Accusées jeudi par les Emirats arabes unis de souffler sur les braises du conflit libyen, les autorités turques ont réagi au quart de tour en s'attaquant eux aussi à la politique étrangère d'Abu Dhabi en Afrique qu'elles ont qualifiée d'«hypocrite». Dans un communiqué au vitriol rendu public le même jour, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, a soutenu que «les allégations infondées de l'administration émiratie ne sont qu'une vaine tentative de dissimuler la politique hypocrite de ce pays qui soutient les putschistes». Appelant Abu Dhabi à cesser sa position hostile envers Ankara, Hami Aksoy a rappelé que «les Emirats arabes unis fournissent des armes, des équipements militaires et des mercenaires aux putschistes en Libye (Khalifa Haftar, ndlr), depuis des années». La Turquie, a insisté Hami Aksoy, «a toujours respecté l'intégrité territoriale et politique des pays arabes, comme elle l'a fait en Libye aussi». «Ce n'est pas le cas, a-t-il poursuivi, des autorités émiraties qui œuvrent à détériorer la paix, la sécurité et la stabilité internationales non seulement en Libye, mais aussi au Yémen, en Syrie, et dans la Corne de l'Afrique, où par exemple, elles fournissent un soutien aux organisations terroristes, dont Al Shebab». Ce n'est pas la première fois qu'Ankara accuse les Emirats arabes unis de soutenir le terrorisme en Somalie. Les autorités turques avaient proféré des accusations similaires à l'encontre d'Abu Dhabi en décembre 2019 après un attentat sanglant qui avait fait près d'une centaine de morts à Mogadiscio, la capitale de la Somalie. Les renseignements somaliens (NISA) avaient aussi affirmé qu'un pays étranger, sans dire lequel, avait planifié l'attaque. Du fait que l'attentant à la bombe avait visé un convoi turc, beaucoup d'observateurs avaient pensé aussi directement à une implication des Emirats arabes unis, frontalement opposés à Ankara dans la région. Les relations diplomatiques entre Mogadiscio et Abu Dhabi sont également exécrables. Le journal turc Yeni Safak, réputé proche du président Erdogan, avait mentionné aussi une implication des Emirats. Les shebab ont quant à eux mis deux jours à revendiquer l'attentat qui avait fait 90 morts et 150 blessés. La grande majorité des victimes étaient des civils, ce qui avait renforcé l'idée qu'il y avait anguille sous roche. La Turquie déploie d'importants efforts ces dernières années pour renforcer sa présence économique et diplomatique en Afrique. Le pays a de nombreux intérêts économiques, particulièrement en Afrique de l'Est. Pour les protéger, Ankara a inauguré, fin septembre 2017, en Somalie, sa plus importante base militaire à l'étranger, confirmant ainsi l'intérêt stratégique qu'elle accorde à la région. Cette base, dont le coût avoisine les 50 millions de dollars, permet d'accueillir un millier d'hommes.