visage (Mali, Niger, Tanzanie, etc.). D'autres, grâce aux témoignages précieux des repentis, sont définitivement portés sur la liste des morts: les repentis ont donné, devant les tribunaux, les noms de leurs compagnons morts, tués dans des accrochages avec les forces de sécurité ou morts malades dans les maquis, soulageant définitivement le coeur de leurs familles.