Pour le juriste et avocat conseil auprès du consulat général de l'Algérie en France, M. Lasbeur, la nouvelle loi sur l'immigration ne s'applique pas aux Algériens en vertu des accords liant les deux pays. Les ressortissants algériens sont régis par un accord franco-algérien, actualisé en juillet 2001. Pourquoi le gouvernement français a fait adopter une nouvelle loi de l'immigration et quels seront, selon le texte, les critères de choix d'immigrés ? A dire vrai, il serait difficile de connaître les raisons profondes qui incitent encore une fois le ministre de l'Intérieur à durcir, sans commune mesure, la loi relative à l'immigration. Toutefois, il y a lieu de retenir d'une part, que la révolte des banlieues de novembre 2005 a fait apparaître de manière flagrante la misère sociale et a fait désigner du doigt l'immigration clandestine, comme étant responsable des maux de la société et serait, aux yeux des hommes politiques, à l'origine des événements qui ont secoué la France. D'autre part, le cheval de bataille de l'extrême droite, à l'approche de l'élection présidentielle de 2007, est incontestablement l'immigration en France, que l'actuel ministre de l'Intérieur n'hésite pas à encadrer de mesures restrictives, pour mieux réguler l'immigration, lutter contre les détournements de procédure et promouvoir une immigration choisie et une intégration réussie. Comment se traduirait l'application de ces nouvelles mesures ? Certaines de ces nouvelles mesures sont, en réalité, pratiquées par un nombre non négligeable de préfectures et cette loi n'a fait que corroborer et rendre légales ces mesures restrictives et en même temps sélectives. La nouvelle loi supprime la plupart des mesures de plein droit. Quel serait son impact sur les immigrés en France ? En effet, d'ores et déjà, l'article prévoyant la délivrance de plein droit d'un titre temporaire de séjour d'une année au ressortissant étranger justifiant de 10 années de présence en France a été abrogé le 5 mai dernier. Il a suscité un débat houleux dépassant même les clivages politiques avant d'être adopté. Certains hommes politiques de droite ont estimé que cet article constitue une prime à l'illégalité en récompensant ceux qui parviennent à se maintenir dans la clandestinité dix ans. De leur côté, les hommes politiques de gauche ont soutenu le fait que régulariser au bout de 10 ans n'est pas accorder une prime à l'illégalité, mais apporter une réponse à des situations extrêmement difficiles. Il ne s'agit pas de donner une prime à la clandestinité, mais de prendre en compte des cas humanitaires, de reconnaître l'intégration de fait des personnes. Dans les faits, comment cela se passera-t-il ? Le ministère de l'Intérieur a décidé la création d'une commission nationale, composée de représentants de l'administration, d'associations et d'élus, qui examinera les demandes de régularisation d'étrangers dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires, ceux dont la présence peut être une opportunité pour la France, mais aussi ceux qui justifient de 10 années de présence en France. Dès lors que la régularisation qui, de principe, se caractérise par son aspect dérogatoire et exceptionnel, se substitue au droit, les mesures arbitraires qui varieront d'un département à un autre ne peuvent être exclues. Quant à son impact, il se traduira inéluctablement par un accroissement de mise en œuvre de mesures d'éloignement du territoire français. Par ailleurs, quel serait l'impact de cette loi sur la communauté algérienne en France, surtout qu'il s'agit d'une immigration sélective ? A titre liminaire, je tiens à rappeler que les dispositions de l'article 55 de la Constitution française de 1958 prévoient que toute convention ou traité légalement ratifié prime sur la loi interne. A cet effet, je rappelle que les ressortissants algériens sont régis par l'accord algéro-français du 27 décembre 1968 relatif aux conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France. Cet accord a été modifié par le 1er avenant, sur l'initiative de Taïbi Brahim, en date du 22 décembre 1985, qui a instauré pour la première fois la délivrance du certificat de résidence de 10 ans ainsi que la catégorie de personne pouvant y prétendre de plein droit, puis par le 2e avenant du 14 septembre 1994, qui a vidé de toute sa substance cet accord en imposant le visa long séjour de type « D ». En somme, il a été procédé au transfert d'un pouvoir politique à un pouvoir administratif et enfin par le 3e avenant à l'accord franco-algérien en date du 11 juillet 2001, qui a rétabli partiellement la catégorie de plein droit, mais cette fois-ci pour une carte temporaire d'une année « vie privée et familiale » en incluant les personnes souffrant d'une pathologie, dont le défaut de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En quoi cet accord est-il favorable aux Algériens ? Cet accord bilatéral est censé placer les ressortissants algériens dans une situation plus favorable que les autres étrangers relevant du droit commun. Il ne peut être remis en cause unilatéralement par le ministre de l'Intérieur, sauf à le dénoncer par le ministère compétent, à savoir le ministère des Affaires étrangères. Le conseil d'Etat a, dans ses décisions, toujours rappelé le principe que l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les Algériens, lesquels ne peuvent en aucun cas se voir appliquer la loi interne à l'exception des mesures d'éloignement applicables à tous les étrangers en France. Quel est votre avis sur l'immigration « choisie » prônée par Nicolas Sarkozy ? Concernant l'immigration sélective, cette immigration choisie permettrait une autre fois, d'analyser le profil politique du ministre de l'Intérieur et de saluer son courage politique, car Nicolas Sarkozy dit tout haut ce que la gauche pense tout bas. François Mitterrand, interrogé sur cette question d'immigration, a déclaré que "la France n'est pas la poubelle du monde", autrement dit M. Sarkozy s'inspire de l'idéologie des Anglo-Saxons, comme le Canada et les USA, dont il a le soutien. Comme tout acteur politique prétendant à la magistrature suprême, il passe bien évidemment les intérêts de son pays et de son peuple en tout premier lieu. Il a su, d'après les études faites dernièrement, que les étrangers, particulièrement les brillants, ont tendance à choisir une autre destination que la France, sachant qu'au terme de leurs études, ils sont appelés à rejoindre leur pays (loi de Chevènement du 27 juin 1997, les étudiants étrangers ont vocation à mettre leurs compétences au profit de leurs pays). Cette loi ayant été adoptée, ces étudiants jadis rejetés auront la faculté de s'installer durablement en France qui leur offrira tout le confort voulu.