Une bonne partie de la classe politique française a rendu un « vibrant » hommage au général Marcel Bigeard. Le président français a déclaré, à son propos, qu'« il restera un modèle pour la République ». Son conseiller spécial, Henri Guaino, a estimé que le général « a accompli la mission qu'on lui avait confiée. Je pense qu'il l'a fait là aussi avec beaucoup d'intelligence, beaucoup d'humanité » ! Si Marcel Bigeard est un héros pour la France officielle, il ne l'est sans doute pas pour les combattants de l'ALN. Bien au contraire. Pour des historiens et des militants du FLN, notamment ceux de la Zone autonome d'Alger, il n'est qu'un « tortionnaire dépourvu de toute humanité ». L'historien Mohamed El Korso a analysé l'hommage « glorificateur » fait au général Bigeard, en estimant qu'il s'agit là d'« un regard qui fuit la vérité et qui ne veut pas regarder l'histoire de la France coloniale telle qu'elle a été dans la réalité ». Par ailleurs, M. El Korso dit ne pas être choqué par l'hommage fait à celui qui fut « le tortionnaire » de la Bataille d'Alger. « Les responsables français ne pouvaient pas présenter Bigeard comme un criminel, car cela reviendrait à incriminer la France. Mais encore pour la France, Bigeard représente l'échec au Vietnam et en Algérie. » Commandant Azzedine : « Il a été au service d'une mauvaise cause » « Il est la mémoire qui torture l'Etat français », a ajouté Mohamed El Korso, enseignant à l'université d'Alger. « La France, qui n'a présenté qu'une seule facette du général Bigeard, montre à quel point l'Etat français fait dans la ruse avec son histoire », a indiqué, l'ancien président de la Fondation du 8 Mai 1945. L'ancien commandant de la Zone autonome d'Alger, le commandant Azzedine, ne s'offusque pas outre mesure. Pour lui, « l'histoire a tranché » au sujet de ce qu'avait été réellement le général Bigeard et de la question coloniale. « Comme combattant, il a été un grand chef de guerre, nous nous sommes croisés à plusieurs reprises durant la Bataille d'Alger. Il y a eu de nombreuses batailles, des victoires et des défaites », a raconté le commandant Azzedine, tout en précisant que Bigeard « était au service d'une mauvaise cause ». « Dans mon combat et celui de mes frères, on n'avait pas à torturer, contrairement aux militaires français. Sur le plan politique, l'histoire a tranché et de manière définitive », a-t-il précisé. Quant à la France officielle qui présente le général Bigeard comme un « grand pacificateur » de l'Algérie combattante, le commandant Azzedine, responsable de la Zone autonome d'Alger historique, a lié ceci aux valeurs des uns et des autres. « Les valeurs ne sont pas les mêmes, les Français ont leurs propres valeurs qui font qu'ils présentent Bigeard comme un héros, nous, nous avons les nôtres, celles de la lutte pour l'indépendance de notre pays. »