Détenu depuis plus de trois mois, l'otage français Michel Germaneau a été exécuté, dimanche dernier, par ses ravisseurs. L'annonce a été faite 48 heures après l'assaut franco-mauritanien contre un groupe d'Al Qaîda au nord du Mali. Pour la deuxième fois, la France entre par effraction dans la région et cause de lourds dommages collatéraux. L'otage français, Michel Germaneau, a été exécuté dimanche dernier par les terroristes d'Al Qaîda au nord du Mali, où il était détenu depuis le 19 avril dernier. L'annonce a été faite le jour même dans un enregistrement audio diffusé, tard dans la soirée, par la chaîne qatarie Al Jazeera. Agé de 78 ans, Michel Germaneau avait été décapité à la suite de l'offensive militaire franco-mauritanienne contre un refuge de terroristes sur le territoire malien, à proximité de la frontière avec la Mauritanie. Officiellement, le raid avait pour but de « libérer l'otage censé être sur les lieux et mettre en échec une attaque éventuelle contre l'armée mauritanienne ». Mais l'opération a échoué. Les terroristes, certainement bien informés, avaient déplacé l'otage et n'ont laissé qu'un petit groupe que le commando franco-mauritanien a accroché, tuant six d'entre eux et blessant quatre autres. La réaction d'Abou Zeid, émir de la phalange du Sahara, ne s'est pas fait attendre. Avant même que l'ultimatum donné à la Mauritanie pour libérer les terroristes impliqués dans l'enlèvement des Espagnols (prévu hier à minuit) n'expire, Abou Zeid a décapité l'otage et revendiqué publiquement son exécution, affirmant qu'il s'agit d'une réponse à l'attaque de jeudi matin menée par la France et la Mauritanie. Une réponse qui ressemble à celle donnée par la même organisation au gouvernement britannique après le refus de ce dernier de négocier la libération d'Edwin Meyer. En effet, celui-ci avait été assassiné après plusieurs mois de détention au nord du Mali. Est-ce l'intransigeance de la Mauritanie à ne pas libérer des terroristes d'Al Qaîda qui a été à l'origine de l'option militaire sur le territoire malien ? Ou est-ce le statut de l'otage, un humanitaire sans attache ni liens professionnels avec son pays ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que la France n'a pas géré de la même manière le dossier de Pierre Camatt, pour lequel elle a mobilisé tous ses services dans le but de le libérer vivant, et celui de Germaneau, dont la vie a été compromise par une intervention militaire mal préparée et dont les risques ont été sous-évalués. « L'ultimatum n'était que l'annonce d'un assassinat programmé » « Depuis le 12 juillet, Michel Germaneau était sous le coup d'un ultimatum qui n'était en fait que l'annonce d'un assassinat programmé. Cet ultimatum, en effet, émanait d'un groupe qui avait assassiné, le 31 mai dernier, un malheureux otage britannique enlevé dans les mêmes conditions et qui n'a jamais été précédé du moindre début de dialogue avec des autorités françaises ou locales, à l'inverse de ce qui s'était produit pour Pierre Camatt pour lequel les preneurs d'otage avaient accepté d'entrer dans des discussions », a expliqué le président français, Nicolas Sarkozy, lors d'une conférence de presse animée après l'exécution de l'otage. La sentence subie par Germaneau rappelle douloureusement la grave situation dans laquelle se trouve la région du Sahel, depuis que le GSPC a décidé d'en faire son quartier général. Quelque 250 éléments puissamment armés, connaissant parfaitement le désert, ont réussi à transformer ce no man's land en une véritable poudrière où trafiquants d'armes, de drogue et contrebandiers se rendent service mutuellement pour partager les gains de leurs activités criminelles. En face, les Etats de la région n'arrivent pas à s'entendre pour balayer devant leurs portes. Les nombreuses initiatives allant dans le sens de la conjugaison des efforts pour venir à bout de cette situation se sont avérées vaines. Pourtant, il y a quelques mois seulement, les ministres des Affaires étrangères de six pays du Sahel, à savoir le Niger, le Mali, le Tchad, la Mauritanie, l'Algérie, le Burkina Faso se sont engagés, lors une conférence à Alger, à renforcer la coopération et l'échange d'informations en matière de lutte contre le terrorisme pour éradiquer ce fléau qui mine l'avenir de la région. Cette réunion a été suivie par celle des patrons des services de renseignement, puis par une autre, qui a regroupé les responsables de la lutte antiterroriste avant d'aboutir à une conférence, à Alger, des chefs d'état-major des armées de chacun des pays concernés. Un comité des chefs des états-majors du Mali, du Niger, de Mauritanie et d'Algérie a même été mis en place à Tamanrasset, pour concrétiser sur le terrain les décisions prises et engager une stratégie commune de lutte contre le terrorisme. Censé être un outil de concertation et de coopération, ce comité n'arrive malheureusement toujours pas à rendre effectives les actions décidées sur le terrain. Un terrain, faut-il le préciser, que se disputent des puissances extra-régionales, comme les Etats-Unis et la France, beaucoup plus attirés par les richesses du sol (uranium et pétrole) mais aussi l'Espagne qui, depuis peu, s'inquiète de l'état de ses deux ressortissants détenus par Al Qaîda depuis des mois et dont le sort n'est toujours pas connu. La sortie ratée de la France L'entrée par effraction de la France dans les négociations avec les terroristes et dans les opérations militaires contre Al Qaîda au Sahel n'aurait peut-être pas eu lieu si les pays de la région s'étaient entendus pour chasser les semeurs de mort de leur territoire. Dans l'affaire de Pierre Camatt, le Mali, qui s'était engagé officiellement à ne pas libérer les terroristes (réclamés par leurs pays d'origine) en contrepartie de la vie de l'otage, a fini par céder sous la pression de la France. Pierre Camatt est rentré chez lui, comme les quatre terroristes libérés, laissant le Mali en pleine crise diplomatique avec la Mauritanie et l'Algérie. Quelques mois plus tard, cette même France réédite le scénario en poussant l'ingérence bien loin. Pour libérer Germaneau, elle envoie un commando en terre malienne avec le soutien des Mauritaniens. Les dommages collatéraux de l'échec de cette opération seront lourds à assumer aussi bien par l'Hexagone qui a mis en péril la vie de l'otage, mais également par la Mauritanie qui se retrouve ainsi dans le collimateur de ses voisins mais aussi sous le coup d'une menace terroriste de plus en plus pesante. Toutes ses forces armées sont d'ailleurs en alerte maximum par crainte d'éventuelles représailles. La Mauritanie est plus que jamais interpellée et se trouve dans l'obligation d'expliquer sa décision de faire appel à des forces extra-régionales pour mener une opération militaire sur le sol de son voisin. Elle qui s'est pourtant engagée, dans une déclaration officielle signée par son ministre des Affaires étrangères, lors de la conférence d'Alger, à éviter les ingérences des uns et des autres. Encore une fois, les pays de la région ont raté l'occasion de faire sortir leur population de la terreur semée par Al Qaîda. Les intérêts des dirigeants ont primé sur la sécurité et l'avenir de leurs populations. Ce qui laisse, hélas, de beaux jours aux terroristes et leurs alliés, les contrebandiers, les trafiquants de drogue et d'armes dans le Sahel. S. T.