La recrudescence des attaques terroristes dans la bande frontalière algéro-malienne renverrait à la décision de l'EIGS – qui a habitué à opérer à la frontière nigéro-malienne et dans la zone dite des trois frontières -– de se redéployer dans le nord du Sahel. L'attentat-suicide, dimanche 9 février 2020, contre un poste de l'armée à Timiaouine, près de la frontière algéro-malienne, ayant coûté la vie à un jeune soldat, vient rappeler que l'Algérie reste toujours une cible pour les groupes terroristes qui évoluent au Sahel. L'attaque, qui a eu lieu dans une région où active parfois le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) du Lalien Iyad Ag Ghali, n'avait pas encore été revendiquée hier. Les premiers soupçons se dirigent donc naturellement vers l'GSIM. Des experts du Sahel pensent cependant que l'attaque pourrait être le fait des éléments du groupe Etat islamique pour le grand Sahara (EIGS), dirigé par le sinistre Adnane Abou Walid El Sahraoui. Mais il n'est pas exclu aussi que les deux groupes terroristes aient pu agir de concert. Le GSIM et l'EIGS ont souvent eu à collaborer. Il y a une sorte de partage des rôles entre eux. Pourquoi les experts penchent-ils plus pour l'EIGS ? Ils rappellent que ces dernières semaines ce groupe a tenté, sans succès, de nombreuses percées en territoire algérien et commis des attaques sanglantes dans le nord du Mali. En revanche, c'est le GISM qui a mené l'attaque, le 26 janvier dernier, contre le camp de la gendarmerie malienne de Sokolo, situé à 85 kilomètres de la frontière avec la Mauritanie, au cours de laquelle 25 soldats ont péri. Ce n'est pas un hasard si l'attaque a eu lieu à Sokolo. Ce lieu est considéré comme important. La localité de Sokolo est en effet le dernier verrou avant la frontière mauritanienne. Et les terroristes font tout pour le faire tomber afin d'avoir un accès libre à la Mauritanie. La recrudescence des attaques terroristes dans la bande frontalière algéro-malienne pourrait renvoyer à la décision de l'EIGS – qui a habitué à opérer à la frontière nigéro-malienne et dans la zone dite des trois frontières (Niger, Mali et Burkina) – de se redéployer dans le nord du Sahel, un espace qui lui échappe. On explique qu'il ne pourrait s'agir là aussi que d'une diversion de Abou Walid El Sahraoui destinée à desserrer l'étau sur ses éléments pris en tenaille dans le sud du Niger et dans le nord du Burkina Faso, une région que les unités de «Barkhane» tente actuellement de «nettoyer». L'opération française connaît visiblement un succès puisque Paris a annoncé vendredi la mise «hors de combat» de plus de 30 terroristes. Il est possible, en outre, que les attaques répétées contre les postes avancés de l'Armée nationale populaire (ANP) soient en réalité destinées à tester les défenses de l'armée algérienne qui a réussi dernièrement à déjouer de nombreuses attaques terroristes dans la région. En s'attaquant à des soldats algériens, Abou Walid El Sahraoui (ou son concurrent Iyad Ag Ghali) lancerait ainsi une sorte d'avertissement en direction des autorités algériennes. Cela à la seule différence qu'El Sahraoui est considéré aujourd'hui comme l'ennemi public n°1 au Sahel. En octobre dernier, les Etats-Unis ont même annoncé, dans le cadre de leur programme Rewards for Justice, qu'ils offriraient jusqu'à 5 millions de dollars à quiconque fournirait des informations permettant de localiser le chef de l'EIGS. Le général français Bruno Guibert, qui commandait la force «Barkhane» en 2017, pense que Adnane «Abou Walid El Sahraoui se réfugie probablement en Mauritanie». Les autorités américaines ont décidé de mettre le chef terroriste dans leur collimateur depuis l'attaque de Tongo Tongo, le 4 octobre 2017 au Niger, qui a coûté la vie à quatre commandos américains du 3rd Special Forces Group, partis en patrouille avec un détachement de l'armée nigérienne. Depuis, l'EIGS a commis d'innombrables autres massacres.