Ce sont finalement 51 artistes peintres qui prennent part, depuis jeudi dernier et jusqu'au 17 juin, au salon des artistes de l'Oranie organisé à la Khaima de l'hôtel Phénix, 1ère initiative du genre organisée par un privé, le groupe hôtelier Eden. Un véritable festival de couleur qui a permis aux débutants de côtoyer les plus aguerris, dont certains ont déjà acquis des lettres de noblesse à l'échelle nationale et même internationale. Cependant, à mettre sans doute sur le compte de l'inexpérience et de l'aspect inédit de ce genre de manifestation sponsorisée par des opérateurs économiques, si un commissaire de l'exposition a été désigné, il aurait certainement mieux aménagé et organisé l'espace en fonction des thématiques (car il y en a) qui se dégagent des nombreux travaux proposés, des styles où même des affinités. Dans plusieurs cas réunis ici, on découvre avec bonheur que l'art est une affaire de famille. Henni Fatma, née Djeffal Djelloul Sayah, est accompagnée par son époux Henni Houri, architecte de formation, qui est venu à la peinture tardivement mais qui se découvre un véritable don dans la composition et l'intégration, une technique contemporaine, du style graffiti, dans les toiles conventionnelles. « Même en occident, les techniques graffiti et les jets de peinture à la manière Jackson Pollock viennent juste d'être intégrées dans les travaux conventionnels sur toile », explique celui pour qui, interprétant une de ses toiles Afrique aux couleurs spécifiques, prétend qu'« il faut puiser dans les profondeurs des êtres et de l'histoire du continent pour atteindre sa vrai richesse ». La première, actuellement chargée de cours à l'université de Mostaganem, a poussé ses études jusqu'à l'institut Industriel Strogonov des beaux arts de Moscou. Décoratrice, ses travaux de peinture exposés ici se distinguent par une technique bien à elle de faire voiler ses personnages, telles des comètes, par des traînées d'ombres décomposées. Mais son tableau intitulé le « sixième doigt » évoque plutôt l'univers de Kandinsky et c'est comme si, dans ce magma de formes et de couleurs, on découvrait un 6ème continent qu'il faut explorer de fond en comble pour en reconstituer l'image. A l'autre bout de la Khayma, on découvre un autre couple : M. et Mme Kessar. Nourri des tonalités ocre et des architectures typiquement maghrébines, le mari qui privilégie la toile de jute, parle avec délicatesse de ces lieux de mémoire : Oran vu sur le port, la Casbah d'Alger, les ksours du Grand Sud, mais aussi Dellys. « J'ai gardé un beau souvenir de cette petite ville et celui qui n'a pas vu Dellys a perdu beaucoup de choses », confie-t-il. Plutôt classique, son épouse excelle dans la représentation des scènes où sont mis en avant les costumes algériens comme dans les spectacles de fantasia. A lui seul, cet aspect décoratif de la peinture algérienne est largement représenté dans cette exposition avec notamment Rachid Talbi, autodidacte. Chez les Selka père, fils et fille, l'art pictural est presque un facteur de cohésion tellement les thèmes sont empruntés de l'un à l'autre. C'est notamment le cas de la représentation des monuments chez le père et la fille Lamia mais aussi l'usage de la tonalité bleue pour suggérer des scènes nocturnes, un trait commun entre le géniteur Abdellouahab et son fils Karim. Sur un autre registre, 3 représentants à l'exposition du groupe Tadyert, créé en 2003 par 6 artistes fondateurs, auraient dû être rassemblés. Le groupe qui ambitionne de représenter tout un courant de peinture se dit héritier du célèbre groupe Aouchem mais avec un nouveau regard et une nouvelle représentation du signe qui caractérise la vie artistique et artisanale du Maghreb. Tadyert, du moins ceux qui le représentent à l'exposition, Ouslimani, Cherif Belzina ou Taïbi, sans doute aussi pour un désir de s'affirmer, se distinguent par la vivacité des couleurs et une recherche particulièrement poussée du signe proprement dit. « Chacun exprime les choses à sa manière, seulement, comme l'ont fait nos prédécesseurs d'ailleurs, nous ne nous contentons pas de reproduire les signes qui meublent notre vie quotidienne mais nous nous efforçons de leur donner plus de volume pour les rendre vivants », explique-t-on à ce sujet. Le groupe, pour mieux asseoir son ambition, s'est même doté d'un manifeste, une expérience à encourager car elle débouche sur des débats d'idées qui ne peuvent que renforcer l'esprit de recherche. La jeune génération a beaucoup de choses à dire, à l'instar de Lakhdari Malika et ses recherches dans l'« orientalisme contemporain » où ses tentatives de composition polychromes. Certains peintres révélés au début des années 90 de par leur volonté de transgresser des formes bien ancrées dans la tradition ont fini par faire des émules. De Ain Témouchent, Hadj Djaâfar, qui a exposé des miniatures non conventionnelles, a été l'élève de Hachemi Ameur, le premier à avoir « osé » requalifier la vision qu'on peut avoir du style miniature. La forme triangulaire de la toile « inventée » par Zoheir Boukerche est également représentée dans ce salon. Parmi les peintres de l'ancienne génération qui ne sont plus à présenter, Zodmi Abdelaziz au long parcours a exposé une nouvelle collection de sa création où l'on peut déceler des compositions à la manière de l'autrichien Klimt. Hormis Saad et son style très particulier de représenter des personnages comme sculptés dans la tôle, empêchant toute identification, découvert dès ses études en Belgique, Leila Ferhat pousse encore plus loin sa période mystique et se dit « ravie de participer à ce salon qui permet à la jeune génération de côtoyer les aînés et vice et versa. » Fidèle à lui-même, Affif Cherfaoui reste méticuleux dans son style où les petits détails s'assemblent pour donner une « haute définition » à ses paysages, tandis que Mme Kouskoussa n'en finit pas de recréer son monde intérieur par des éclats d'ombres et de lumières.