La saison estivale, si elle est synonyme d'évasion et de détente, est aussi celle des tâches pénibles pour un bon nombre de citoyens, qui mettent à profit la période des vacances et des congés annuels pour tenter de joindre les deux bouts. Plusieurs fonctionnaires se convertissent en chauffeurs clandestins, en travailleurs journaliers chez des employeurs privés, en marchands ambulants... pendant ces longues journées de juillet pleines d'ennui à cause d'un manque flagrant d'espaces de loisirs et de rencontres à Souk Ahras. Des étudiants universitaires, issus généralement de couches défavorisées, sont employés comme garçons de café ou simples manutentionnaires dans des boîtes privées. C'est Mohamed, un étudiant inscrit à l'université de Annaba qui nous fait part de sa situation sociale fort éprouvante : « Nous sommes une famille nombreuse et l'argent ne coule pas à flots chez nous. Mon père est retraité et tous mes frères et sœurs sont chômeurs. Nous arrivons à peine à subsister grâce aux âmes charitables. » La situation n'est pas meilleure chez la gent féminine, obligée de taire ses souffrances et sa disette en attendant le sésame — le dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP) — ou autres palliatifs, à l'instar de la formule du filet social. « Hormis le circuit officiel d'emploi, nous ne pouvons pas nous aventurer chez le privé pour des emplois temporaires. Autrefois, c'était possible, mais maintenant avec le flux que connaît le marché de l'emploi, si vous n'êtes pas victime de misogynie de la part de l'employeur, c'est le harcèlement sexuel garanti », explique l'une des candidates à l'emploi. L'entretien des maisons et des appartements ou la réalisation de certains travaux domestiques, avant la période des orages, est une autre occupation pour ceux qui, par économie, boudent le peintre et le maçon. Les Algériens débarquant d'outre-mer découvrent à Souk Ahras les plaisirs des rencontres conviviales avec les familles locales ; ils sillonnent les quatre coins de la région et marquent des escales au niveau des sources et des sites naturels. Avec eux est née une profession informelle, celle de guide payé à la journée en dinars et parfois en euros pour les moins chiches parmi les visiteurs. Là où vous allez à Souk-Ahras, des jeunes qui n'ont pas encore atteint l'âge de travailler vous abordent à la sortie des magasins, qui pour vous proposer des effets vestimentaires bon marché, qui pour demander de jeter un coup d'œil sur son étal de fortune, où sont entassés des objets hétéroclites et autres gadgets pour enfants de fabrication chinoise. D'autres enfants vous collent carrément aux basques et ne lâchent prise qu'une fois leur vœu exaucé. Il s'agit de mendiants entraînés par leurs aînés à tirer obole même chez le plus incrédule des passants. L'été à Souk Ahras, c'est aussi les signes apparents de richesse, une base arrière de la gent politico-administrative qui prépare, déjà, l'ascension des cadres de l'automne prochain, la saison des putschs et des évictions, et celle des transactions.