La cherté de la vie pousse de nombreux Algériens à changer leurs habitudes. Les vacances deviennent ainsi un rêve lointain, et mariages, circoncisions et autres occasions ne sont plus fêtées avec le même faste. Ramadan n'est pas loin et il sera suivi par une rentrée scolaire coûteuse. Place aux priorités. Le seul souci des ménages est de faire face aux besoins les plus élémentaires. Les conditions socioéconomiques sont de plus en plus défavorables, obligeant les familles à réduire au maximum leurs dépenses. Les revenus mensuels permettent à peine de satisfaire les exigences d'une vie décente (nourriture, vêtements, paiement des factures de gaz, d'électricité, d'eau, de téléphone…). En cette période de grandes vacances, la frustration est lisible sur tous les visages. Tout le monde a envie d'aller se promener, se reposer, se ressourcer pour une bonne entame du prochain exercice, mais la maigre bourse dicte sa loi. Les loisirs et les voyages ne sont pas faits pour les simples salariés et leurs enfants. «Lorsque mes voisins rentrent d'un voyage et racontent leur beau séjour, je sens une profonde humiliation. Mes enfants me regardent d'un air dépité, mais que puis-je faire ? Je leur dis simplement qu'un jour, ils pourront, eux aussi, jouir de ce droit…», regrette Rabah, fonctionnaire dans une administration publique et père de quatre enfants, tous scolarisés. Notre interlocuteur, à l'image de milliers d'employés, éprouve d'énormes peines à joindre les deux bouts. La notion de repos ne figure plus dans son programme. «Même durant mon congé annuel, je travaille chez des particuliers pour rembourser mes dettes. C'est une vie amère», poursuit-il. Voilà un témoignage qui résume le malheur de la plupart des familles algériennes qui sont contraintes de serrer la ceinture et ne dépenser qu'en cas d'extrême nécessité. Et ce ne sont pas seulement les vacances qui sont sacrifiées. Certains évitent même de répondre aux invitations à des fêtes pour éviter, tout simplement, d'offrir un cadeau. «Il faut allouer un budget spécial aux fêtes de mariage, car le moins cher des cadeaux dépasse les 2 000 DA. Croyez-moi, je ne réponds qu'aux invitations émanant des membres de ma propre famille et de ma belle-famille. Pour les amis, je trouve toujours des excuses, des prétextes, pour échapper à l'achat du cadeau. Allah ghaleb, c'est la cherté de la vie qui nous a imposé cela», avoue Omar, enseignant dans un lycée à Kouba (Alger). En outre, les familles qui organisent les fêtes réduisent au maximum le nombre d'invités pour diminuer les dépenses. Les citoyens sont, en effet, impuissants face à ces dépenses effarantes et ils n'accordent plus aucune importance aux vacances et aux moments de joie. «Si les gens n'ont commencé à évoquer la crise financière que lorsqu'elle a touché les pays développés, nous, en revanche, nous souffrons de cela depuis de longues années. Nous sommes devenus des machines, nous roulons sans arrêt, sans pouvoir mettre un sou de côté pour nous permettre un moment de détente», soupire un autre fonctionnaire, père de six enfants. C'est dire combien la cherté de la vie a bouleversé la vie des Algériens qui se contentent, aujourd'hui, de courir derrière les besoins élémentaires.