L'espace Kheïma, de l'hôtel Phénix d'Oran, accueille une exposition picturale collective. Pour venir à bout des cent-vingt artistes peintres participant à la 3e édition du Salon des artistes de l'Oranie, devenu depuis cette année le Salon national Eden des artistes peintres, qui se tient jusqu'au 12 juin à l'espace Kheïma de l'hôtel Phénix, il faut, au risque de se perdre, passer par un véritable labyrinthe. Ceci est d'autant plus vrai que nombre de participants proposent des travaux élaborés dans plusieurs registres. En plus des différences d'âge, de 19 à 80 ans, indicateur de l'expérience mais pas forcément de l'originalité, la manifestation offre à voir au visiteur tout un éventail de styles et techniques alliant, dans la forme, les supports divers : toile, papier, verre, etc, avec parfois des techniques mixtes et des contours osés, le triangle, à titre indicatif, une façon de voir l'espace pictural déjà tentée mais rare dans l'histoire de l'art algérien. Le contenu est tout aussi varié et, en privilégiant le nombre (qui a ses inconvénients), l'avantage est ici d'offrir à l'œil amateur une idée très proche des tendances constitutives de la peinture algérienne contemporaine. Ce ne sont pas tous les grands noms de la peinture ou les plus en vue qui participent à cette édition, mais l'échantillon est assez représentatif, surtout que nombre d'artistes en herbe exposent pour la première fois avec des travaux inédits. L'initiative des propriétaires de la chaîne hôtelière Eden est culturelle et dédiée à l'art mais sa visée est touristique, un aspect défendu par les organisateurs dès la première édition où le concept de « tourisme culturel » a été mis en avant, en adéquation avec la nouvelle politique gouvernementale qui associe également l'artisanat comme un facteur incontournable. D'ailleurs la précédente édition a tout aussi bien concerné des artisans. Cette fois ce n'est pas le cas et à la place, on a droit à plus d'œuvres picturales dont, quoique rares, des sculptures exposées en appui à certains travaux. Justement, vus sous cet angle, certains parmi ces derniers sont typés, c'est-à-dire qu'ils donnent à voir des « images » évoquant de manière explicite l'Algérie ou par extension le Maghreb. C'est le cas évident des paysages urbains ou pas qui représentent des localités diverses. Il y a aussi des travaux purement décoratifs comme les femmes voilées (voile traditionnel) exécutés dans une technique mixte qui marie la peinture au tissu réel avec lequel est fabriqué le « haïk », presque abandonné aujourd'hui mais qui a été pendant longtemps un élément très caractéristique des habitudes vestimentaires de la femme algérienne. Plus subtiles sont, toujours dans le domaine décoratif, les œuvres qui s'inspirent du signe maghrébin transposé sur les toiles et qu'on retrouve habituellement dans les décorations des produits de l'artisanat. Des éléments qui meublent notre environnement mais qui ont tendance à disparaître par les effets de l'habitude. Ici, ils sont mis en valeur et remis au goût du jour. Une volonté de restaurer ce que le temps nous force à oublier semble être le souci des artistes qui se sont lancés dans cette voie. La subtilité est poussée à son paroxysme par les peintres qui, même sur le registre de l'abstrait, veulent se placer dans l'histoire de la peinture algérienne. Comme on ne crée pas à partir du néant, plusieurs toiles évoquent ou convoquent des influences d'œuvres plus anciennes. Ceci dit, la recherche de l'originalité n'est pas absente dans cette immense exposition qui laisse également la place au classique (natures mortes, portraits, etc.) et aux influences multiples des écoles qui se sont constituées à l'échelle internationale. On notera cependant un certain retour au paysage, banni pendant un certain temps. L'exposition reste à revisiter, à commencer par le grand hall de l'espace de la Kheïma où les organisateurs ont rassemblé les toiles (une par artiste) de tous les participants. Les autres salles, ainsi que les couloirs, abritent les différents stands avec des fiches techniques, seul moyen d'éviter de se perdre dans cet univers de couleurs, le labyrinthe d'Eden.