Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a réaffirmé vendredi la disponibilité de l'Algérie à poursuivre son appui au peuple libyen et dénoncé le sabotage systématique par certaines parties de toute démarche de règlement pacifique de la crise libyenne. «Nous sommes en faveur de la légitimité populaire en Libye et nous souhaitons que la solution soit libyo-libyenne. L'Algérie n'abandonnera pas ce pays. De par notre intégrité et notre impartialité, nous sommes en mesure de solutionner le problème libyen», a-t-il assuré lors d'un entretien accordé à quatre responsables de médias nationaux dont celui d'El Watan. Le président Tebboune a insisté à ce propos sur le fait que «l'Algérie n'a aucune visée économique en Libye et ne nourrit aucun calcul géopolitique ni ne cherche à asseoir son influence dans ce pays». «Nous n'avons fait entrer aucune balle en Libye mais plutôt des aides et des médicaments. C'est cela pour moi le véritable voisinage», a-t-il déclaré, exprimant le vœu de voir les Libyens revenir au bon sens et à la sagesse. M. Tebboune a aussi dit comprendre le drame et les souffrances que vivent les Libyens. «Nous connaissons, en tant qu'Algériens, l'amertume d'une telle situation, nous avons vécu l'effusion du sang algérien et nous ne souhaitons pas cela à nos frères libyens», a-t-il insisté. La démarche désintéressée de l'Algérie Reconnaissant être inquiet quant aux «très mauvais signes» dans ce pays avec lequel l'Algérie partage près de 1000 kilomètres de frontière, le président de la République a averti que «si le feu n'est pas éteint, il ravagera toute la Libye, les pays voisins et non voisins», cela d'autant que l'embargo sur les armes qui frappe l'ex-Jamahiriya est régulièrement violé. Abdelmadjid Tebboune a révélé à ce propos que deux mois après la conférence de Berlin, «3000 tonnes d'armes ont été introduites en Libye». «C'est la stabilité de la Libye qui n'est pas souhaitée ou c'est l'Algérie qui est ciblée ?» s'est-il interrogé tout en indiquant qu'il existe une complète convergence de vue avec l'Italie sur le dossier libyen. «La Libye est à quelques kilomètres de l'Italie, c'est pourquoi ce pays partage notre vision à cent pour cent», a-t-il précisé réaffirmant que rien ne saurait être décidé concernant la Libye sans l'Algérie. Bien que la crise libyenne soit complexe en raison particulièrement des ingérences extérieures, Abdelmadjid Tebboune a affirmé néanmoins que «les solutions existent» et qu'il a déjà eu à les exposer à bon nombre de ses homologues concernés par le dossier. Quelle solution serait la plus à même de favoriser un rapprochement entre les principaux protagonistes de la crise ? «La solution, c'est un Conseil national provisoire (…) pour constituer un Gouvernement provisoire. Cela permettra ensuite d'amorcer un retour à la légitimité électorale», a expliqué le président Tebboune. «L'Algérie était proche d'une solution» Dans le même ordre d'idées, le chef de l'Etat a révélé que l'Algérie était proche d'une solution à la crise mais que certaines parties, sans dire lesquelles, ont sabordé sa démarche. «Toutes les tribus libyennes sont favorables à une solution algérienne. Nous étions très proches d'une solution à la crise libyenne, mais on ne nous a pas laissé faire car, pour certains, si l'Algérie parvenait à régler la crise libyenne cela la propulserait au-devant de la scène internationale (…) ce qu'ils ne veulent pas», a-t-il poursuivi. Il a rappelé également le refus de la désignation du diplomate algérien Ramtane Lamamra en tant qu'envoyé pour la Libye, estimant qu'il aurait pu parvenir à un règlement de la crise libyenne. Quoi qu'il en soit, le président Tebboune a indiqué que «l'histoire finira par s'imposer, car aucune crise n'a été résolue par les armes». «Tout le monde finit par se retrouver autour de la même table, alors autant le faire maintenant pour éviter davantage de souffrances», a-t-il suggéré. «Qu'on laisse les Libyens régler leurs problèmes et nous sommes disposés à les aider… C'est vrai que notre doctrine exclut à notre armée de se rendre sur des théâtres extérieurs. Néanmoins, techniquement, nous pouvons apporter aide et assistance, notamment en matière d'organisation», a assuré en outre le chef de l'Etat. L'ONU impuissante Depuis le renversement, en 2011, par les Occidentaux du régime de Mouammar El Gueddafi, la Libye est déchirée par une sanglante lutte pour le pouvoir. Cette lutte oppose depuis 2015 deux gouvernements rivaux. Il y a d'un côté le Gouvernement d'union nationale (GNA). Basé à Tripoli, il est le seul reconnu par la communauté internationale. A l'Est, se trouve le maréchal Khalifa Haftar et un gouvernement alibi qui lui sert de couverture politique. A la tête d'une petite armée de près de 25 000 hommes qu'il a baptisée Armée nationale libyenne (ANL), il refuse de reconnaître le GNA. Cette armée est une association de groupes disparates d'anciens militaires kadhafistes, de miliciens tribaux et de combattants salafistes. Appuyés par plusieurs milliers de mercenaires russes et soudanais, Khalifa Haftar mène depuis avril 2019 une offensive contre Tripoli pour renverser le GNA. Il est accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire. Exacerbé au fil des mois par les ingérences armées étrangères, avec notamment les Emirats arabes unis, l'Arabie Saoudite et l'Egypte soutenant Khalifa Haftar et la Turquie aidant le GNA, le conflit en Libye a fait depuis plus d'un an des centaines de morts et plus de 200 000 déplacés. Toutes les médiations menées ces dernières années par l'ONU pour faire taire les armes dans ce pays se sont soldées par des échecs.