L'état de la liberté d'expression dans les pays du Maghreb va de mal en pis. Face aux nombreuses entraves rencontrées par les professionnels des médias dans l'exercice de leurs fonctions, un collectif d'associations pour la défense des droits de l'homme organise, à compter d'aujourd'hui à Paris, un colloque ayant pour thème « La liberté d'information en péril dans les pays du Maghreb : pour un Maghreb des droits de l'homme ». Et dans la présentation du séminaire, le collectif dresse un sombre tableau des conditions de travail des médias. « Chaque année, les pays du Maghreb confirment leur triste gloire en se situant dans le bas du classement mondial de la liberté de la presse, publié par Reporters sans frontières », est-il déploré dans le document. Puis de détailler le contexte qui prévaut dans chacun des pays « frères », du moins dans le musellement des voix discordantes. « En Algérie, le secteur de l'information demeure encore largement contrôlé par l'Etat. La radio et la télévision sont toujours sous monopole étatique en dépit du code de l'information de 1990 qui prévoit leur libéralisation. L'utilisation abusive par le pouvoir de ces médias persiste, voire se renforce depuis le début des années 1990 sous prétexte de l'état d'urgence », dit le collectif. Quant à la presse écrite, ce n'est pas plus brillant, puisque « les moyens d'impression sont encore largement sous contrôle étatique et la publicité continue d'être un moyen de pression et de chantage sur la presse privée à travers l'ANEP. La pression sur les journalistes qui échappent au contrôle direct des clans du pouvoir est constante : tracasseries diverses, intimidations, emprisonnement », décrit l'association. Pour ce qui est du Maroc, « une série de procès intentés par le pouvoir contre des journalistes et des internautes a révélé que la liberté de la presse s'arrêtait aux portes du palais royal », est-il rapporté. Pourtant, la liberté d'expression est garantie par la Constitution « mais le gouvernement contrôle la presse à travers un système de subventions et le budget publicitaire ». De même, le ministère de l'Intérieur peut suspendre définitivement ou provisoirement toute publication jugée offensante pour le régime. Le code de la presse prévoit des sanctions financières et même de la prison pour les journalistes et éditeurs qui outrepassent les restrictions concernant la remise en cause de la monarchie, de la marocanité du Sahara et de l'Islam. Et le marasme est pratiquement le même en Tunisie où la presse étrangère est souvent interdite, la presse locale, dont une bonne partie est « contrôlée directement ou indirectement par le pouvoir, se caractérise par l'uniformité de ton et l'absence de toute critique de la politique du gouvernement ». Les journalistes qui s'aventurent à manifester leur esprit critique sont « l'objet de harcèlement, de pressions, d'agressions physiques, de procès et de condamnations. Internet est étroitement contrôlé et surveillé par une ‘'cyberpolice'' qui place la Tunisie parmi les pays les plus répressifs du net », rappelle le communiqué. Parmi les intervenants à ce colloque, on trouve des militants des droits de l'homme, des collectifs de soutien des disparus ainsi que de Human Right Watch et, évidemment, des représentants des médias maghrébins. Pour la partie algérienne, on notera la participation de Mahmoud Mamart, journaliste à El Watan.