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Le temps complémentaire : Le beurre, l'argent du beurre et la vache laitière
Publié dans El Watan le 27 - 07 - 2010

Conscients de la lourde responsabilité qui nous incombe, nous, hospitalo-universitaires, avons jugé que notre premier devoir est de lancer cet appel à l'ensemble du corps médical pour l'inciter à faire preuve d'une conduite exemplaire et d'une rigueur morale à la mesure de la noblesse de la profession médicale.
Les autorités concernées et les hospitalo-universitaires font un diagnostic négatif du système national de santé, de la formation médicale en Algérie et osent parler de recherche médicale ! Car, autoriser les hospitalo-universitaires à exercer dans le privé donne le même droit à tous les fonctionnaires de la santé. Les autorités et les confrères proposent « l'arrêt de l'hémorragie des hospitalo-universitaires vers le privé » et sans pudeur souhaitent que soit « permis au secteur privé de prodiguer des soins de qualité par des spécialistes de haut niveau (en l'occurrence eux-mêmes...) qui prendront en charge les riches, cela permettra aux structures de santé publique d'être moins sollicitées et de prendre en charge les pauvres » et ce, grâce à une formule magique et des « passerelles » entre les secteurs public et privé. En fait de passerelles, ils veulent un tunnel sous la « Manche », c'est-à-dire le beurre, l'argent du beurre et la vache à lait qu'est le pauvre malade. Non satisfaits de téter deux mamelles à la fois puisqu'ils perçoivent une double rémunération des secteurs de la santé et de l'enseignement supérieur, ils veulent être à la fois fonctionnaires de l'Etat et exercer à titre privé…
En pratique, une bonne partie des hospitalo-universitaires exerce au noir dans le privé et il est temps pour le ministère de la Santé d'appliquer les sanctions prévues par la loi contre les contrevenants et les cabinets et autres cliniques qui les emploient dans l'illégalité totale. Agiter l'épouvantail de la fuite des « cerveaux » relève de la désinformation, quand on sait qu'une bonne partie de ceux qui se sont installés en France avaient la nationalité française avant leur départ. Il ne s'agit donc que de rapatriés... Quant aux cures, ils galèrent... L'hémorragie des hospitalo-universitaires n'est en fait qu'une saignée bienfaitrice dans le corps des CHU qui accusent une pléthore de médecins dans nombre de services, voire même un nombre de praticiens supérieur à celui des malades dans certains services... Quant aux retraités, en plus de leur rente de retraite, ils s'installent dans le privé et il serait indispensable d'utiliser leurs compétences dans l'enseignement universitaire. Il est temps aussi pour les autorités de contrôler la représentativité des syndicats conformément aux articles 14, 35 et 41 de la loi 90-14 et ce, afin de ne pas permettre à des groupuscules algéro-centristes de manipuler, à des fins politiques, des syndicats censés être nationaux. Le ministère de la Santé, qui a été atteint par le « professorite », avait pris des mesures salutaires en avril 1996 en mettant fin au cumul de fonctions. Quant au secteur privé, qui se débat dans ses propres problèmes, il ne tolérera pas l'invasion de ces nouveaux rentiers. Si le président Bouteflika a réussi à rassembler le peuple algérien autour de son programme, c'est surtout grâce au slogan, « Ensemble, construisons l'Algérie ». Or, nous constatons actuellement que certains décideurs veulent non seulement construire l'Algérie tout seuls, mais envers et contre tous.
En effet, au moment où tous les syndicats de praticiens demandent la tenue d'une conférence nationale sur la santé, afin de définir ensemble la conduite à tenir devant les grands maux qui rongent ce secteur, voilà que le ministère de la Santé fait dans la division en jetant en pâture la communauté hospitalo-universitaire par une proposition d'amendement de la loi du 16 février 1985 portant code de la santé publique concernant surtout la possibilité pour les hospitalo-universitaires d'exercer à titre privé, en dehors des heures légales de travail et l'institution de police des pharmacies. Nous ne sommes pas dupes jusqu'à ignorer que toute proposition d'amendement de la loi doit passer impérativement devant une Assemblée nationale et si les autorités avaient un minimum de respect envers la communauté, elles auraient invité tous les représentants afin que chacun s'implique et éviter par là la suspicion puis l'éclatement, car on aurait pu réussir à avoir le consensus, même autour de certains mesures qui, pour le profane, ne semblent concerner qu'une fronde précise de la communauté médicale. A ce titre, les représentants authentiques de la communauté médicale, soucieux de l'intérêt des praticiens et d'une cohérence en matière de politique nationale de santé, réitèrent leur demande aux plus hautes instances du pays quant à la tenue d'une conférence nationale sur la santé.
Contre une médecine à deux vitesses
Le pouvoir public s'élève contre une médecine à deux vitesses où le riche et le pauvre ne bénéficieront pas de la même qualité de traitement. Il s'élève tout aussi vigoureusement contre une médecine à deux collèges, les hospitalo-universitaires et les « autres », c'est-à-dire les praticiens de santé publique et les médecins du secteur libéral. Si, dans le secteur privé nous vivons de très graves problèmes sur le plan socio-économique, nous sommes tout aussi conscients des graves difficultés matérielles que vivent nos confrères, les médecins du secteur public, généralistes et spécialistes. Je rejette personnellement tout intrusion des hospitalo-universitaires dans le secteur privé et nous revendiquons avec les médecins de santé publique, généralistes et spécialistes, que tous les avantages accordés aux uns ne le soient pas aux autres. Nous nous élevons fermement contre tout traitement discriminatoire. Il est inadmissible que de telles injustices touchent ce corps médical qui a besoin de sa sérénité pour toujours mieux soulager la souffrance et lutter contre la maladie. L'Algérie vit de graves problèmes économiques et sociaux qui touchent tout le monde, y compris les médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes. On ne règle pas les problèmes d'une société en accordant des « privilèges ». Il existe des conséquences d'une mauvaise politique de santé, qui s'est pratiquée depuis de nombreuses années. En attendant, personne ne pourra briser la solidarité du corps médical, et si les hospitalo-universitaires, après avoir porté deux casquettes, celle de l'enseignant et celle du médecin, veulent ajouter une troisième, celle du praticien privé, ils ne pourront plus relever la tête. Ils seront responsables de la destruction du corps médical et de l'implosion de la Fonction publique tout entière en Algérie.
Le temps complémentaire n'existe dans aucun pays !
Le plein temps aménagé pour les chefs de service a été créé en 1958 pour fixer les patrons de médecine qui étaient en nombre insuffisant. C'est une activité privée à l'hôpital, privilège exclusif des patrons qui avaient ainsi le droit d'avoir 2 lits privés dans leur service hospitalier et une consultation privée une fois par semaine. Les chefs de service non cliniciens (radiologues, biologistes, anatomopathologistes, anesthésistes-réanimateurs, rééducateurs, etc.), les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens chefs de service n'ont jamais eu ce droit. Le plein temps aménagé a été supprimé en France et, séquelles du passé, ne concerne plus que quelques anciens patrons qui ont bénéficié de ce privilège et qui continuent d'en bénéficier jusqu'à leur retraite. Le plein temps aménagé (exercice privé à l'hôpital et le temps complémentaire (exercice privé en dehors de l'hôpital) n'ont jamais été une revendication des hospitalo-universitaires dans le monde. « On ne peut être des 2 côtés, public et privé ».Le plein-temps aménagé avait été en vigueur en Algérie jusqu'en 1974 et avait été aboli dans le cadre des réformes de l'enseignement supérieur et de l'enseignement médical afin de permettre le développement de soins hautement spécialisés, de la formation et de la recherche médicales. Les médecins concernés avaient été amenés à opter pour l'exercice, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé.
L'hospitalo-universitaire n'a pas d'horaire fixe à l'hôpital !
Deux années plus tard, le code de la santé du 23 octobre 1976 scellait définitivement les régimes d'exercice, ce que confirma la loi de 1985 sur la santé en France, la création des CHU en 1958 avait mis fin aussi à ce double exercice (public et privé) pour les patrons, dont certains ne conservaient qu'une clientèle privée (selon des règles bien définies), à titre occasionnel, formule en cours d'extinction. En Algérie, la formule du plein-temps aménagé n'a pas été acceptée par les pouvoirs publics. Comment le gouvernement algérien compte-t-il concilier des objectifs de réduction des transferts pour soins à l'étranger (nécessitant des services spécialisés de haute performance) avec cette autorisation d'exercer dans le privé après les horaires légaux de travail, alors que l'on sait pertinemment qu'un hospitalo-universitaire n'a pas d'horaire fixe, au vu de la spécialité de sa fonction (soins, formation, recherche...). Qui peut contrôler un patron, chef de service à l'heure actuelle ? S'il espère ainsi réduire les démissions du CHU, c'est l'effet contraire qui sera obtenu : le vide dans les hôpitaux publics sera officiellement autorisé. Car, qui peut contrôler un chef de service à l'heure actuelle ? Cette décision comme « particulièrement » grave et porteuse de risques de déviations dans la Fonction publique et que cette expérience faite il y a 20 ans a été catastrophique, en vidant les services hospitaliers de leur activité fonctionnelle : les chefs de service travaillaient dehors alors qu'à l'intérieur des hôpitaux les tâches étaient laissées aux résidents et assistants. Les initiateurs du plein-temps aménagé dans d'autres pays l'ont abandonné à cause de ses perversions. Demain, les maîtres-assistants du secteur public, voire même les autres catégories de fonctionnaires, voudront légitimement s'engouffrer dans cette brèche. Le gouvernement avec pareille décision escompte-t-il négocier une paix sociale — avec une corporation qui a de sérieux problèmes socioprofessionnels qu'il faut prendre en charge — au prix de l'aggravation du marasme qui frappe les hôpitaux publics et qui va davantage mettre à mal l'accès aux soins pour des millions de citoyens ? A moins que, clientélisme oblige sur fond de populisme et autre démagogie teintée d'échéances électorales, l'on n'ait décidé de tout brader.
Paradoxe des paradoxes, quelle crédibilité peut avoir un gouvernement qui autorise à une corporation de médecins d'aller exercer dans le privé, et qui oblige une autre corporation, les médecins spécialistes à exercer dans le secteur public ? Cette double décision, très contradictoire. En termes de Fonction publique, si le projet est adopté, cela créera un précédent, et plus grave, il faut que le statut de la Fonction publique — qui interdit le cumul — soit préalablement modifié. Il est assez paradoxal par ailleurs qu'au moment où nombre de médecins n'arrivent pas à trouver un emploi, on autorise les plus anciens à en exercer deux ! Le beurre et l'argent du beurre, et même la laitière. Le marasme qui frappe les hôpitaux publics ne peut être solutionné en cédant à un chantage inadmissible — allant à l'encontre de l'accès aux soins — de praticiens qui se sont fait une carrière et un rang social dans les CHU, même si au demeurant la question de leur salaire est réelle et nécessite d'autres « remèdes ». Il est peut-être envisagé par exemple que soient autorisées une ou deux consultations privées par semaine à l'intérieur du CHU, en définissant les modalités pratiques. Cela permettrait de consolider une unité de lien et de travail qui avait tendance à se diluer depuis quelques années. Ce dossier est trop important et engage le devenir du système de santé pour qu'il soit traité dans des cercles restreints, défendant des intérêts occultes. Les usagers de la santé, les « bailleurs » des soins — dont la Sécurité sociale — doivent être informés et associés en toute transparence. Les pouvoirs publics doivent saisir la gravité et les effets pervers de pareille décision. A moins qu'il faille ouvrir, à n'importe quel prix, la braderie du système de protection sociale !
Les dessous d'affaires de gros sous !?
Pour le commun praticiens prescripteurs spécialistes à Oran comme partout en Algérie, opérer un malade est d'abord une affaire d'argent. Une bonne somme d'argent à percevoir « cash » seulement au bout d'une intervention chirurgicale réparatrice. Le montant de l'acte n'est pas du tout négligeable. Il peut être le double, le triple ou même le quadruple du salaire moyen du fonctionnaire du secteur public. L'opération se monnaye en effet, parmi les plus fréquentes, entre 20 et 80 000 dinars. Le praticien spécialiste toucherait donc l'équivalent de trois ou quatre mois de salaire d'un simple fonctionnaire algérien… au bout de quelques heures seulement d'un travail censé être méticuleux dans un bloc opératoire d'une clinique privée. La fascination de l'argent qui s'exerce sur ces spécialistes fait perdre à ces derniers tout respect des règles de l'éthique de la déontologie médicale en recourant, le plus souvent, au transfert illicite des patients des hôpitaux publics vers les cliniques privées. Cette pratique, devenue monnaie courante depuis de longues années déjà, se déroule au vu et au su de tous les responsables du secteur de la Santé, du simple directeur d'un hôpital jusqu'au ministre de la Santé lui-même. Dans le langage courant, on appelle cette pratique le détournement de malades des hôpitaux vers le privé et des fois l'inverse, comme les examens biologiques pratiqués dans les CHU pour des cliniques privées.
Comment s'effectuent donc ces « détournement » qui saignent tant, financièrement s'entend, les familles des malades et discréditent profondément la santé publique en Algérie ? Malgré le secret entourant cette pratique, des confrères interrogés que nous avons, quoique rares, ont accepté tout de même de témoigner sur ces immorales et dangereuses déviations médicales. « Quand le patient arrive à l'hôpital, profitant de la détresse des membres de sa famille, l'opérateur confiera à ces derniers, avec un brin de compassion : votre fils est très atteint, il doit être opéré en urgence. Je vous propose toutefois, au cas où vous désireriez une prise en charge efficiente, de prendre votre fils dans une clinique privée. Ici, à l'hôpital, je ne peux vous assurer de rien. » Les praticiens, exerçant à plein temps dans le secteur public, sont également pour la quasi-totalité d'entre eux conventionnés dans des cliniques privées depuis que la loi les y a autorisés. Et, en toute logique, c'est au niveau de la clinique où il exerce que le chirurgien accueillera son malade afin de lui faire subir une intervention chirurgicale. La famille du patient hésite souvent avant d'accepter en raison de la cherté de l'opération, mais elle finit souvent, sinon toujours, par acquiescer à la proposition du chirurgien. Le discrédit frappant depuis belle lurette le secteur public a toujours été un argument de taille pour faire pencher la décision de la famille du malade vers la clinique privée. Cela est le cas depuis de longues années. Ce qui détermine la réussite du transfert des malades vers les cliniques privées, réside dans la rapidité de la prise en charge des malades. « A l'hôpital, vous risquez d'attendre des années avant de vous faire opérer, tandis qu'à la clinique privée où j'exerce, vous n'attendrez au maximum que quelques jours seulement, sauf que ce cas-là, vous devriez monnayer votre prise en charge ». C'est en cas termes que les opérateurs accueillent leurs patients à l'hôpital.
Mis devant un tel dilemme, les patients n'ont que deux choix à faire, tout aussi préjudiciable l'un que l'autre : attendre longtemps avant de se faire opérer à l'hôpital au risque de voir leur maladie s'aggraver dangereusement, ou bien accepter de se ruiner en optant en désespoir de cause de se faire rapidement opérer dans une clinique privée. Il ne s'agit pas là de cas isolés, mais bien d'une pratique courante, parfois systématique, comme c'est bien le cas dans les autres wilayas du pays. Curieusement, le malade emprunte aussi l'itinéraire inverse : il va du secteur privé au secteur public. Comment ? Depuis que les spécialistes installés (ayant ouvert des cabinets privés) ont obtenu l'autorisation d'assurer des gardes dans les hôpitaux publics (mesure comprise pour combler le déficit en médecins spécialistes), ils arrivent ainsi à transférer « leurs malades », avec le consentement de ces patients dans les hôpitaux pendant leurs gardes pour les opérer… moyennant une tarification fixée selon le rang social occupé par le malade. Le secteur public gagné par le mercantilisme Ainsi, le praticien hôpitalo-universitaire d'exercer dans une clinique privée (faute de moyens parfois), utilisera le personnel et le matériel de l'hôpital pour opérer son malade en encaissant en plus une rémunération qu'il aura fixée préalablement.
« Il y a rarement un chirurgien qui accepte d'opérer un misérable sans se faire payer ». Cette pratique est sournoise, car cela se passe seulement entre le chirurgien et le malade lui-même. Ce dernier n'ose pas se plaindre sur le champ, car il considère qu'il n'a pas vraiment le choix et son désir est de se débarrasser au plus vite de sa pathologie. Mais, bien plus tard, le malade s'en plaint en s'interrogeant sur le caractère légal ou illégal de l'attitude du « Hakim ». Cette pratique de « détournement de malades » ne se fait malheureusement pas sans provoquer de graves incidents. Devenus de véritables « chasseurs de malades » qu'ils accueillent dans les hôpitaux, les chirurgiens parvenaient souvent à en transférer le premier venu. Un cas à Oran a fait scandale et fera les choux gras de la presse oranaise il y a tout juste quelques jours de cela. Un jeune adulte ayant contracté une fracture du fémur suite à un accident de la circulation, est tout de suite évacué à l'hôpital. Un chirurgien réparateur (exerçant à plein temps dans le secteur public), le reçoit, mais ne l'opère pas sur place, préférant le transférer vers la clinique privée où il est lié par une convention. Une belle promesse donc de percevoir une belle rémunération. Il le programmera alors dans son agenda afin de l'opérer, tardivement, dans « sa boutique ». Quelques jours plus tard, le malade contracte une embolie graisseuse, provoquant une complication pulmonaire. Voyant venir le pire, le manipulateur panique et transfèrera à nouveau le malade vers un service… de l'hôpital. « Il y a quelque chose d'illogique dans cette démarche. D'un côté, on déclare que les hôpitaux sont des écuries, de l'autre côté on ramène le malade vers ce même hôpital quand il y a complications ». Le malade décèdera et ses parents poursuivent en justice l'orthopédiste. « Le malade n'a apparemment pas le droit de mourir dans une clinique privée », et voilà ce que produit la course au profit : la mort de trop. « C'est à cause de la manne financière soutirée aux malades que les spécialistes sont rarement présents dans les hôpitaux. Ils font beaucoup d'absences dans les hôpitaux et s'en vont à la chasse des malades pour les soigner dans les cliniques. Ils ne craignent rien, car ils sont bizarrement bien protégés, en plus de la solidarité régnant entre eux ». Un réseau de rabatteurs a même été érigé entre les malades et les spécialistes !
Il n'y a pas que les infirmiers qui servent de rabatteurs aux spécialistes, mais il y a aussi des étrangers au secteur de la santé qui prolongent la longue file des rabatteurs généralement chargés de convaincre les malades de se faire soigner, moyennant pécule dans les cliniques privées. Il y a donc généralisation de cette pratique. « Le dindon de cette farce, c'est bien sûr le malade, surtout le malade pauvre ». L'autre mal concerne la tarification des soins et opérations chirurgicales. « Tout se fait dans l'illégalité. Après l'opération, le malade sort sans aucun document ni facture. Les cliniques sont de ce point de vue hors-la-loi. La clinique encaisse l'argent et la caisse d'assurance ne rembourse absolument rien. Un assuré social qui cotise n'a-t-il donc pas le droit de se faire rembourser ? ».
La césarienne qui enrichit les accoucheurs !
Concernant la gynécologie, la situation est identique à celle prévalant dans tous les autres services chirurgicaux. Vu le nombre très réduit de gynécologues obstétriciens dans le secteur public, les parturientes se font ausculter par les privés. Les structures publiques sont quasiment vidées de ces spécialistes devenus une denrée très rare. A titre d'exemple, souvent la maternité de la ville n'en possède qu'un seul travaillant à plein temps. Mais ces structures publiques ont recours aux cabinets privés avec lesquels elles ont établi des conventions comme pour les autres services chirurgicaux. Cette situation ouvre une voix royale à une pratique monstrueuse dans les hôpitaux. Dans une daïra peu éloignée de la ville de Sidi Bel Abbes, les deux seuls gynécologues privés installés assurent régulièrement des gardes dans une structure publique. Durant leur journée de garde, ils prévoient souvent des césariennes qui sont souvent présentées comme de prétendues urgences. Ce subterfuge est utilisé pour justifier l'opération dans des cliniques privées avec lesquelles ils sont conventionnés. « Ainsi donc, une malade normale peut facilement devenir une urgence, rien que pour justifier le recours à la césarienne qui coûte pas moins de 80 000 dinars. Quand le gynécologue réalise que la parturiente est aisée socialement, il lui suggère de se faire opérer dans une clinique privée en raison de prétendues meilleures prestations de service. Tenant coûte que coûte à la survie du bébé, les parturientes acceptent souvent la proposition, à la fois pour sauver l'enfant, mais aussi pour le prestige, car la maternité publique est souvent présentée comme un mouroir ou une clinique destinée aux basses classes sociales », et, en tant que professionnel de la santé, je juge que c'est plutôt dans les cliniques privées que la négligence est devenue une règle. C'est dans une clinique privée qu'un bébé est décédé, il y a tout juste quelques années de cela, faute de la disponibilité d'un simple respirateur. La bonne femme a préféré accoucher, deux années plus tard, dans la maternité. L'enfant était sauf ainsi que sa mère, et surtout aucun centime n'a été payé, contrairement à la clinique privée qui a encaissé des millions pour un piètre résultat. Le mythe entretenu par ces cliniques déshumanisées n'est aujourd'hui que l'ombre de lui-même.La dégradation vertigineuse du secteur de la santé continue de susciter beaucoup d'interrogations. Quand et pourquoi en est-on arrivé à cette situation qui perdure toujours et partout d'ailleurs en Algérie ?
« Le praticien spécialiste exerçant à plein temps dans le secteur public a, depuis, le droit d'exercer dans le secteur privé ». Depuis cette directive ministérielle, il y a eu une ruée des praticiens spécialistes vers le secteur privé. Ils sont surtout encouragés par les rémunérations mirobolantes qu'ils peuvent percevoir en exerçant dans ce secteur devenu soudainement très juteux. Mais les conséquences d'un tel traitement de cette problématique sont, comme on l'a vu plus haut, catastrophiques pour la prise en charge des malades. « Logiquement, ou bien on est dans le secteur public, ou bien on est dans le secteur privé ». Ce nouveau système est pourtant maintenu jusqu'à nos jours. Et s'il est toujours maintenu, c'est qu'il y a forcément de gros intérêts en jeu. « La plupart des spécialistes ayant bénéficié de ce temps complémentaire. Ce sont eux qui en ont profité le plus et possèdent pour la plupart des cliniques privées. Ils constituent un puissant lobby proche des centres de décision ». Ainsi donc, au lieu de satisfaire les revendications salariales des médecins spécialistes, on a préféré maintenir cette formule de temps complémentaire, une forme de corruption des spécialistes qu'on a laissé faire malgré les dégâts qu'elle a causés. Censés être de grands défenseurs du secteur public, les spécialistes sont devenus aujourd'hui les plus grands fossoyeurs de ce secteur.
Seule une infime minorité continue d'honorer la déontologie médicale, mais au prix d'un très grand effort. L'encouragement du secteur privé par l'enrichissement éhonté de ses promoteurs participe bien de la stratégie d'anéantissement du secteur public censé être au service exclusif du malade. Le seul scanner de l'hôpital d'Oran, unique dans toute la wilaya, est toujours en panne, et les malades ont recours à ceux existant chez les privés, en payant l'examen au minimum 5000 DA. Quand elle arrive dans un hôpital, une victime d'un traumatisme crânien, cas très fréquent, le médecin l'envoie d'abord dans une ambulance vers une clinique privée pour faire un scanner (payable cash bien sûr) pour connaître le degré de gravité de son traumatisme crânien avant de le faire revenir à l'hôpital et de poursuivre son auscultation. Il s'agit-là de l'illustration parfaite de l'humiliation du secteur public. La dévalorisation de ce secteur est telle que d'ailleurs son encadrement le mieux formé et le plus compétent a quitté le pays.
« Au CHU de Sidi Bel Abbes et Tlemcen, il y a des services qui n'ont plus d'encadreurs censés encadrer les médecins spécialistes. Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, on a perdu la plupart des encadreurs de médecine possédant une très bonne formation. La médiocrité a pris le dessus même dans nos universités », je suggère aussi que la formule du temps complémentaire soit abrogée, car elle est à l'origine de l'anarchie qui règne dans le secteur de la santé en Algérie et que la solution résiderait plutôt dans l'augmentation salariale des spécialistes, à l'instar de ce qui se fait en Tunisie et au Maroc où leurs collègues touchent quatre ou cinq fois plus qu'eux. Ceci induira logiquement la réhabilitation du secteur public censé garantir les soins aux malades dans le respect de leur dignité en donnant une gifle à ceux qui s'enrichissent sur le dos de la détresse humaine. L'Algérie est un pays à l'histoire millénaire, intimement liée à celle de la Méditerranée. Déjà, en l'an 46 avant J.-C., la médecine y était pratiquée, et Juba 1er , alors roi de Numidie, avait pour médecin Euphorbe, d'où la dénomination de certaines plantes médicinales, les euphorbiacées. Nous souhaitons que chaque praticien fasse preuve de collaboration, de solidarité et non de compétition, pour le bien de la profession et de la société algérienne.
L'auteur est docteur au Service de thérapeutique. Faculté de médecine d'Oran


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