L'inquiétante pandémie de coronavirus continue de plomber l'économie mondiale, exposée désormais plus que jamais à une inexorable récession. "La propagation du virus a perturbé les chaînes d'approvisionnement et provoqué la chute de l'investissement et de la consommation, conduisant à un risque réel et croissant de récession mondiale", a déclaré, dimanche, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Pour Brahim Guendouzi, professeur à l'université de Tizi Ouzou, le risque de récession économique devient réel depuis la fermeture de nombreuses frontières entre pays, limitant ainsi la libre circulation des personnes et des biens. Cependant, l'économie mondiale a ses ressorts, explique l'universitaire, qui, normalement, amortiront le choc de la pandémie de coronavirus à condition que cela soit limité dans le temps. "Tant que le secteur financier mondial garde sa résilience, il y a certes des pertes considérables à cause des mesures draconiennes pour empêcher la contagion, mais il existe une capacité productive et organisationnelle à l'échelle mondiale telle qu'il ne pourrait y avoir d'effondrement du système productif au niveau international", précise-t-il. Brahim Guendouzi en veut pour preuve, la mobilisation par les institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) d'une enveloppe de 50 milliards de dollars à mettre à la disposition des pays à faible revenu et des pays émergents afin qu'ils puissent prendre en charge sur le plan financier les retombées de la crise sanitaire. Il estime également nécessaire une coopération entre les Etats pour une action commune afin de venir à bout de la pandémie de coronavirus. Néanmoins, nuance-t-il, du fait même de la perturbation constatée dans le fonctionnement des chaînes de valeur mondiales, force de frappe du commerce mondial, il y a des risques de faillite de nombreuses entreprises. Risques de pénuries "La Chine populaire qui est le premier exportateur mondial de marchandises et le premier importateur de pétrole dans le monde, se retrouve dans une situation de fragilité extrême qui, si elle venait à perdurer dans le temps, entraînerait dans son sillage de nombreuses économies nationales vers la récession économique", constate Brahim Guendouzi. Plusieurs secteurs d'activité stratégiques comme les transports aériens, le tourisme ou l'énergie, montrent des signes de crise. "En cas de persistance et si d'autres secteurs continuent à être touchés par effet d'entraînement, il y aura inéluctablement une récession de l'économie mondiale", avertit-il. Quelles conséquences aura cette éventuelle récession mondiale sur l'économie nationale ? "L'Algérie se fragilisera sur plusieurs plans", répond Brahim Guendouzi. Il évoque d'abord, l'effort financier que l'Etat doit supporter afin de contrôler la crise sanitaire grâce à une meilleure prise en charge des personnes contaminées ainsi que du corps médical qui se dévoue entièrement pour venir à bout de la pandémie de coronavirus, et ce, depuis son apparition sur le territoire national. Ensuite, l'Algérie est confrontée aujourd'hui à la chute brutale des cours du pétrole qui vient se greffer à la crise sanitaire en raison des impacts subis par les principaux acteurs du marché pétrolier international et ayant entraîné l'échec de l'Opep+. "Si les prix du pétrole brut venaient à rester longuement au niveau constaté ces jours-ci, le manque à gagner en terme de revenus extérieurs serait considérable pour le pays", avoue-t-il. Et du point de vue des importations du pays, le risque de pénurie devient réel. Les principaux fournisseurs de l'Algérie (Chine, France, Italie et Espagne) ont leurs frontières fermées. Les importateurs algériens ont déjà cessé d'acheter chez les Chinois depuis plusieurs semaines.La solution, actuellement, est dans la diversification des fournisseurs si cela devient possible, et surtout une meilleure gestion des stocks des produits indispensables à la vie quotidienne des citoyens. Cela étant, l'économie algérienne reste extravertie, puisqu'elle dépend largement des échanges extérieurs aussi bien dans ses recettes d'exportations à base d'hydrocarbures exclusivement, mais également des importations de biens alimentaires, de produits pharmaceutiques et des équipements. "Cette crise sanitaire vient nous rappeler que notre système productif est faible et en même temps fragile car dépendant des importations d'inputs de l'étranger. Or sur le plan stratégique d'une nation, il est indispensable d'accumuler des capacités productives qui serviront à faire face aux crises", souligne Brahim Guendouzi. Dans le cas d'une récession économique mondiale, l'Algérie, soutient-il, ne pourra compter que sur elle-même, mais avec peu de ressources productives à gérer face à des besoins importants. "C'est le prix de la dépendance", conclut-il.