Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«C'est la prévention, dans toute sa rigueur, qui permettra de diminuer le flux des patients éligibles à la réanimation» Pr Smaïl Mesbah. Infectiologue, président de la Société algérienne d'infectiologie et chef de service à l'EHS El Hadi Flici, El Kettar
– Le nombre de cas de coronavirus est en augmentation. Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement sont suffisantes pour limiter la propagation ? Avant tout, il faut d'abord prendre la mesure de ce défi représenté par le Covid-19, qui est devenu une pandémie mondiale brutale, qui a non seulement ébranlé nos systèmes de santé mais également mis à rude épreuve tous les gouvernements de ce monde. Notre pays n'y a pas échappé et a dû, malgré sa situation difficile, prendre des mesures pour y faire face. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Et chacun devra y apporter sa contribution. D'ailleurs, la Société algérienne d'infectiologie a, dans son appel, lors de son dernier congrès national, réaffirmé avec force la mobilisation totale de tous les infectiologues à travers tout le territoire national, mobilisation qui s'exprime tous les jours sur le terrain. La question qui doit tous nous interpeller, dès lors que le risque est avéré dans notre pays, n'est pas tant dans les mesures qui sont prises mais dans leur mise en œuvre de façon rigoureuse à travers tout le territoire national, et dans leur adaptation, de façon anticipée, à l'évolution de la situation épidémiologique. Oui, ces mesures doivent être à chaque fois expliquées afin qu'elles soient comprises et appliquées par tous les citoyens de façon responsable et civique, ce qui est en soi un défi permanent. – Comment peut-on justement les faire appliquer ? Ces mesures doivent être également appliquées de façon coordonnée, dès lors que la riposte est nécessairement multisectorielle, aussi bien au niveau national qu'au niveau local. A cet égard, il nous semble pertinent, compte tenu de l'expérience de notre pays, de mettre en place un véritable commandement opérationnel composé d'experts (infectiologues, épidémiologues, microbiologistes, pneumo-phitisiologues, réanimateurs…) et des représentants de tous les secteurs intervenants. Ce commandement opérationnel devrait, dans un souci de décentralisation qui nous a souvent manqué, être décliné au niveau de chaque wilaya pour appliquer de façon tout aussi rigoureuse les directives nationales de façon adaptée au contexte local. S'agissant d'un défi nouveau, au-delà de la mobilisation urgente des moyens de protection, de dépistage, de traitement et de réanimation qui a été entreprise pour assurer une disponibilité suffisante dans l'ensemble de nos structures, il importe de tirer profit des leçons des expériences récentes en Asie et en Europe, qui ont montré que la prévention, dans toute sa rigueur, est la meilleure arme dont le monde dispose. Aussi, il nous semble, qu'il est pertinent, dès à présent, d'élargir les actions de prévention et de se préparer à la mise en œuvre des autres mesures de protection de la population, notamment le confinement obligatoire de la population chaque fois et aussitôt que la transmission locale est avérée dans une zone afin de freiner la propagation, protéger les personnes vulnérables et éviter de saturer nos structures, notamment la réanimation. – Les cas enregistrés jusque-là sont importés et la majorité des personnes infectées sont asymptomatiques. Ces personnes peuvent-elles évoluer vers des formes sévères ? D'une façon générale, il est actuellement établi qu'environ 80% des cas sont bénins, d'ailleurs parmi eux certains ne présentent aucun symptôme. Pour le reste des cas, il peut s'agir de formes compliquées ou de formes graves, le plus souvent mortelles, qui peuvent survenir, comme cela a été relevé, au début, chez les personnes âgées de plus de 80 ans, et chez les personnes ayant des maladies chroniques associées. Récemment des formes graves mortelles ont été observées chez des sujets plus jeunes jusque-là en bonne santé. Ceci rend compte de l'impératif de l'application stricte des mesures de prévention aussi bien au niveau individuel que collectif. – Nos hôpitaux sont-ils prêts à prendre en charge ces personnes, dans le cas d'une importante épidémie ? Notre pays dispose d'un potentiel appréciable en matière de structures, notamment d'infectiologie, susceptibles de prendre en charge ces cas. Le problème se pose, comme d'ailleurs cela est constaté notamment en Italie, dans la disponibilité des lits de réanimation équipés, qui sont très vite arrivés à saturation et qui expliquent le nombre très élevé de décès dans ce pays. C'est là une autre leçon que nous devons tirer pour préparer et mobiliser, dès à présent, tous les lits de réanimation possible, sachant que c'est la prévention, dans toute sa rigueur, qui permettra de diminuer le flux des patients éligibles à la réanimation. – Quelles sont les dispositions prises par votre service en cas de large diffusion de ce virus ? Notre hôpital d'El Kettar est l'hôpital de référence historique dans la prise en charge des maladies infectieuses épidémiques. Il dispose pour cela d'une certaine expertise et de capacités appréciables pour assurer la prise en charge de ces cas. Dans ce cadre, il s'est attelé à organiser l'accueil, la consultation et l'hospitalisation des cas suspects de Covid-19 selon un circuit individualisé, dans deux ailes dédiées à ces patients. Il a déjà prévu, le cas échéant, l'extension des capacités d'accueil et d'hospitalisation et la mobilisation de tous les personnels, qui ont fait preuve d'engagement, pour répondre aux exigences de la situation.