C'est la fin de l'ère analogique en Europe. Après décembre 2011, la France va entièrement basculer dans le numérique. L'Allemagne n'a plus d'émetteurs analogiques réputés peu opérationnels dans la transmission des données. La Suisse, la Norvège, les Pays-Bas et la Finlande en ont fait autant. L'Europe a suivi un mouvement qui a débuté au Japon. En mars 2005, la France a lancé la Télévision numérique terrestre (TNT) ou la diffusion hertizienne de signaux. Hier, à l'hôtel El Djazaïr, à Alger, la mission économique Ubifrance de la représentation diplomatique française à Alger a organisé une rencontre sur le savoir-faire en matière de TNT. Les responsables d'une douzaine d'entreprises françaises ont assisté à ce débat, à l'image de TDF, Viaccess, Metronic et Thomson Grass Valley. « C'est une rencontre entre professionnels. On est dans ce monde de la haute technologie et de la post-modernité. Il y a des évolutions qui touchent le parc technologique des télévisions des deux côtés de la Méditerranée. Il faut se décider sur les équipements qui seront utilisés dans les vingt prochaines années », nous a expliqué Vincent Garrigues, attaché culturel et audiovisuel à l'ambassade de France à Alger. Selon lui, la télévision pose aujourd'hui des questions politiques liées à la souveraineté des Etats et aux influences culturelles sur les populations. « La TNT permet une multiplication de canaux et permet d'éviter d'être entièrement sous la coupe des satellites. Ces derniers brûlent les frontières. Ils sont les “harraga” de la télévision. La TNT permet de reprendre une forme de contrôle sur les messages diffusés par la télévision », a-t-il relevé. Ghislain Achard, membre du groupe stratégique pour le numérique et ancien directeur général du groupe France télévisions, est revenu sur l'évolution de la TNT dans son pays. Il a expliqué les différentes adaptations techniques, la création de multiplex et les aides accordées par l'Etat pour permettre à chaque foyer de recevoir la télévision. « La TNT gratuite est un succès aujourd'hui », a-t-il insisté. La France utilise les deux technologies MPEG 2 et MPEG 4. Grâce à cette dernière technique, il est possible de regarder la télévision en HD (haute définition) à travers les antennes classiques. « Tous les pays vont passer au numérique. L'Algérie va le faire aussi. La TNT permet une meilleure qualité d'image et plus de programmes. Il faut que la télévision publique s'y prépare. Beaucoup d'entreprises françaises sont compétentes dans ce domaine », nous a déclaré Ghislain Achard. Il a expliqué que chaque pays décide quelles chaînes mettre sur la TNT. En France, cette prérogative revient au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), organe de régulation, pour les chaînes privées. « La TNT est un moyen technique d'ouvrir. Avec la même fréquence, on peut diffuser plusieurs chaînes », a précisé Ghislain Achard. Thierry Di Bernardo, directeur d'activité à la Actia Sodielec, a estimé que le déploiement de la TNT en Algérie constitue un fort potentiel pour cette entreprise spécialisée en fourniture d'équipements de transmission, de réseaux et de stations terriennes. « Nous avons déjà participé à un projet lancé par Télédiffusion d'Algérie (TDA) en 2008, pour monter des programmes sur le satellite AB3. Nous avons décroché plusieurs appels d'offres sur les sites de diffusion. Nous allons répondre à d'autres avis d'appel d'offres », a-t-il indiqué. Opérationnel depuis 2002, Atlantic Bird 3 (AB 3) est un satellite de la constellation Eutelsat qui diffuse des programmes numériques et analogiques de radios et de télévisions. Depuis 2007, Canal Algérie, Algérie 3 et l'ENTV émettent en norme TNT vers le Maghreb à travers AB3. « AB3 permettra une couverture numérique de toute l'Algérie. Dans trois ans, des émetteurs vont également être installés dans tout le pays. Nous assurons la formation du personnel algérien », a souligné Thierry Di Bernardo. Selon lui, Actia Sodielec est fort concurrencée en Algérie par des entreprises japonaises, allemandes, américaines et autrichiennes. « A chaque appel d'offres, on est quinze à répondre », a-t-il appuyé. La rencontre d'hier fait donc partie d'une opération de charme à l'adresse des pouvoirs publics algériens. « Le déploiement du projet de Télévision numérique terrestre (TNT) à travers le pays est notre objectif premier », a déclaré, fin 2009, l'ex-secrétaire d'Etat en charge de la Communication, Azzeddine Mihoubi. Le pays a engagé depuis trois ans « une migration numérique » qui, théoriquement, permettra de lancer le premier bouquet sur la TNT. La crédibilité de cette démarche dépendra de la libération réelle des ondes et l'ouverture du champ audiovisuel à l'initiative algérienne privée.