Plusieurs recommandations ont été adoptées, hier, à l'issue des travaux de la conférence nationale sur la réforme de la justice. Ces recommandations ont été le résultat de deux journées de débats au sein de six ateliers techniques composés, chacun, d'au moins une vingtaine de spécialistes de droit, de médecine, de criminologie, de sociologie, de communication et autres. L'atelier qui s'est penché sur les voies et moyens de lutte contre les nouvelles formes de criminalité a appelé à l'élargissement des prérogatives de la police judiciaire et du magistrat. Cela notamment pour la poursuite, la détection et la répression de la criminalité organisée. Il a également été question de l'efficacité des moyens de lutte contre toutes les nouvelles formes de criminalité. L'atelier relatif à la justice et à la mondialisation a recommandé la promulgation de nouveaux textes consacrés à la protection du droit d'auteur, à l'investissement et à l'activité commerciale, la poursuite de la formation spécialisée des magistrats, la révision des bases de la procédure pour les rendre plus accessibles dans le traitement des conflits liés à l'activité commerciale et enfin la consécration de l'indépendance du juge. L'atelier lié à la réforme de l'institution pénitentiaire a clôturé ses travaux avec des recommandations parmi lesquelles l'accélération de la promulgation des textes d'application relatifs à l'humanisation de la détention, la construction de prisons répondant aux normes internationales et le réaménagement des structures qui existent, l'amélioration des soins sanitaires, la prise en charge des détenus toxicomanes, le renforcement de l'enseignement des agents pénitentiaires et la révision de leur statut et de leur charte de déontologie. L'atelier chargé du rôle de la réforme de la justice a insisté sur la formation des magistrats, le développement de la coopération internationale et l'extension des capacités de l'Ecole supérieure de la magistrature. Dans la matinée, les travaux ont été ouverts par une longue allocution du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, à travers laquelle il a fait le « bilan de la réforme » depuis les recommandations de la Commission nationale de réforme de la justice (CNRJ), « axées essentiellement sur une meilleure prise en charge des droits de l'homme et le renforcement des garanties juridiques les concernant ». Pour lui, d'autres actions nécessitent des délais plus longs et une démarche graduelle, tout en citant les différentes révisions des textes ayant été entamées ces dernières années, notamment les codes pénal, de procédure pénale, civil, de procédure civile, de commerce et de la famille. Cette réforme, a-t-il ajouté, ne saurait être complète « sans le facteur ressources humaines » et, dans ce sens, il est attendu « l'augmentation de 50% de l'effectif actuel des magistrats ». PLUS DE MAGISTRATS Il a indiqué que les résultats des révisions « permettront d'identifier les jalons des actions futures, entrant dans le cadre de la réforme, et de tracer les perspectives et les visions stratégiques concernant l'évolution de son processus ». Après ce discours, les travaux se sont poursuivis avec plusieurs interventions. D'abord du bâtonnier national, Madjid Sillini, qui a exprimé son regret quant à la « non-désignation » d'avocats aux ateliers, « alors qu'ils étaient très nombreux au sein de la CNRJ ». RENFORCEMENT DU DROIT À LA DÉFENSE Le bâtonnier a fait état des « efforts » consentis par l'Etat « pour le renforcement du droit à la défense », mais a appelé le ministère de la Justice à prendre en charge la formation des avocats afin qu'elle soit en harmonie avec les changements liés à la mondialisation. « Comment voulez-vous qu'un avocat algérien puisse plaider devant le Tribunal pénal international s'il n'est pas outillé pour cela ? » Le bâtonnier a laissé place au président de la Chambre nationale des notaires qui a regretté une absence de formation pour cette catégorie d'auxiliaires de justice. Pour sa part, le président de l'Union internationale des huissiers de justice a, lors de son intervention, parlé de l'aspect économique de l'exécution des décisions de justice dans l'investissement. Pour lui « aucune incitation à l'investissement ou à la réduction d'impôt ne peut compenser l'insécurité juridique (...) Une étude réalisée à l'initiative de l'UE a démontré que le retard dans les paiements était un véritable fléau responsable de la perte de 30 000 emplois et générateur d'une faillite sur quatre. » Les débats suscités par ces interventions n'étaient pas très chauds dans la mesure où souvent les questions étaient hors sujet. Néanmoins, la surprise a été créée par un magistrat qui a eu du mal à prendre la parole et une fois qu'il a réussi, il a appelé ses confrères à profiter « de cette occasion » pour faire en sorte que les acquis ne « soient pas conjoncturels et qu'ils dépassent les hommes et les circonstances politiques ». Ce qui a provoqué la colère du président de séance. Mme Mériem Belmihoub-Zerdani a été presque empêchée de poser des questions juste parce que celles-ci concernaient l'égalité des chances de promotion entre les femmes magistrats et leurs collègues hommes. L'avocate a interrogé le représentant du ministère de la Justice sur le nombre des femmes qui ont bénéficié de formation à l'étranger et de promotion par rapport aux hommes. Question huée par l'assistance et qui n'a malheureusement pas eu de réponse. Reprenant la parole, Mme Zerdani a protesté contre cet état de fait expliquant que l'Algérie sera comptable devant le comité de l'ONU chargé de l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes des efforts faits en la matière. L'avocate a fini par quitter la salle en signe de protestation. Hier, elle a brillé par son absence.