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Un nouvel avenant à l'accord franco-algérien se dessine : Comment doit-on le négocier ?
Publié dans El Watan le 10 - 07 - 2010

L'Algérie et la France se préparent à mettre en place un quatrième avenant à l'Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui réglemente le séjour, l'emploi et la circulation des ressortissants algériens en France. Quels sont les points forts que le gouvernement algérien doit soulever et défendre dans l'intérêt de l'Algérie et ses citoyens ?
Les dernières rencontres entre les représentants politiques des deux pays laissent croire qu'un nouvel avenant franco-algérien se dessine d'ici l'automne prochain. Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a, le 20 juin 2010, reçu le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, et le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte. Lors de cet entretien, la question de l'avenant a été abordée. Le 22 juin 2010, Jacques Toubon, président de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration et ancien ministre de la Culture, de la Francophonie et de la Justice, a annoncé, lors d'une conférence sur le thème « Immigration et intégration en France : histoire et perspectives », au Centre culturel français d'Alger, que l'accord franco-algérien sera modifié en octobre 2010.
Ce projet devait être abordé durant la visite officielle du président algérien en France en juin 2009. Cette rencontre était devenue caduque en raison des divergences entre Alger et Paris sur le passé colonial de la France en Algérie. Les tensions entre les deux rives caractérisent les relations bilatérales et les modifications ultérieures de l'accord de 1968 ont toujours été longues et compliquées. Lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, les Accords d'Evian reconnaissaient aux Algériens la liberté de circulation entre l'Algérie et la France ainsi que le principe de l'égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français.
Cet accord établissait l'obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte du visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ». Les deux avenants du 22 décembre 1985 et du 28 septembre 1994 conclus par la suite par les deux pays ont, de manière générale, eu pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total. En application de l'avenant de 1985, à titre d'exemple, un Algérien pouvait sans difficulté venir s'installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles ; il disposait de la liberté d'établissement en qualité de commerçant ou artisan.
Par contre, la situation de l'emploi lui devenait opposable dans le cadre d'un travail salarié.La situation de parent d'enfant français ne donnait aucun droit au séjour, notamment aucune carte de « plein droit », contrairement à la situation des autres étrangers. Ce point n'a été modifié qu'avec l'avenant du 11 juillet 2001. Dans l'optique d'un nouvel avenant, le gouvernement algérien doit en priorité défendre trois points dans l'accord et maintenir les acquis des précédents avenants. Tout d'abord, la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français doit demeurer. En effet, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, dite « loi Sarkozy II », a abrogé cette disposition qui prévoyait l'attribution automatique d'un titre de séjour d'une durée d'un an aux ressortissants étrangers sur le fondement des dix ans de présence en France.
Il sera donc dans l'intérêt des ressortissants algériens qui demeurent depuis plus d'une décennie en France de pouvoir bénéficier d'une carte de séjour car le gouvernement français actuel pourrait être tenté de supprimer cet avantage aux Algériens, comme il l'a déjà fait pour les Tunisiens. Le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayant la qualité de conjoint de français, sans toutefois exiger d'eux un visa long séjour. En effet, la règle générale est l'obligation de produire un visa long séjour pour la délivrance de plein droit d'une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Les ressortissants algériens ne sont pas concernés par cette impérative du visa long séjour.
Enfin, un troisième point important concerne la régularisation par le travail. Les dispositions de la circulaire relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens. Ces derniers ne peuvent invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et le droit d'asile. L'inapplicabilité de cette situation aux ressortissants algériens, alors qu'ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème.
Jacques Toubon, lors de sa conférence, évoquait un régime dérogatoire avantageux comparé aux autres étrangers dans les dispositions de l'accord franco-algérien. Or, la circulaire qui prévoit de faciliter l'accès des ressortissants étrangers au marché du travail français n'est pas applicable aux Algériens. Dans le souci de créer cet équilibre, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant qui se projette. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, avait déclaré à la presse : « L'immigration algérienne en France, un capital d'avenir. » Cela conduit, dans l'intérêt réciproque du gouvernement algérien et des ressortissants algériens en France, que l'Etat algérien prépare, en gardant les dispositions avantageuses acquises dans le 3e avenant, un nouvel accord qui intègre le nouveau volet sur l'« immigration économique » afin de faire bénéficier nos ressortissants résidant en France d'un véritable statut avantageux et favorable.
Les représentants algériens ne devraient pas négliger l'apport de la communauté algérienne en Europe pour le développement de l'Algérie. L'humanité vit aujourd'hui dans un monde où les migrations apparaissent comme une extension des marchés de l'emploi ; le migrant quitte un marché qui ne lui convient pas soit parce que la rémunération y est trop faible, soit parce ce marché est trop étroit, ou encore pour s'ouvrir de nouvelles perspectives de qualification. Tous ces échanges génèrent un gain et, ce faisant, les migrations internationales contribuent à l'accroissement des richesses mondiales et nationales. La Banque mondiale estime ainsi que la contribution des migrants à l'accroissement du revenu mondial avoisinera les 772 milliards de dollars en 2025. II s'agit dès lors de prendre acte de cette donnée cruciale dans l'économie algérienne.
F. M. : Docteur en droit et conseiller juridique


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