D'abord la lourde cloche de bronze de la basilique Saint-Pierre et ensuite toutes celles de Rome et du monde ont sonné le glas, hier soir, pour annoncer la mort de Jean-Paul II. Entre un et deux millions de fidèles de l'Eglise catholique sont attendus dans la Ville éternelle pour faire leur adieu au défunt pape. Sur les façades des institutions de l'Etat du Vatican et de celui italien, les drapeaux ont été mis en berne, samedi soir, annonçant le début du deuil officiel de neuf et trois jours respectivement. Depuis trois décennies, les Romains n'avaient vécu un week-end aussi triste, sans matchs de football, le championnat ayant été suspendu, et même le vote régional est passé au second plan. Dès que la nouvelle du décès du souverain pontife est tombée, samedi soir, les Romains se sont spontanément joints aux 50 000 personnes qui veillaient le pape. Les rues de Rome ont été prises d'assaut, créant des embouteillages dignes des traditionnelles festivités du nouvel an. Mais les Italiens et les autres touristes qui se trouvent dans la capitale italienne avaient le cœur gros et se sentaient orphelins de leur pape slave qui avait réussi à gagner leurs admiration et affection. Et Karol Wojtyla le leur rendait bien. Selon des indiscrétions rapportées par la presse italienne, le souverain pontife aurait eu, dans un ultime surhumain effort, vu son état physique très altéré, levé la main en un signe de bénédiction en direction de la foule de fidèles qui le veillait à la place Saint-Pierre. Le pape aurait surpris son entourage, réussissant même à prononcer le mot « Amen » avant de s'éteindre. Dès l'annonce de la mort de Jean-Paul II, presque en direct, puisqu'elle a été donnée par une agence italienne d'information quelques minutes à peine après son décès, le président de la République italienne, visiblement ému, s'est adressé aux Italiens, dans un bref discours. Carlo Azeglio Ciampi, qui était très lié à Jean-Paul II, a annoncé un deuil national de trois jours et le jour des funérailles, affirmant que le pape « avait communiqué espoir et confiance à nous tous, et a modelé les consciences avec les valeurs qui donnent sens et dignité à la vie des personnes et de la société humaine ». La dépouille mortelle de Jean-Paul II, déposée sur un catafalque, a été exposée, dès hier matin, à la salle Clémentine, au deuxième étage du palais apostolique, pour permettre à la curie romaine, aux responsables italiens et autres personnalités ainsi qu'aux ambassadeurs en poste au Saint- Siège de saluer une dernière fois le chef de l'Etat du Vatican. A partir d'aujourd'hui, la dépouille de Jean-Paul II sera déplacée à la basilique Saint-Pierre afin que les Romains et les autres fidèles puissent, à leur tour, et jusqu'à jeudi, rendre hommage à leur pape. Les funérailles officielles ne seraient célébrées que jeudi prochain, selon des responsables du Vatican. Les 117 cardinaux convoqués de par le monde devront trancher ce sujet lors de leur première congrégation, prévue aujourd'hui. Les chefs d'Etat du monde entier sont attendus à Rome, vers laquelle des milliers de concitoyens de Jean-Paul II ont commencé à affluer depuis deux jours, obligeant les autorités locales à ouvrir des centres d'accueil, où des lits de camp et de repos sont distribués. Les médias italiens qui ont suivi et rapporté les événements qui ont marqué les derniers jours de Jean-Paul II ont tous ouvert hier sur la mort du pape. Qu'ils soient conservateurs, de gauche ou libéraux, les quotidiens ont accordé leur première page à la figure du souverain pontife. Il Corriere Della Sera, journal de la confédération patronale, a publié en gros titre : « Le pape qui a changé le monde ». Pour sa part, le quotidien de centre gauche, La Repubblica, a écrit, tout simplement, « Adieu Wojtyla ». Le quotidien du groupe Fiat, La Stampa, a ainsi commenté la mort de Wojtyla : « Le monde pleure le pape », racontant : « Il a dit amen et puis il s'est éteint, entouré de ses secrétaires polonais et de ses plus proches collaborateurs. » Il Messaggero, le quotidien de Rome, a titré : « Le pape de tous », sur une photo du pape embrassant un nouveau-né. Le conservateur Il Tempo a écrit : « Entre tes mains ». Le libéral Il Giornale a titré, en usant du jeu de mots : « Papa, père », qui est le même en italien : « Notre Papa qui êtes aux cieux ». Le quotidien de la conférence épiscopale, Avennire, a écrit en gros titre : « Le vide le plus grand », publiant une photo du pape qui s'éloigne. Le quotidien économique, Il Sole 24 Ore, a titré : « Adieu, pape au grand cœur ». Le journal de droite, Il Foglio, a titré son éditorial, « Lui, nos années ». Car, en effet, plusieurs générations d'Italiens ont grandi avec ce pape et n'ont pas de souvenirs de son prédécesseur. L'autre quotidien de droite, Libero, titre : « Et comme cela, il s'en est allé ». Le quotidien communiste surprend ses lecteurs et titre : « On n'en fait pas un autre », faisant allusion à la personnalité unique du pape. L'Unità, autre quotidien de gauche, a choisi de titrer : « Le pape repose dans la paix », non pas en paix, rappelant les positions courageuses de Jean-Paul II en faveur de la paix dans le monde. Le conservateur Il Secolo d'Italia rappelle le soutien que le défunt pape avait toujours manifesté envers les générations futures. « Avec les jeunes jusqu'au bout ». Même les quotidiens sportifs ont dédié leur première page à la mort de Jean-Paul II, comme la prestigieuse Gazetta Dello Sport qui a publié en première page la photo du champion de football italien, Roberto Baggio, embrassant la main du pape, bien que tout le monde sait que Baggio s'est converti au bouddhisme depuis des années. La Gazzetta a publié un grand dossier qui rappelle les rapports sains et constants que Jean-Paul II avait avec le monde du sport. Lui qui était un athlète complet, puisqu'il pratiquait plusieurs sports, comme le ski et le canoë, avait même assisté, en octobre 2000 lors du jubilé du sport, à une partie de football des gradins du stade Olimpico de Rome. A l'occasion, il avait accordé sa bénédiction au joueur de l'équipe de Rome, Francesco Toti. Le titre de Il Corriere Dello Sport, se voulait, lui, comme un simple slogan de tifosi : « Ciao, grandissime ».