Le monde s'apprête à vivre une expérience inédite depuis 1918 et la grippe espagnole qui avait infecté le 1/3 de la population mondiale à l'époque. Nous laisserons les aspects médicaux aux scientifiques spécialisés sur la question des virus pour voir de plus près les aspects économiques. Ce sont ces scientifiques qui doivent nous produire les mesures d'hygiène et les attitudes à adopter en vue de réduire les conséquences humaines et matérielles liées à la pandémie. Nous avons diverses expériences de pays qui peuvent nous être utiles pour peaufiner la démarche à suivre et l'adapter en fonction de la situation réelle. Nous pouvons avoir des idées différentes, des positions tout à fait divergentes, mais dans le domaine d'une pandémie de ce genre il nous faut être unis. Ce n'est que si nous arrivions à un consensus sur comment juguler la crise que nous pouvons en sortir vainqueurs. Nous aurons beaucoup de temps après la crise pour diverger, défendre nos droits et nous critiquer les uns et les autres. Dans des moments pareils, il faut surtout laisser la parole aux scientifiques. De nombreux faux «savants» surgissent dans des circonstances similaires pour prodiguer des recommandations douteuses. Ce sont les spécialistes de ces disciplines qui doivent nous prodiguer la démarche à suivre : médecins, épidémiologistes, chercheurs sur l'évolution des virus etc. doivent être les sources de nos agissements. Pour les aspects économiques, on a eu plein de chocs extérieurs dans le passé qui nous permettent de nous inspirer des typologies de ripostes à mettre en œuvre en vue de dépasser la crise. Des Etats on affronté des guerres, des pandémies, des chocs de prix de matières premières et des crises de toutes sortes comme celle de 1929 et celle des Subprimes. Nous avons un catalogue de ripostes riche et varié qui nous permettrait de nous en inspirer pour concevoir des politiques économiques de riposte. Un choc où tout le monde perd Les chocs pétroliers ont ceci de différent : certains pays gagent d'autres perdent. Si les gagnants dépensaient tous leurs gains pour importer davantage alors l'économie mondiale ne serait pas touchée. Seul le pouvoir d'achat mondial subirait un changement géographique. Si les pays pétroliers épargnent seulement, ils subiraient une taxe inflationniste sur leurs revenus. Le choc du coronavirus a ceci de particuliers que tous les pays sont touchés et tous perdent à partir du moment où des mesures de précaution puis de confinement s'installent. Au sein de l'économie mondiale le secteur tertiaire (services) est dominant. De nos jours, c'est l'industrie des services qui crée le plus d'emploi et de richesse au sein des économies modernes, y compris notre pays. Le fait que les transports, la restauration, l'hôtellerie, le divertissement et autres soient impactés les conséquences sur les économies nationales seraient énormes. Peu d'économistes préconiseraient que le marché seul livré à lui-même produirait les solutions idoines à ce début de chaos économique. Le problème du coronavirus intervient à un moment difficile pour l'économie algérienne avec une pluviométrie insuffisante et des prix pétroliers déprimés. Mais ce choc nous interpelle pour concevoir des stratégies économiques au sein d'institutions spécialisées (INESG par exemple). Supposons qu'on a eu un choc mondial sur la production de céréales. Les pays producteurs vont interdire l'exportation. Quelle serait notre attitude ? Les stocks stratégiques, la substitution par la production nationale peut elle se faire en temps voulu ? Il serait peut-être temps de mobiliser l'intelligence des Algériens, nationaux et expatriés, puis acheter quelques entreprises spécialisées en difficultés afin de sécuriser définitivement notre population sur des la satisfaction des besoins les plus fondamentaux comme l'alimentation et les médicaments. Notre planification stratégique devrait être boostée à ses meilleurs niveaux. Nous n'avons pas d'information sur le niveau de planification stratégique nationale. On devrait mieux en communiquer la teneur. De nombreux citoyens peuvent participer pour crédibiliser et améliorer le processus. Ripostes économiques L'ensemble des pays sont en train de réfléchir et surtout d'agir sur les meilleures ripostes économiques afin de minimiser les impacts négatifs. On est fort des expériences passées et on cible les opérations à financer de sorte à utiliser le plus efficacement possible les ressources qui deviennent de plus en plus rares en période de pandémie. Les chiffres d'affaires baissent et deviennent nuls pour beaucoup d'entreprises et donc les recettes de l'Etat seraient au plus bas. De toute façon, les Etats vont différer la collecte des taxes et des contributions sociales. Les Etats vont garantir les crédits alloués par le système bancaire et dont les tranches de paiement seront différées par les entreprises. La mesure serait de 300 milliards d'euros pour la France et 100 milliards pour l'Espagne. Les travailleurs mis au chômage partiels car ne pouvant bénéficier du télétravail recevront des indemnités de salaires. Les aides au plus démunis vont s'intensifier car ne pouvant bénéficier d'autres appuis. Les dépenses en matière de santé vont exploser pour mettre à dispositions les personnes et le matériel nécessités par la situation. On n'a pas chiffré encore la totalité des dépenses des Etats. On pense que cela pourrait dépasser les 1000 milliards pour les Etats-Unis et 300 milliards pour la France (hors garanties bancaires) et plus de 750 milliards d'euros de mutualisation des dettes nationales par l'Europe. Les déficits vont dépasser les 4% du PIB. En ces temps où la priorité est la santé, les dépenses publiques passent en seconde priorité. Bien sûr qu'il faut rationaliser les dépenses mais il faut avant tout mobiliser toutes les ressources pour financer les exigences de santé. Ceux qui ont peur de la planche à billet feraient bien de redouter davantage le coronavirus. En plus des différés de taxes, de contributions sociales et de paiement de salaires partiels des personnes déclarées et mis en congé partiels, nous devons financer dès maintenant des opérations stratégiques pour sécuriser le pays en blé, médicaments et produits et services jugés stratégiques. Par le passé, nous avons quelque peu négligé ces aspects. L'Algérie a les moyens de s'en sortir d'une telle épreuve même si elle intervient dans un contexte difficile. Mais il y a deux aspects sur lesquels nous devons agir rapidement. En premier lieu, mieux éduquer et mieux communiquer sur les meilleurs moyens d'appliquer en réalité les consignes sanitaires de nos experts. Il nous faut un minimum de persuasion et de cœrcition. En second lieu, affiner notre réflexion et nos actions stratégiques afin de mieux affronter ce défi et d'en être préparé à face à d'autres dans le futur. Le déficit budgétaire, l'impact sur la balance des paiements du financement des ressources liées à santé et la planche à billet sont des considérations tout à fait secondaires en ces temps difficiles où les priorités ne sont plus du tout les mêmes. Sur 2020, nous pourrions même avoir une décroissance de plus de 5% mais si nous arrivons à juguler la pandémie, ce serait une grande victoire. Abdelhak Lamiri